Notre lettre 242 publiée le 6 août 2010

UN AUTRE REGARD SUR LE BILAN DU MOTU PROPRIO : 3 – LA GRANDE BRETAGNE, UNE APPLICATION HYPOCRITE

Voici le troisième volet de notre enquête sur la mise en application de la forme extraordinaire du rite romain introduite par le Motu Proprio Summorum Pontificum. Après l'Allemagne et l'Italie, nous nous penchons cette semaine sur la Grande-Bretagne (Angleterre, Écosse et Pays de Galles).

Nous sommes partis des célébrations de la forme extraordinaire du rite romain mises en place depuis 3 ans et en avons dressé un bilan qualitatif. Cette approche nous a semblé intéressante dans la mesure où elle est issue de données incontestables et vérifiables par chacun. Vous pouvez relire les explications de notre méthodologie en annexe de cette lettre ou en vous reportant directement à notre lettre 237 du 2 juillet dernier.

En associant dans une même lettre la situation de la conférence épiscopale d'Angleterre et du Pays de Galles et celle de la conférence épiscopale d'Écosse, nous voulons donner un instantané précis de la réception du texte pontifical dans la zone couverte par le sondage que l'institut Harris Interactive a réalisé pour notre compte fin juin 2010 et dont nous présenterons les résultats à la veille du voyage que le Saint-Père doit accomplir dans l'île britannique mi-septembre.

 
I – LE BILAN BRITANNIQUE

La source de nos informations est la Latin Mass Society, à travers son site internet et le supplément papier de mai 2010 de son trimestriel "Mass of Ages".

A – Nombre de lieux où la forme extraordinaire n'est proposée qu'en semaine et pas le dimanche :
43 sur un total de 112 célébrations, soit 38,4%.

B – Nombre de lieux où le Motu Proprio n'est offert qu'un dimanche de temps à autre et pas tous les dimanches :
33 sur un total de 112 célébrations, soit 29,5%.

C – Nombre de lieux où la messe est dominicale et hebdomadaire mais à un horaire non familial (avant 9h et après midi) :
17 sur un total de 112 célébrations, soit 15,2%.

D – Nombre de lieux où la messe est dominicale, hebdomadaire et à un horaire familial, donc où le Motu Proprio est appliqué avec justice et charité :
19 sur un total de 112 célébrations, soit 17%.

E - Nombre de lieux où la messe est célébrée par la FSSPX :
25 mais 10 seulement où la messe est dominicale, hebdomadaire et à un horaire familial.

 
II – LES REFLEXIONS DE PAIX LITURGIQUE

1) Avec 112 messes recensées au total, la Grande-Bretagne fait quasiment jeu égal avec l'Allemagne (133) et surtout l'Italie (120). Un bilan flatteur pour un pays où les catholiques ne sont qu'une minorité (un peu plus de 10% de la population). De sorte que si l'on devait faire un ratio “nombre de catholiques/messe extraordinaire”, l'île britannique écraserait la péninsule transalpine.

2) Toutefois seulement le tiers de ces messes (36 sur 112) sont célébrées tous les dimanches, ce qui atténue sensiblement la qualité du bilan britannique. En effet, 99 % des pratiquants n’allant à la messe que le dimanche, les applications du Motu Proprio en semaine – bien que signes de ce que la situation évolue positivement un peu partout à travers le monde – ne touchent qu’une frange marginale des fidèles.
En Allemagne, on décompte 49 célébrations dominicales hebdomadaires tandis qu'elles sont au nombre de 64 en Italie. On comprend mieux, au travers de cet exemple d'Outre-Manche, pourquoi le simple bilan quantitatif de l'application du Motu Proprio Summorum Pontificum ne saurait être satisfaisant. Parce que les besoins spirituels des fidèles attachés à la forme traditionnelle du rite romain peuvent être satisfaits plus ou moins généreusement, il est important de qualifier ce bilan en déterminant la fréquence, le jour et l'horaire des célébrations.

3) En Grande-Bretagne, le bilan qualitatif fait donc apparaître que 93 messes sur 112 ne sont pas encore des messes dominicales hebdomadaires à un horaire commode pour les familles. La marge de progression est donc significative, chacune de ces messes démontrant l'existence locale d'un prêtre pour célébrer et de fidèles pour participer à la liturgie, il ne resterait pas beaucoup à faire pour parvenir à la justice. En effet, si en Grande-Bretagne comme ailleurs le plus grand nombre des demandes de célébration sont restées sans réponse, les évêques de Grande-Bretagne pourraient au moins manifester leur sollicitude pastorale et leur désir de suivre Benoît XVI dans sa politique de pacification et de restauration, en « régularisant » ces 93 messes de semaine ou ces messes dominicales à la fréquence irrégulière en messes dominicales hebdomadaires célébrées à un horaire familial.

4) Les 76 messes, soit 67,8%, qui ne sont pas encore des messes dominicales hebdomadaires nous permettent de soulever un élément original de la situation britannique : ce ne sont pas les prêtres bien disposés qui manquent ! Si l'Italie compte encore près de 45000 prêtres (diocésains et religieux confondus), les conférences épiscopales d'Angleterre et du Pays de Galles et celle d'Écosse n'en regroupent que moins de 6500 prêtres. Pourtant, il se trouve à peu près autant de prêtres célébrant ouvertement la forme extraordinaire dans l'un ou l'autre pays. La proportion de prêtres favorables à la forme extraordinaire est donc considérablement plus importante en Grande-Bretagne. Il faut souligner que la raison tient en grande partie à l'œuvre de formation poursuivie par la Latin Mass Society en ce domaine. Depuis 2007, l'association a organisé à l'intention des prêtres diocésains cinq sessions d'apprentissage de la forme extraordinaire : plus de 100 prêtres différents y ont participé à ce jour. Et une sixième est organisée ce mois d'août dans le Somerset... On imagine quelle serait la proportion de ces prêtres bien disposés si les évêques de Grande Bretagne, à l’instar de ce que font certains de leurs confrères américains, mettaient en place eux-mêmes, dans le cadre diocésain, de telles formations à la célébration de la forme extraordinaire du rite romain.

5) Pourtant, en Grande Bretagne comme ailleurs, les curés désireux de participer au nouveau mouvement liturgique voulu par le Saint-Père hésitent encore à introduire la liturgie ancienne dans leurs paroisses. La raison est toujours la même : la crainte de la hiérarchie. Nous avons eu l'occasion, dans notre lettre 227 d'attirer l'attention sur l'hostilité des évêques écossais, il faut bien admettre que leurs confrères gallois et anglais ne sont pas beaucoup mieux disposés à l'égard de la politique de libéralisation de la liturgie traditionnelle lancée par Rome. Ces blocages épiscopaux expliquent pourquoi seulement 19 des 112 messes célébrées selon la forme extraordinaire le sont tous les dimanches et à un horaire familial.

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