Notre lettre 202 publiée le 2 novembre 2009

Vers la fin de la pensée unique au sein de la Conférence des Évêques de France ?

Jusqu'à un passé récent, la Conférence des Evêques de France (CEF dans la suite du texte) redoublait d’efforts à parler d’une seule voix et à paraître très unie, voire unanimiste, lorsqu’il lui arrivait d’évoquer publiquement des sujets dits « sensibles ». Les sujets liturgiques ou paraliturgiques n’échappaient pas à la règle et faisaient l’objet des soins les plus attentifs dans cette présentation officielle de la pensée de la CEF.

Par ailleurs et comme n’hésitait pas à le dire en son temps Monseigneur Lagrange, alors évêque de Gap, la CEF préférait le plus souvent ne pas aborder les sujets « sensibles », les sujets qui fâchent. A l’époque, ils n’étaient abordés ni en privé ni en public. Il est vraisemblable qu’ils sont toujours exclus du débat public. Autrefois, certaines questions pourtant importantes n’étaient-elles jamais abordées lors des rassemblements épiscopaux à Lourdes ou ailleurs. En effet pourquoi parler du Motu Proprio (à l’époque Ecclesia Dei de Jean Paul II de 1988) « puisqu’il n’y a pas de problème liturgique en France », pourquoi parler des demandes de célébrations de messes traditionnelles « puisqu’il n’y a pas de demande », pourquoi se remettre en question dans la pastorale de nos paroisses puisque « la réforme est bien acceptée et fait l’objet d’une mise en œuvre merveilleusement réussie »…

Certes, des exceptions ici et là purent se faire jour sur des sujets sensibles, autres que des sujets liturgiques. Ainsi Monseigneur Legal, alors évêque de Tulle, fustigea-t-il à la fin des années 1990 la Vie (ex-Catholique) dont il ne reconnaissait justement pas le caractère « officiellement catholique ». De même, plus récemment Monseigneur Cattenoz, archevêque d’Avignon, a tenu un discours très musclé sur l’état de l’enseignement « catholique » en France.

Mais au final, seuls les évêques en retraite pouvaient alors se permettre une authentique liberté de parole en matière liturgique. Ainsi, Monseigneur Maurice Gaidon, ancien évêque de Cahors, dans son livre Un évêque français entre crise et renouveau de l’Église, aux Éditions de l'Emmanuel écrivait notamment : « J’ai très mal vécu “la réforme liturgique” imposée au détour d’un dimanche et avec un autoritarisme clérical insupportable… » ou encore « Je pense que notre langage manque de vigueur et que le souffle prophétique est trop absent de nos textes savamment mesurés et dignes des résolutions votées en fin de “meeting radical-socialiste” ! (...) Un texte se dilue quand il est revu et corrigé dans une assemblée d’une centaine de membres dont certains ne parlent jamais alors que d’autres prennent la parole sans complexes. Dans une assemblée en partie noyautée par de “grosses mitres” qui préparent soigneusement certaines élections et se partagent les “postes clés” de l‘épiscopat (...). Nous n’aimons pas sortir d’un ton conciliant et recherchons avant tout le réconfort d’un consensus mou (…) ».

De nos jours, plusieurs signes se font jour et nous indiquent que cette vision monolithique des choses au sein de la CEF semble évoluer.
Nous en donnons quelques indices.


A - Des signes épiscopaux encourageants…

Les divergences liturgiques ont toujours existé d’une paroisse à une autre, d’un diocèse et d’un évêque à un autre. Nous nous souvenons ainsi du courage héroïque qu'avait eu en 1995 - pourtant plus de 7 ans après la promulgation du Motu Proprio Ecclesia Dei - Monseigneur Lagrange, alors évêque de Gap, en acceptant la tenue dans son diocèse, au sanctuaire de Notre Dame du Laus, du 1er Colloque du CIEL (Centre International d’Etudes Liturgiques). A cette époque, alors que la plupart des évêques de France faisaient (déjà) barrage aux dispositions pacifiantes du Motu Proprio de Jean Paul II et se montraient d’une hostilité rare à l’égard de la liturgie traditionnelle de l’Eglise et aux fidèles qui les suppliaient d’en bénéficier, une telle attitude et un tel courage étaient suffisamment rares pour être soulignés avec reconnaissance.

Ceci étant rappelé, nous découvrons avec bonheur qu’aujourd'hui, un nombre croissant d'évêques français se désolidarisent de la ligne « crypto officielle » selon laquelle « il n'y aurait pas en France de problème liturgique » et ceux qui demanderaient l'application du Motu Proprio Summorum Pontificum « n'existeraient pas ou ne constitueraient tout au plus qu'un groupuscule d'agitateurs » comme le répète quotidiennement Monseigneur Eric Aumonier, évêque de Versailles, à tous ses interlocuteurs surpris d'une telle vision partielle et partiale de la réalité d'aujourd’hui…

Ainsi ces bons pasteurs n'hésitent pas à ouvrir ici un séminaire ouvert aux deux formes de l’unique rite romain, ailleurs à mettre en place un véritable dialogue chrétien avec les familles qui leur demandent des célébrations dans la forme extraordinaire dans leurs propres paroisses, ailleurs encore c'est une paroisse quasi-personnelle qui est mise en place…

De plus en plus ces pasteurs permettent que les curés de leurs diocèses, très souvent demandeurs, deviennent les pasteurs de tout leur troupeau, des fidèles de la forme ordinaire comme ceux de la forme extraordinaire.

