Notre lettre 204 publiée le 14 novembre 2009

ADRESSE AU PÈRE CHAUVET ET AU CARDINAL VINGT-TROIS

Le 28 octobre dernier, sur les ondes de Radio Notre-Dame, le Père Chauvet, curé de Saint-François-Xavier dans le 7ème arrondissement de Paris et vicaire épiscopal pour l'usage de la forme extraordinaire du rite romain, avait l’occasion de s’exprimer au sujet des discussions en cours entre la Commission Ecclesia Dei et la Fraternité Sacerdotale Saint-Pie-X.
 
A la fin de cette interview, que vous pouvez écouter en cliquant ici, le Père Chauvet a pu dire quelques mots sur « la mise en œuvre » du Motu Proprio à Paris.
 

Voici le script des propos du père Chauvet :

Radio Notre-Dame : Comment regardez-vous ces trois dernières années ?

Père Chauvet : Je pense que avec trois années maintenant on prend un peu de recul...

Radio Notre-Dame : Avec le Motu Proprio, la levée des excommunications...

Père Chauvet: Je pense qu'on a un tout petit peu de recul déjà et je vois que ça se calme dans le sens où le dialogue – je parle déjà entre les traditionalistes pas les intégristes – entre les traditionalistes et la communauté catholique, il y a un dialogue qui se fait, il y a malheureusement des tensions mais ce sont des tensions qu'on a parfois du mal à contenir, on ne voit pas toujours très bien, il y a parfois une agressivité encore, je le vois notamment dans tous ces phénomènes internet, mais quand on est en face des personnes - parce que quand on est en face d'un écran c'est toujours difficile - le dialogue est possible et vraiment, je le vois à Paris en tout cas, nous avons quand même ouvert plusieurs lieux, où la messe selon le missel de St Pie V est célébrée et que ça se passe bien. Alors naturellement, ils voudraient tous que partout... mais il faut aussi se rendre compte un petit peu, là encore, de la situation de l'Église , où on en est, et que à Paris, prendre un métro pour faire trois stations, ce n'est pas dramatique quand on sait que parfois en province il faut faire vingt kilomètres pour avoir une messe.

Radio Notre-Dame : Ou plus... En tant que vicaire épiscopal, prélat d'honneur pour l'usage de la forme extraordinaire du rite romain et c'est pour cela qu'on vous fait venir Monseigneur Chauvet, vous sentez que ça c'est apaisé ou qu'il y a encore des tensions...

Père Chauvet : Il y a encore quelques tensions mais je pense qu'on avance sur une sorte de paix (petit rire du père Chauvet), de paix liturgique, et que cette paix liturgique se met en place parce que je n'ai jamais refusé de recevoir des personnes, au contraire, et j'ai toujours valorisé le dialogue, l'écoute, et de mettre en place, naturellement en communion avec mon archevêque, les demandes, que la communauté paroissiale puisse accueillir la demande, parce que c'est pas uniquement eux, parce que ça veut dire aussi des changements d'horaires, ça veut dire aussi un prêtre supplémentaire, ça veut dire je ne sais pas quoi, il y a mille choses... et je crois que si c'est fait dans la communion, je suis persuadé qu'on remportera du fruit.

Le décalage abyssal entre la réalité vécue sur le terrain des paroisses et l’auto satisfecit du Père Chauvet nous commande de rectifier ces crâneries.


LES COMMENTAIRES DE PAIX LITURGIQUE
 


1/ A Paris « ça se passe bien » ?

