Notre lettre 378 publiée le 12 mars 2013

LA MESSE TRADITIONNELLE S’INSTALLE À PARIS SUR LES CHAMPS-ÉLYSÉES (OU PRESQUE !)


Dans notre lettre de la semaine dernière sur la chapelle de l’hôpital de Saint-Germain-en-Laye, nous avons rappelé le précédent de la chapelle de l’hôpital Laennec, abandonnée avec la complicité de l’archevêché aux requins de l’immobilier. Il faut dire que c’est à la chapelle de l'hôpital Laennec qu’avait pris corps, autour de Monseigneur Ducaud-Bourget, la résistance des catholiques parisiens à l’éradication de la messe traditionnelle en France voulue par le cardinal Marty.

Cette semaine, c’est vers un autre lieu, lié à la mémoire de Monseigneur Ducaud-Bourget que se tournent nos regards : la chapelle Sainte-Germaine de l’avenue des Ternes. Née, de bric et de broc, à l’époque des messes célébrées salle Wagram au milieu des années 70, cette chapelle (à l’origine simple dépendance sur cour réservés aux prêtres célébrant le dimanche salle Wagram, après avoir célébré dans d’autres salles louées, rue Las Cases et autres). Elle était depuis des années le second lieu de culte de la Fraternité Saint-Pie X à Paris par son importance. « Était » car la Fraternité Saint-Pie X y a célébré ses dernières messes ce dimanche. En effet, quand diocèses et congrégations religieuses ferment leurs lieux de culte faute de vocations et par nécessité financière, la Fraternité Saint-Pie X, elle, se développe.

De fait, la fermeture de la chapelle de l’avenue des Ternes correspond à la prise de possession par la messe traditionnelle (concrètement par la Fraternité Saint-Pie X) d’un nouveau lieu de culte parisien : la chapelle Notre-Dame de Consolation, érigée sur l’emplacement de l’ancien Bazar de la Charité quelques années seulement après le dramatique incendie de 1897 (1). La chapelle Sainte-Germaine y sera transférée dès ce dimanche 17 mars. Nous avons demandé à l’Abbé Celier, prieur de Sainte-Germaine et désormais prieur de Notre-Dame de Consolation, de nous préciser les conditions et le sens de ce déménagement.






I – UN ENTRETIEN AVEC L’ABBÉ GRÉGOIRE CELIER, PRIEUR DE NOTRE-DAME DE CONSOLATION


PL – M. l’abbé, vous succédez à la paroisse italienne de Paris, installée à la chapelle Notre-Dame de Consolation : dans quelles conditions se fait votre installation ?

Abbé Celier : Dans l’acte de fondation de la chapelle Notre-Dame de Consolation, daté du mois d’août 1897, quelques semaines seulement après le drame de l’incendie du Bazar de la Charité, il était prévu que cette chapelle pourrait être confiée soit à des prêtres chargés de la desservir, soit à des religieuses ayant la mission de prier pour les morts. De 1900 à 1953, la chapelle Notre-Dame de Consolation a effectivement été confiée aux sœurs Auxiliatrices des âmes du Purgatoire ; de 1953 à 2012, elle a été confiée aux prêtres de la Mission catholique italienne de Paris ; désormais, elle est confiée pour une durée de cinquante ans aux prêtres de la Fraternité Saint-Pie X. Nous nous inscrivons donc dans l’esprit de cette fondation de 1897, et nous suivrons les traces de nos prédécesseurs, assurant à cette chapelle la vie religieuse et liturgique qui lui convient, par des messes, des exercices de piété, des prédications, des catéchismes, des conférences spirituelles, des œuvres caritatives, etc. Il se trouve aussi que la liturgie que nous y célébrerons sera celle qu’ont connue les Auxiliatrices des âmes du Purgatoire, ainsi que les missionnaires italiens pendant une partie de leur implantation, une liturgie qui entre en particulière résonance avec ce lieu puisque c’est en vue de cette liturgie et selon ses règles que cette chapelle fut édifiée.


PL – Quel est le contrat qui vous lie à l’association Mémorial du Bazar de la Charité ?