Ces évêques soucieux du bien de tous permettent à leurs curés d’avancer positivement vers la réconciliation des diverses sensibilités légitimes des catholiques et de faire des paroisses des lieux d’expression plurielle comme cela était partout le cas avant les années de plomb ayant débuté à la fin des années 60.

La bienveillance, voire le soutien apportés par ces pasteurs à des initiatives de paix et de dialogue en France ou ailleurs est un immense encouragement et une merveilleuse lueur d'espoir. Cela doit nous fortifier dans la conviction que bientôt, les fidèles pourront se retrouver tous unis dans leurs paroisses autour de leurs curés par delà les clivages liturgiques. C’est le sens du Motu Proprio.



B - Mais aussi des propos symptomatiquement très agressifs

Cependant ce retour à la bienveillance ne semble pas être la volonté de tous les évêques….

C'est certainement la providence qui a permis à deux amis de Paix Liturgique de se trouver à Joinville dans la Haute-Marne (diocèse de Langres) le 23 août 2009 et d'assister à un épisode étonnant pourtant caractéristique de ce que pensent vraiment de nombreux évêques français.

Précisons d’emblée que la célébration de la forme extraordinaire du rite romain est, dans ce diocèse de Langres, de fait interdite en raison de la pastorale d’apartheid liturgique de l’évêque, Monseigneur Philippe Gueneley.

Or, ce 23 août 2009, c'était Monseigneur Gueneley, l'évêque du lieu lui-même qui célébrait la messe de 10 h 30.

Et ce jour-là sans que cela soit prémédité - car de leur propre aveu ils ignoraient complètement la présence de l’évêque - un groupe de familles catholiques du diocèse avaient décidé de venir à la rencontre des paroissiens de Joinville pour connaître leur opinion au sujet de l'application des bienfaits de Paix du Motu Proprio Summorum Pontificum dans leur diocèse et leur faire connaître leur demandes… Ainsi, ces familles distribuaient la grande enquête de Motu Proprio France dont nous avons déjà plusieurs fois parlé.

Il s'ensuivit une cacophonie indescriptible à l’occasion de laquelle l'évêque, découvrant avant la messe la présence de ces familles demandeuses, leur enjoignit de déguerpir immédiatement… ce qu'elles refusèrent de faire, tant leur démarche était pacifique et mesurée.

De ce fait et comme il l'avait annoncé lors de l'altercation qui avait précédé l'office, Monseigneur Gueneley fit à l'issue de la messe, une déclaration très hostile au sujet de la démarche des fidèles qu'il accusait – sans avoir pris le temps de les connaître et après avoir toujours refusé les demandes de rendez-vous - d'être des agitateurs seulement désireux de perturber la vie du diocèse (sic).

Cette annonce qui trouva la faveur d'un petit tiers de l'assemblée consterna par sa véhémence et ses excès les deux autres tiers des fidèles. L'assemblée n'attendait en effet pas des paroles de guerre de la part de leur évêque mais plutôt des paroles de paix et de dialogue.

C’est ainsi qu'un débat houleux se forma à la sortie de l'église d'autant plus qu' à la sortie de la messe, l’évêque s’en était pris personnellement aux personnes qui distribuaient les feuillets d’information sur un ton très violent, agressif et bien peu fraternel …

C'est dans ce contexte que nous parvint une information étonnante.

A un jeune homme qui disait à Monseigneur Gueneley qu’il était temps de vivre dans l'Eglise avec son temps, d’accueillir les différences, de ne pas avoir peur et de suivre la voie que nous montre le Pape, à l’instar de ce que faisaient bon nombre d’autres évêques, Monseigneur Gueneley a répondu publiquement du tac au tac provoquant le silence étonné de la plupart des dix témoins présents : « Monseigneur Centène, on l’a fait plier. Monseigneur Aillet, on lui donne trois ans. Après, nous verrons. Dominique Rey, son diocèse finira par couler !!! »

A partir de cette déclaration faite publiquement sur le parvis de l’église, nous nous interrogeons : mais de qui donc parle monseigneur Gueneley en parlant de "ON" ?

S'exprime t-il au nom de la CEF ?

D'un groupe mandaté ?

D'une association occulte ?

Personne ne pourra répondre à sa place mais cette « sortie » spontanée en dit long sur ce que pensent vraiment certains évêques qui, tout en se faisant passer pour des chantres du dialogue, de l’unité et de l’obéissance à Rome ne craignent pas de montrer des exemples aussi scandaleux… Force est de reconnaître qu’aujourd’hui, au sein de la CEF, cohabitent des tenants de la réconciliation et d'autres qui ne semblent n'avoir toujours pas compris que nous n'étions plus aujourd'hui en 1968…

Nous ne pouvons qu’être scandalisés par de tels comportements qui ne nous semblent pas conformes aux valeurs de l’Evangile, ni même au simple bon sens… Ce sujet sera-t-il mis à l'ordre du jour de la prochaine réunion des évêques de France qui se tiendra cette semaine du 3 au 8 novembre à Lourdes ?

Nous l'espérons pour qu'enfin cesse l'incroyable aveuglement de pasteurs qui ne veulent pas reconnaître l’existence des très nombreuses familles restées dans leurs paroisses qui ne demandent qu’à bénéficier des bienfaits du Motu Proprio (34 % des catholiques français assisteraient régulièrement à la messe traditionnelle si elle était célébrée dans leurs propres paroisses) et la légitimité de leur demande de vivre notre foi catholique au rythme de la forme extraordinaire, aux côtés des célébrations dans la forme ordinaire, dans toutes les paroisses.

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