Notre lettre 250 publiée le 1 octobre 2010

ENTRETIEN EXCLUSIF AVEC MGR ATHANASIUS SCHNEIDER - DEUXIEME PARTIE



Nous poursuivons cette semaine la présentation de l'entretien exclusif que Mgr Athanasius Schneider, évêque auxiliaire de Karaganda au Kazakhstan, a accordé à La Lettre de Paix Liturgique au cours de l'été. Après une première partie consacrée à la question de la communion, objet de son livre “Dominus Est - Pour comprendre le rite de communion pratiqué par Benoît XVI”, publié en 2008 aux éditions Tempora, nous vous proposons aujourd'hui ses propos sur l'enrichissement mutuel des deux formes du rite romain. Mgr Schneider, que nous avons rencontré alors qu'il conférait les ordres mineurs cet été, y développe notamment une conception traditionnelle des rôles du diacre, du lecteur et de l'acolyte dans la liturgie moderne.

1) Dans son Motu Proprio Summorum Pontificum, Benoît XVI a formulé une invitation explicite à l'enrichissement réciproque des deux formes de l'unique rite romain. Selon vous, qui célébrez volontiers dans l'une comme dans l'autre forme du rite, en quelles occasions cet enrichissement pourrait-il se manifester le plus fructueusement ?

Mgr Athanasius Schneider : Nous devons prendre le pape au sérieux. Nous ne pouvons continuer à faire comme s'il n'avait pas dit cette phrase. Et même, en fait, comme s'il ne l'avait pas écrite. Bien entendu, et sans qu'il soit nécessaire de revoir les missels, il y a moyen de rapprocher les deux formes du rite.
Une première idée pourrait être de célébrer versus Deum à partir de l'Offertoire, comme c'est d'ailleurs prévu par les rubriques du nouveau missel. Le missel de Paul VI indique en effet clairement qu'à deux reprises le célébrant doit se retourner vers le peuple. Une première fois au moment de l'“Orate fratres” et une seconde lorsque le prêtre dit “Ecce Agnus Dei” lors de la communion des fidèles. Quelle est la signification de ces indications si ce n'est que le prêtre doit être tourné vers l'autel pendant l'Offertoire et le Canon ? En septembre 2000, la Congrégation pour le Culte Divin et la Discipline des Sacrements a publié une réponse relative à un “quaesitum” sur l'orientation du prêtre pendant la messe. Expliquant que “la position versus populum semble la plus commode dans la mesure où elle rend plus facile la communication”; elle précisait cependant que “supposer que l'action sacrificielle doit être orientée principalement vers la communauté serait une grave erreur. Si le prêtre célèbre versus populum, chose légitime et souvent conseillée, son orientation spirituelle doit toujours être tournée vers Dieu par Jésus-Christ”.
Il me semble qu'aujourd'hui cette réponse, qui défendait la célébration vers le peuple, pourrait être adaptée à la nouvelle réalité créée par le Motu Proprio Summorum Pontificum par la recommandation de célébrer vers l'Orient à partir de l'Offertoire.
En ce qui concerne la communion, le Saint Siège pourrait aussi publier une recommandation universelle pour rappeler ce que prévoit la Présentation générale du Missel romain dans son article 160 : “Les fidèles communient à genoux ou debout, selon ce qu’aura établi la Conférence des évêques. Quand ils communient debout, il leur est recommandé, avant de recevoir le Sacrement, de faire un geste de vénération approprié, que la Conférence des évêques aura établi.” On soulignera que la première forme de communion mentionnée par le texte officiel de l'Église commentant le Novus Ordo est la forme à genoux...
En outre, il serait bon de limiter l'usage des ministres laïcs de l'Eucharistie aux seuls cas d'absence du prêtre et du diacre.
Une autre possibilité d'enrichissement de la nouvelle liturgie serait que les lectures de la Sainte Bible soient le fait d'hommes en habits liturgiques et en aucun cas de femmes ni d'hommes en habits civils. Et ce parce que les lectures se font dans le sanctuaire, un lieu réservé depuis les temps apostoliques au prêtre et aux ministres ordonnés, clercs des ordres mineurs inclus. Ce n'est qu'en l'absence de ces derniers qu'un laïc masculin pouvait suppléer. Le service de l'autel, de lecteur ou d'acolyte, n'est pas un exercice du sacerdoce commun mais fait partie du sacerdoce sacré, particulièrement de celui du diaconat. C'est pour cette raison que, au moins à partir du IIIème siècle, l'Église a conçu les ordres mineurs comme une sorte d'introduction aux différentes fonctions contenues dans l'exercice du diaconat comme, par exemple, la garde du sanctuaire et l'appel des fidèles à la liturgie (portier), lire la parole de Dieu au cours de la liturgie (lecteur) chasser les esprits malins (exorciste), porter la lumière et servir l'autel (acolyte). On peut mieux comprendre ainsi pourquoi l'Église a traditionnellement réservé la délivrance des ordres mineurs et l'institution des lecteurs ou des acolytes aux seuls fidèles masculins.
En ce sens, on comprend bien que l'un des enrichissements rendus possibles par le rapprochement des deux formes liturgiques est celui qui consisterait à revenir à la saine tradition de réserver le chœur aux hommes : diacres, acolytes, lecteurs et enfants de chœur doivent être de sexe masculin. Rien ne sert de se lamenter de l'écroulement des vocations si les garçons ne sont plus appelés au service de l'autel.
Enfin, la prière des fidèles doit être réservée aux seuls diacres, acolytes ou lecteurs en habits liturgiques. Il serait même plus cohérent avec la tradition bimillénaire de l'Église, occidentale comme orientale, que cette prière des fidèles ou prière universelle soit proclamée, ou mieux encore chantée, uniquement par le diacre puisqu'elle portait auparavant le nom d' “oratio diaconalis”. En cas d'absence du diacre, il serait bon que ce soit le prêtre lui-même, comme pour la proclamation de l'évangile d'ailleurs, qui la lise. Le terme de prière des “fidèles” ne signifie pas que sa proclamation est du ressort des fidèles. Ce serait une erreur historique et liturgique de le croire. Cela indique en fait qu'elle survenait au début de la messe des fidèles, une fois les catéchumènes partis, quand le diacre ou le prêtre offrait à la Majesté divine les intentions de toute l'Église, donc de tous les fidèles, d'où son nom.


2) Et pour la forme extraordinaire ? De quelle façon pourrait-elle s'enrichir au contact de la forme ordinaire du rite romain ?

Monseigneur Athanasius Schneider : Je dirais que l'esprit qui anime les derniers éléments que j'ai cités à propos du Novus ordo pourrait être appliqué à la forme extraordinaire. Les lectures saintes devraient toujours être accessibles aux fidèles, donc dans la langue locale et pas seulement en latin, sauf occasion particulière. Les lectures pourraient alors être faites, dans cette forme aussi, d'un lecteur ordonné ou institué voire d'un fidèle masculin en habits liturgiques.
L'introduction de quelques-unes des préfaces du nouveau missel serait une initiative belle et utile, ainsi que l'introduction de nouveaux saints dans le calendrier liturgique traditionnel.

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