Abbé Celier : En raison des malheurs du temps, la Mission catholique italienne de Paris, qui a fait vivre ce lieu durant soixante ans, n’était plus vraiment en mesure d’entretenir ce bâtiment qui représente évidemment certains frais, étant donné sa taille et sa qualité artistique. L’association Mémorial du Bazar de la Charité, consciente de cet enjeu, et désireuse néanmoins de conserver ce monument comme un lieu proprement religieux, sans l’affermer à une quelconque entreprise commerciale (et il n’en manquait pas qui guignaient ce joyau), a cherché une institution capable d’assurer tant le spirituel que le temporel. Elle s’est ainsi tournée vers la Fraternité Saint-Pie X qui, pour sa part, cherchait une solution pour remplacer le local de fortune qui abrite la chapelle Sainte-Germaine depuis quarante ans. Les légitimes intérêts des uns et des autres se sont ainsi rencontrés.

Nous avons donc signé le 14 janvier 2013 un bail emphytéotique pour cinquante ans. Ce bail nous donne tous les droits et toutes les charges du propriétaire durant ce laps de temps. Mais les intérêts de l’association Mémorial du Bazar de la Charité sont parfaitement préservés. L’Association est seule responsable de la mémoire des victimes. Elle conserve rue Jean Goujon son siège social, elle y possède un bureau, une adresse postale, une plaque sur l’entrée. Elle assure les visites du monument, y fait célébrer des messes anniversaires, y organise ses assemblées générales et ses autres activités. Les responsabilités sont ainsi parfaitement définies : à la Fraternité Saint-Pie X la responsabilité du bâtiment et son animation spirituelle, à l’Association tout ce qui concerne la mémoire de l’incendie du Bazar de la Charité.


PL – Vous quittez un lieu historique, lié à la résistance admirable de Mgr Ducaud-Bourget face au cardinal Marty : sa figure sera-t-elle présente à Notre-Dame de Consolation ?

Abbé Celier : La chapelle Sainte-Germaine, liée au souvenir de Mgr Ducaud-Bourget, de l’abbé Serralda et de la pléiade de prêtres courageux qui les aidaient, va évidemment perdurer, puisque c’est cette même communauté paroissiale qui va s’installer rue Jean Goujon, ne faisant que changer de lieu. De même qu’en quittant Laennec pour la rue de la Cossonnerie, puis celle-ci pour la salle Wagram et la chapelle des Ternes, la communauté perdurait avec la même réalité. C’est tout simplement un dernier avatar pour cette communauté paroissiale, et l’ultime je l’espère.

Par ailleurs, d’un point de vue doctrinal et liturgique, nous restons toujours pleinement attachés à l’héritage de fidélité catholique que nous ont légué Mgr Ducaud-Bourget, l’abbé Serralda et les autres prêtres résistants.

Enfin, concrètement, le nom même de Sainte-Germaine, nom chargé d’histoire, de souvenir et d’émotion, ne disparaîtra pas. Une grande crypte de la rue Jean Goujon, qui jusqu’à ce jour n’avait pas de nom spécifique, a été baptisée du nom de « Crypte Sainte-Germaine ». La messe de 9 heures le dimanche matin y sera célébrée, ainsi que d’autres offices, et des activités paroissiales. Ainsi, nous garderons un souvenir vivant des quarante années précédentes.


PL – Vous investissez le triangle d’or parisien, carrefour du luxe, des affaires et des médias : y développerez-vous un apostolat spécifique ?

Abbé Celier : Le premier de nos apostolats va concerner… tout simplement nos fidèles. La chapelle Sainte-Germaine est une communauté vivante, nombreuse et dynamique, qui réclame déjà nos efforts et notre attention.
Par ailleurs, nous allons certainement faire face à une augmentation sensible du nombre des fidèles, car la beauté et la commodité du lieu vont certainement produire leur effet.

Mais, évidemment, nous allons nous efforcer de mener notre apostolat dans l’environnement qui sera désormais le nôtre, près des grands couturiers, des radios, etc. Nous serons très attentifs à tout ce qui nous permettra d’y rayonner le Christ, même si je ne sais pas encore sous quelle forme cela pourra se faire.


PL – Votre calendrier paroissial est-il prêt ?