La lettre n°167 de Paix Liturgique en date du 2 mars 2009 « Erreur ou manipulation à Paris ? Le Père Chauvet fait mal ses comptes » a longuement décrit la triste situation parisienne et chiffres à l’appui, démontré que le Motu Proprio n’avait de fait pas, ou presque pas, droit de Cité dans le diocèse du Cardinal Vingt-Trois. Pour mémoire, cette lettre rappelait qu’en pratique, depuis l’entrée en vigueur du Motu proprio le 14 septembre 2007, seules deux célébrations dominicales supplémentaires dans la forme extraordinaire du rite romain avaient été mises en place à Paris. Les autres célébrations (Ste-Odile, St-Eugène, St-Germain, Notre-Dame du Lys) ont été mises en place suite au Motu Proprio de 1988.
Encore faut-il rappeler que ces messes dominicales sont célébrées à 12h15 pour l’une (Sainte-Jeanne de Chantal - Paris 16ème) et à 18h30 seulement trois dimanches par mois pour l’autre (Notre-Dame du Travail - Paris 14ème), c'est-à-dire à des horaires non familiaux. Le Motu Proprio de 2007 est destiné à offrir dans toutes les paroisses où une demande sérieuse est faite la célébration de la messe selon la forme extraordinaire du rite. Or parmi les 30 demandes posées à Paris en vertu du Motu Proprio de 2007, on peut citer les plus importantes qui n’ont pas été satisfaites : 75005 – Paroisse St-Etienne du Mont, 75006 – Paroisse St-Sulpice, 75007 – Paroisse Ste-Clotilde, 75007 – Paroisse St-François-Xavier, 75008 – Paroisse St-Philippe du Roule, 75009 – Paroisse St-André de l’Europe, 75012 – Paroisse de l’Immaculée-Conception, 75014 – Paroisse St-Pierre de Montrouge, 75014 – Paroisse St-Dominique, 75015 – Paroisse St-Jean-Baptiste de La Salle, 75015 – Paroisse St-Léon, 75016 – Paroisse Notre-Dame de Passy, 75016 – Paroisse St-François de Molitor, 75016 – Paroisse St-Honoré d’Eylau, 75016 – Paroisse St-Pierre de Chaillot, 75017 – Paroisse St-Ferdinand des Ternes, 75018 – Paroisse Notre-Dame de Clignancourt, 75019 – Paroisse Saint-Georges.

Le Père Chauvet n’est pas sérieux : les « plusieurs lieux » qu’il a « ouverts », « où la messe selon le missel de St Pie V est célébrée » et où « ça se passe bien » se limitent donc en pratique, pour le dimanche, à deux célébrations à des horaires non familiaux.
 
Par ailleurs, le jour à prendre en considération pour apprécier honnêtement la mise en œuvre du Motu Proprio ne peut être que le dimanche. Les quelques célébrations de semaine sont des non-évènements pour l’immense majorité des fidèles qui « comme tout le monde » ne vont à la messe… que le dimanche.
 
Notons que depuis le 2 mars 2009, soit depuis huit mois, aucun changement n’a eu lieu ni aucune autre célébration traditionnelle dominicale mise en place. Mais tout va très bien, « on dialogue » à Paris nous dit le Père Chauvet.
 

2/ Le « dialogue » à la parisienne

Justement, où est le dialogue dont parle le Père Chauvet ? De quoi parle-t-on ? Dialogue avec qui ?
Quel média officiel - de Radio Notre Dame à La Croix en passant par KTO - offre la parole aux 30 groupes parisiens de demandeurs qui se font balader par leurs curés et le Cardinal depuis deux ans ?
Quelle est la sincérité d’un « dialogue » qui deux ans plus tard débouche sur un bilan aussi médiocre : seulement 2 célébrations dominicales à des horaires non familiaux.
On fait semblant de dialoguer pourquoi ? Pour gagner du temps ? Pour décourager la demande ?
Où est le dialogue avec les groupes qui représentent les demandes criantes des fidèles à Saint André de l'Europe, Saint Etienne du Mont, Saint Georges, Saint Pierre de Montrouge, Saint Sulpice, Saint Léon, Saint François Xavier, Saint Pierre de Chaillot, l'Immaculée Conception, Saint Honoré d'Eylau, Saint Ferdinand des Ternes, Notre Dame de Clignancourt pour n’en citer que quelques uns ?
N’est-ce pas finalement qu’on préfère à Paris dialoguer avec ceux qui ne demandent rien, ceux qui ne défendent que leurs intérêts privés, ceux que l’on se choisit pour pouvoir dire sereinement « je dialogue, tout va très bien » ? « Dialoguer » pour au final ne pas appliquer le Motu Proprio, n'est-ce pas là faire oeuvre de cynisme et de mépris ?
 

3 / Vous avez dit « traditionalistes » ?

Vingt ans après le Motu Proprio de Jean Paul II, on commence dans le diocèse de Paris à faire la distinction entre les « intégristes » et les « traditionalistes », distinction bien pratique pour exclure les uns et museler les autres, application parmi d’autres de l’adage « diviser pour mieux régner ». Plutôt que de perdre son temps à conjecturer de ce qui différencie les uns des autres – surtout au moment où le Saint-Siège prépare la réconciliation avec nos frères de la FSSPX - le Père Chauvet, le Cardinal Vingt Trois et les autorités parisiennes seraient sans doute mieux inspirés de s’intéresser aux propres fidèles de leurs paroisses et à ceux qui ont fait le choix de ne plus pratiquer.
Ceux-là ne sont ni « intégristes », ni « traditionalistes », mais « fidèles », simples « catholiques ».

