Notre lettre 201 publiée le 25 octobre 2009

SONDAGE ITALIEN : L’INFORMATION PASSE... MAIS QUE SE PASSE-T-IL DONC EN FRANCE ?

En 2001, 2006 et 2008, Paix Liturgique a fait réaliser en France un sondage sur les catholiques et la liturgie traditionnelle. Ce sondage, pourtant confié à des instituts reconnus (comme le CSA en septembre 2008), n’a jamais eu d’écho dans la presse française, pas même dans la presse religieuse. Bien sûr, ce n’est pas à l’opinion publique de dicter à l’Eglise ce qu’elle doit faire ou pas. Cependant, l’évaluation statistique est le seul outil non polémique à notre disposition pour révéler ce que de nombreuses personnes, et notamment dans la hiérarchie épiscopale, refusent de prendre en considération : l’existence d’une demande forte et transversale (tous âges, toutes régions et tous milieux sociaux) d’un renouveau de la liturgie catholique par la réconciliation avec sa Tradition.


Face au silence organisé autour des résultats de ces sondages (34% des pratiquants français se déclaraient en septembre 2008 prêts à assister à la forme extraordinaire si elle était célébrée dans leur paroisse, Lettre Paix Liturgique 146), poussés par des adhérents italiens de Paix Liturgique, nous avons décidé de sortir des frontières nationales et d’aller vérifier à l’étranger si cette demande s'y vérifie également. Ce qui signifierait qu’elle serait non seulement forte et transversale, mais aussi universelle donc profondément catholique.


La première de ces études hors de France a été réalisée en Italie le mois dernier, en partenariat avec le célèbre blog italien messainlatino.it. Les résultats, d’autant plus surprenants que largement supérieurs à ceux enregistrés en France, ont été présentés et commentés dans notre précédente lettre (Paix Liturgique 200). Cette semaine, ce sont les retombées italiennes (*) de cette enquête, confiée à l’institut Doxa, que nous vous proposons. Car au-delà des Alpes, comme vous allez pouvoir en juger, l’information est passée. Y compris auprès de l’épiscopat…


Auparavant, permettez-nous une précision : beaucoup de lecteurs ont été étonnés que l’on qualifie de "pratiquants" les catholiques allant à la messe au moins une fois par mois (et non exclusivement ceux y participant tous les dimanches). Il s’agit là non pas d’une révision de la doctrine catholique mais tout simplement d’une catégorie statistique française que nous avons maintenue pour l’enquête italienne afin de favoriser les comparaisons d’une enquête à l’autre. Et, comme le souligne une de nos lectrices : « Ce qui me paraît tout à fait extraordinaire dans ce sondage, c'est qu'en Italie 33% des catholiques, y compris les non pratiquants, iraient au moins une fois par mois à la messe traditionnelle. Ce qui signifie que la célébration de la messe traditionnelle dans toutes les églises permettraient de ramener à une "pratique" certes insuffisante, mais en tout cas bien supérieure à l'abstention actuelle, un nombre appréciable des baptisés qui ne vont pas à la messe, même une fois par mois. »


(*) Un rapide survol d’internet permet de constater que les résultats du sondage ont fait - et continuent à faire- plusieurs fois le tour du monde.



REVUE DE PRESSE

1. CESNUR (Centre d’études sur les nouvelles religions)

Pour inaugurer cette revue de presse et comprendre pourquoi les médias italiens ont repris sans hésiter les résultats du sondage, voici le commentaire d’un scientifique, le sociologue Massimo Introvigne : « L’enquête se signale par le sérieux de l’institut qui l’a conduite et a l’avantage de pouvoir être comparée à une recherche semblable réalisée pour Paix Liturgique par un institut également prestigieux, le CSA, en septembre 2008. » Pour ceux d’entre vous qui lisent l’italien, vous trouverez l’analyse détaillée de ce sociologue à l’adresse suivante : http://www.cesnur.org/2009/mi_motu.htm

2. Agence APCOM, dépêche du 17 octobre 2009
« Sondage Doxa : Les catholiques italiens favorables à la messe en latin »
« La "messe en latin" ne déplaît pas aux catholiques italiens. C’est ce qui ressort d’un sondage commissionné par l’association Paix Liturgique à l’institut Doxa. L’enquête a mesuré la notoriété du message du pape Benoît XVI de juillet 2007 et l’hypothèse de l’adhésion à la messe "extraordinaire". Les résultats montrent que 58% des catholiques italiens ont entendu parler de l’introduction de la liturgie traditionnelle de la part de Benoît XVI, avec des résultats plus élevés dans le Nord-Ouest (63%) et plus bas dans le Nord-Est (52%). (…) 71% des catholiques considèrent normal que les deux formes liturgiques puissent être célébrées dans leur propre paroisse. »


3. La Stampa, quotidien turinois, 17 octobre 2009
Un long article sur le site du journal intitulé : « Neuf millions d’Italiens voudraient l’ancienne messe » Difficile de faire plus explicite !