Abbé Celier : La chapelle Sainte-Germaine est malheureusement méconnue, mais c’est une chapelle tout à fait active. Il y est célébré deux messes chaque jour de l’année, une à 7 h 45 et l’autre à 18 h 30. Le dimanche, ce sont quatre messes qui sont célébrées, à 9 h 00 (messe avec orgue), à 10 h 15 (messe chantée), à 11 h 45 (messe avec orgue) et à 18 h 30 (messe lue). Un prêtre assure une permanence de confessions chaque soir de 17 h 30 à 18 h 30, et des confessions sont assurées pendant toutes les messes du dimanche. Nous allons profiter de la beauté et de la commodité du lieu pour amplifier encore cette « offre » spirituelle et liturgique, mais ce ne sera pas un commencement absolu. Encore une fois, c’est la chapelle Sainte-Germaine, qui existe et qui vit depuis quarante ans, qui s’installe à Notre-Dame de Consolation.


PL – Vous annoncez des travaux : pouvez-vous nous en dire plus ?

Abbé Celier : Dans les deux ans, nous allons effectivement réaliser un ensemble de travaux, qui sont de trois types.

D’abord, l’Association Mémorial du Bazar de la Charité a fait rénover les années passées la moitié de la coupole, profitant de ces travaux pour faire redorer la Vierge qui la surplombe. Il nous appartient de faire rénover l’autre moitié de cette coupole.

Ensuite, cette chapelle existe depuis 110 ans, et n’a jamais subi un ravalement ni de nettoyage approfondi durant toute cette période. Or le bâtiment a longtemps été chauffé au charbon, comme beaucoup d’églises, ce qui est très salissant. Nous allons donc faire réaliser ce grand nettoyage, qui redonnera à ce bijou architectural sa splendeur originelle.

Enfin, nous allons aménager quelques parties annexes pour rendre la vie paroissiale plus facile et plus agréable, notamment concernant l’accessibilité pour les personnes âgées, mais aussi pour la partie « prieuré » à l’arrière, où les prêtres vont s’installer.

Pour cela, nous avons évidemment besoin des prières de tous les catholiques, mais aussi de leur aide financière : nous ne sommes subventionnés ni par le Qatar, ni par l’Arabie saoudite. Quant au mythe qui voudrait que la Fraternité Saint-Pie X soit très riche, c’est malheureusement… un mythe, et je le regrette, car cela me faciliterait la tâche.

La réalité, c’est que la communauté de Sainte-Germaine, désormais de Notre-Dame de Consolation, va se retrousser les manches et va chercher les ressources nécessaires, en commençant par donner elle-même généreusement. Mais, bien sûr et par surcroît, nous faisons appel à la générosité du public, qui peut envoyer des dons à l’adresse et à l’ordre suivants : « Chapelle Notre-Dame de Consolation, 23 rue Jean Goujon, 75008 Paris » (reçu fiscal en retour).


PL – Quel est le programme de votre installation ce week-end ?

Abbé Celier : Nous réaliserons l’inauguration « civile » le samedi 16 mars 2013, selon le programme suivant : à 15 h 30, ce sera l’ouverture des portes et l’accueil à la crypte Sainte-Germaine ; à 16 h 00, je raconterai l’histoire de la chapelle Sainte-Germaine ; à 16 h 30, la Présidente de l’association Mémorial du Bazar de la Charité racontera l’histoire de Notre-Dame de Consolation ; enfin, puisque nous sommes en France, à 17 h 00 sera proposé un buffet, pendant lequel il sera possible de visiter le bâtiment.

Nous réaliserons l’inauguration religieuse le dimanche 17 mars 2013, selon le programme suivant : à 10 h 15, la messe chantée sera célébrée par Mgr Bernard Fellay, Supérieur général de la Fraternité sacerdotale Saint-Pie X, suivie à 12 h 15 du verre de l’amitié dans la crypte Sainte-Germaine.

Tous ceux qui le souhaitent sont évidemment invités à ces deux jours de festivité, mais aussi à venir visiter cette magnifique chapelle quand ils le voudront après le 17 mars.



II – LES RÉFLEXIONS DE PAIX LITURGIQUE


1)  La Fraternité Saint-Pie X se développe à Paris, et de quelle façon ! En investissant, légalement et en douceur, un lieu aussi symbolique que la chapelle Notre-Dame de Consolation, le monde traditionnel offre la preuve d’un dynamisme, d’une intelligence et de moyens dont nos diocèses sont de plus en plus souvent dépourvus.

Or, qu’il s’agisse des écoles ou des lieux de messe, le monde traditionnel français, toutes tendances confondues, poursuit inexorablement son développement. On ne sait de quelle ligne liturgique sera le prochain pontificat. Mais il n’est pas douteux que la fusion des sensibilités et des appartenances traditionnelles deviendra plus que jamais nécessaire.