Limiter la question de la messe traditionnelle aux « traditionalistes » est une erreur grave – et regrettable de la part du Monsieur Motu Proprio à Paris - sur le sens du Motu Proprio. Le Saint Père ne s’y est pas trompé en prenant le problème par le haut et en ne limitant pas l’attrait pour le missel antique à tel ou tel groupe de fidèles ou de clercs. Au contraire, le Saint Père entend redonner à toute l’Eglise le trésor de sa Tradition liturgique dans le respect des différences réciproques.

Qui a pris la peine, une fois dans sa vie, d’évoquer le sujet avec les fidèles à la sortie d’une messe de n’importe quelle paroisse, sait qu’une proportion non négligeable des fidèles actuels des messes célébrées dans la forme ordinaire du rite romain assisterait à la messe traditionnelle si elle était célébrée dans leur propre paroisse. Ils sont en France environ 34 % nous dit le sondage CSA (lettre de Paix Liturgique n°146 du 8 octobre 2008).

Qu’a-t-on fait à Paris pour tenir compte de cette réalité confirmée à chaque opération de sensibilisation et à chaque sondage réalisé par des organismes professionnels et reconnus ? Le Père Chauvet nous répond : deux célébrations dominicales à des horaires non familiaux pour l’ensemble des 100 paroisses parisiennes.
 
 
4/ Quel Père Chauvet croire ?

Le Père Chauvet déclarait publiquement en juin 2008 dans une réunion du GREC (voir lettre de Paix liturgique n°116) : « on peut raisonnablement penser qu’à moyen terme, la forme extraordinaire du rite romain pourrait être célébrée dans toutes les grandes églises de Paris ».
Pourquoi avoir ce double discours et à quoi sert un dialogue creux dénué de toute incarnation et de réalité pratique ? La question mérité d’être posée.
Le père Chauvet, pourtant vicaire épiscopal, chargé de coordonner l'usage de la forme extraordinaire du rite romain n’a-t-il donc aucune marge de manœuvre pour faire changer les choses ? Ou bien alors, le Père Chauvet, instrument consentant, refuse-t-il, en réalité, de laisser appliquer le Motu Proprio de Benoît XVI comme les faits nous invitent à le penser ?
 
 
5/ Mais qui donc est agressif ?

De quelle « agressivité » « notamment dans tous ces phénomènes Internet » parle le Père Chauvet ?
Nous nous permettons en effet de tenter d’apprécier le sens du mot « agressivité » dans la bouche de celui pour qui, deux célébrations dominicales à des horaires non familiaux sont la preuve que « ça se passe bien ».
Pour notre part, après plus de deux cents lettres électroniques envoyées à 277.659 destinataires, nous n’avons jamais témoigné la moindre agressivité à l’encontre du Père Chauvet ou à l’encontre de qui que ce soit d’autre. A moins que dire posément qu’un chat est un chat et que le Père Chauvet se manifeste comme un opposant au Motu Proprio soit de l’« agressivité ».
D’ailleurs, nous ne contestons pas l’affirmation qu’à Paris « ça se passe bien » ou tout du moins que ça ne se passe pas mal… Nous constatons seulement qu’à Paris ça ne se passe pas du tout et que le Motu Proprio est resté aux marches du diocèse… Pour que ça se passe mal, il faudrait déjà que le Motu Proprio soit appliqué à Paris, que de vraies expériences y soient mises en place : lieu central, horaire familial, curé bien disposé, respect de tous les fidèles. On ne voit vraiment pas pourquoi, alors, ça se passerait mal.

 
6/ La messe traditionnelle à trois stations de métro…

Il faudrait d’abord savoir si le Motu Proprio s’applique par paroisse ou par doyenné. D’un côté, on nous dit que l’application du Motu Proprio est paroissiale et ne concerne donc que les paroissiens. On se souvient du Père Guiot, curé de Sainte Jeanne de Chantal, le jour de la première messe traditionnelle le 10 février 2008 qui disait « Je tiens à rappeler que cette messe a lieu dans le cadre paroissial de Sainte Jeanne de Chantal d'abord pour mes paroissiens ». De même, le Père Schubert, curé de Saint Germain l’Auxerrois (Paris 1er) déclarait au Colloque de Versailles le 28 septembre 2008 « Ce sont quand même des éléments d’implication personnels, ce n’est pas que territorial, la paroisse a un territoire, je peux vous garantir que si vous voulez vous faire enterrer chez moi et que vous êtes du 14ème, votre famille va payer le double, tout simplement, vous voulez vous marier, vous payez également beaucoup plus, parce qu’il faut déterminer ces choses là. Nous ne pouvons pas faire semblant, comme s'il n’y avait pas également une œuvre civilisatrice dans le fait que l'Eglise, qui est territoriale, on vient de le dire, il y a un instant, c’est la réalité, est structurée comme un diocèse, comme un pays... »
Dans cette conception stricto paroissiale du Motu Proprio, on refuse aux familles de la paroisse voisine le droit de se joindre aux demandeurs de la paroisse. « Vous n’êtes pas de la paroisse, allez voir votre curé… »
 