Nous disons intelligence car, comme l’ont reconnu les services de l’archevêché à La Croix : « Nous n’avons aucun droit de regard sur l’association Mémorial du Bazar de la Charité et nous ne pouvions ni racheter, ni louer l’édifice. On ne pouvait pas faire grand-chose. » Bref, la Fraternité a su cibler un lieu de culte non soumis au contrôle diocésain, et ce en plein cœur de Paris.

Nous disons moyens, car le coût d’entretien des lieux de culte est souvent prétexte à leur abandon par les diocèses. Or, comme le détaille l’Abbé Celier, non seulement la Fraternité Saint-Pie X s’engage pour 50 ans mais entreprend aussi immédiatement des travaux de ravalement et d’aménagement. Et le prieur de préciser que ce sont les fidèles qui seront les premiers à financer ce projet. Un rappel pas si anodin que ça car bien souvent les manques de ressources financières des diocèses sont liées tout simplement à un manque de fidèles... (2)


2)  Des paroles de l’abbé Celier, on comprend aussi que la prise de possession de Notre-Dame de Consolation répond à une logique de développement harmonieux : celui de la communauté de la chapelle Sainte-Germaine, née des combats courageux de Monseigneur Ducaud-Bourget, relayés par le travail infatigable de l’abbé Serralda. En dépit de son inconfort, la chapelle de l’avenue des Ternes a traversé les années, fédérant une communauté d’environ 400 fidèles. C’est cette communauté, comme l’explique l’abbé Celier, qui va s’installer rue Jean Goujon et s’accroître inéluctablement. D’abord parce que le lieu offre une localisation majeure et aussi parce que Notre-Dame de Consolation peut accueillir bien plus de fidèles que la chapelle de l'avenue des Ternes (150 dans la chapelle, de 250 à 400 dans la crypte). En outre, le stationnement y est aisé le dimanche, le quartier étant avant tout un quartier d’affaires, ce qui attirera plus de familles qu’avenue des Ternes.


3)  Il y a une autre raison qui nous incite à être convaincus du succès de l’implantation de la communauté Sainte-Germaine entre les Champs-Élysées et le pont de l’Alma : la non-application de Summorum Pontificum à Paris. De Notre-Dame-de-Grâce-de-Passy (XVIème arrondissement) à Saint-François-Xavier et Sainte-Clotilde (VIIème), les demandes de messe selon la forme extraordinaire du rite romain faites dans de nombreuses paroisses de l’ouest parisien sont restées lettres mortes. Citons encore Saint-André-de-l'Europe (VIIIème), Saint-Pierre-du-Gros-Caillou (VIIème) et Saint-Honoré-d'Eylau (XVIème) où de nombreuses familles ont manifesté leur désir de vivre leur foi au rythme de la forme extraordinaire. Pas besoin d’être devin ni spécialiste pour comprendre que les atouts de Notre-Dame de Consolation attireront de nouveaux fidèles à la Fraternité Saint-Pie X. D'autant plus qu'au-delà des fidèles attachés à la forme extraordinaire, des fidèles de plus en plus nombreux (et souvent parmi les plus jeunes) cherchent sans a priori une nourriture spirituelle consistante et poussent facilement la porte de la Fraternité Saint-Pie X depuis la levée des excommunications.

La radiographie des opinions des fidèles de la Fraternité, que nous avons publiée dans notre lettre 375, est bien claire à ce sujet : 61 % des fidèles fréquentant la Fraternité Saint-Pie X le font car ils y trouvent « la messe catholique, les sacrements et tout ce qui va avec... » Et c’est précisément ce que l’Abbé Celier offrira dès ce dimanche au 23 rue Jean Goujon.


***


(1) À signaler, dans le numéro 139 de Nouvelles de Chrétienté (3,5 euros, à commander à secretariat@dici.org – 33 rue Galande, 75005 Paris), un très beau récit sur l’incendie du Bazar de la Charité et les origines de Notre-Dame de Consolation par Côme de Prévigny.

(2) C’est aussi pour un problème de ressources financières que la Mission italienne a quitté les lieux, ce qui est tristement significatif de l’évolution de la pratique religieuse chez nos voisins transalpins.

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