De l’autre côté, on décrit un modèle d’application du Motu Proprio qui s’appliquerait au doyenné, à un ensemble paroissial.
Ainsi, le Père Chauvet nous explique qu’à Paris « prendre un métro pour faire trois stations, ce n'est pas dramatique quand on sait que parfois en province il faut faire vingt kilomètres pour avoir une messe ».
La messe traditionnelle à trois stations de métro ? Le Père Chauvet se moque, ou bien il ne doit pas beaucoup prendre le métro car on est vraiment, à Paris, très loin de ce compte fantaisiste.
De même le Père Chauvet ne doit pas beaucoup aller en province. En effet, il y a aujourd’hui en France, 14 départements où il n'y a aucune célébration de la forme extraordinaire du rite romain selon le Motu Proprio (voir lettre de Paix Liturgique n°159 : Aisne, Alpes de Haute Provence, Ardèche, Ardennes, Creuse, Guadeloupe, Guyane, Indre (sauf l'abbaye de Fontgombault, i.e. non paroissial), Lozère, Haute-Marne,Martinique, Puy-de-Dôme (sauf l'abbaye de Randol, i.e. non paroissial), Haute-Saône et Seine-St-Denis alors qu’il existe des demandes)… cela fait un peu plus que 20 kilomètres.
Un prélat parisien ne vit sans doute pas dans le même monde que les fidèles de base et a semble-t-il une vision quelque peu déformée de la réalité.  
 
Quoi qu’il en soit, même cette conception large du Motu Proprio (qui trouverait à s’appliquer pour un ensemble de paroisses voisines) n’est pas mise en œuvre à Paris. L’application du Motu Proprio à Paris ne concerne pas 20 ensembles de paroisses (une par arrondissement), ni 10, ni 5, mais seulement 2 messes à des horaires impossibles.

En réalité, à Paris comme à Versailles, on invoque un cadre d’application du Motu Proprio (paroisse ou doyenné) contre l’autre, en fonction des circonstances, dans l’unique but de ne rien faire et d’empêcher les mesures pacifiantes de Benoît XVI de s’épanouir. Si à Paris, prudemment, "on" ne tient pas publiquement les propos incroyables que Mgr Gueneley, évêque de Langres, tenait publiquement le dimanche 23 août 2009 à la sortie de la messe de 10h 30 de la paroisse de Joinville « Monseigneur Centène, "on" l’a fait plier. Monseigneur Aillet, "on" lui donne trois ans. Après, nous verrons. Dominique Rey, son diocèse finira par couler », "on" se comporte de la même manière et "on" continue de faire obstruction à l'application du Motu proprio de Benoît XVI. Est-ce étonnant de la part d'un diocèse à la tête duquel le Président de la Conférence des Evêques de France n'intervient même pas pour "corriger" les propos de Mgr Gueneley qui sont pourtant d'une extrême gravité ? Langres et Paris ne sont finalement que les deux facettes de la même politique de rejet et d'opposition à Benoît XVI.

Soyons clairs : à Paris, pour le Père Chauvet, le cadre d’application du Motu Proprio n’est ni la paroisse, ni le doyenné, mais « nulle part ». Et dans ce monde des idées (des idéologies ?) non incarnées, le Père Chauvet est tout à fait d’accord pour « dialoguer sans agressivité dans la communion pour faire en sorte que tout se passe bien… ». Farceur, eût dit Bernanos !
 
En conclusion, pour finir par une note positive, nous nous disons totalement d’accord avec le Père Chauvet sur un point : il faut « avancer vers la paix liturgique ». Sauf que les intimidations, les ordres pour qu’avortent les tentatives d’application du Motu Proprio (comme ce fut le cas par exemple à Saint-Georges, dans le 19ème arrondissement), la manipulation des chiffres et la minimisation des demandes, n’en sont pas les vrais moyens.

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