4. Libero, quotidien national, 18 octobre 2009
« Messe en latin, le clergé boycotte Benoît XVI » : c’est par une accroche en Une de son édition de dimanche que le quotidien Libero a alerté ses lecteurs sur la situation du Motu Proprio Summorum Pontificum publiant un article fort documenté d’Antonio Socci décrivant le contexte et les enjeux de la réforme liturgique entreprise par le Saint-Père. Pour illustrer cet article, le journal a repris les résultats du sondage, les commentant dans un encadré intitulé : « L’ancien rite ne plaît pas à la haute hiérarchie mais 71% des fidèles voudraient les deux formes ».

5. Agence AGI, dépêche du 18 octobre 20009
« Une majorité d’Italiens prêts à retourner à la messe en latin »
« En Italie, 63% des catholiques pratiquants assisteraient régulièrement (au moins une fois par mois) à la messe selon sa forme extraordinaire – c’est-à-dire antique, en latin et grégorien – s’ils en avaient la possibilité matérielle. Voici le résultat significatif du sondage effectué par l’Institut Doxa pour l’association Paix Liturgique et le site internet "Messa in latino". (…) À la principale question posée par les enquêteurs de Doxa : « En juillet 2007 le Pape Benoît XVI a rappelé que la messe pouvait être célébrée aussi bien selon sa forme moderne, dite "ordinaire" ou "de Paul VI" – c’est-à-dire en italien, le prêtre tourné vers les fidèles et la communion reçue debout – que selon sa forme traditionnelle, dite "extraordinaire" ou "de Jean XXIII" - c’est-à-dire en latin et grégorien, le prêtre tourné vers l’autel et la communion à genoux – le saviez-vous ? » 64% des pratiquants, catholiques déclarant aller à la messe au moins une fois par mois, répondaient "oui", contre 36% qui n’en savaient rien. »

6. Avvenire, quotidien de la Conférence épiscopale italienne, 18 octobre 2009
Organe officiel du clergé italien, le quotidien Avvenire a rendu compte du sondage dans un article signé Gianni Cardinale et intitulé « Liturgie : Summorum Pontificum, un grand don pour toute l'Église ». L'article précise que les résultats ont été présentés au cours du colloque sur le Motu Proprio organisé à Rome mi-octobre et retient en particulier le chiffre de 71% des catholiques qui trouvent "normale" la coexistence des deux formes liturgiques. Un écho et un ton qui tranchent avec le silence hostile de La Croix en France.

7. Agence AGI, dépêche du 18 octobre 2009
« Le Pape salue (et encourage) les fidèles traditionalistes »
Dans une dépêche rendant compte de la messe célébrée dans la basilique Saint-Pierre par Mgr Burke – la première messe officielle selon la forme extraordinaire depuis la réforme liturgique – et du salut adressé lors de l’Angelus par le Souverain Pontife aux participants du colloque organisé à Rome sur le Motu Proprio Summorum Pontificum, Salvatore Izzo revient sur les résultats du sondage pour souligner le contraste entre l’adhésion des fidèles aux dispositions du Motu Proprio et la froideur avec lequel celui-ci a été reçu dans de nombreux milieux ecclésiastiques.

8. Agence Zenit, édition française, dépêche du 19 octobre 2009
« Selon un sondage Doxa, en Italie, 63% des catholiques pratiquants assisteraient régulièrement (au moins une fois par mois) à la messe dans le rite extraordinaire si les évêques et les curés appliquaient le Motu proprio. Cette recherche, commandée par l'Association Paix Liturgique et par le site Internet Messa in latino, a été présentée au cours du congrès et a été conduite sur les Italiens qui se disent catholiques, soit 76 % de la population. Sur la base de ces résultats, seuls 58 % des catholiques italiens ont entendu parler de l'introduction de la liturgie traditionnelle par Benoît XVI. Concernant ceux qui sont informés du Motu Proprio, 71 % considèrent normal que les deux formes liturgiques, celle ordinaire et celle extraordinaire, puissent être célébrées dans les paroisses. »

9. Mgr Pozzo, secrétaire de la Commission Ecclesia Dei, 23 octobre 2009
Interrogé sur le sondage par messainlatino.it , Mgr Guido Pozzo (Lettre de Paix Liturgique 194), a répondu ainsi :
« Le sondage m’avait été remis en avant-première quelques jours avant sa présentation. Ce sont des résultats vraiment remarquables et encourageants, en particulier cette majorité absolue de catholiques observants qui, du moins d’après le sondage, considère tout à fait normale la coexistence dans les paroisses des deux formes de la Messe. Je crois savoir qu’un exemplaire du sondage est même parvenu au Saint-Père. »


Les commentaires de Paix Liturgique

1/ Nous saluons le professionalisme et l'impartialité des médias italiens, laïcs ou chrétiens, qui rapportent les faits tels quels en ne cherchant pas à dissimuler ou à manipuler. Grâce à la presse italienne, le Saint Père lui-même a eu connaissance de ce sondage et sait que ceux qui disent qu'il n'y a pas de demande d'application de son Motu Proprio ne disent pas la vérité. Cette attitude des médias est bien différente de ce que nous pouvons voir en France. En effet, les trois sondages réalisés en France, auprès d'organismes reconnus, sur la question de la liturgie traditionnelle de l'Eglise en 2001, 2006 et 2008 ont été magnifiquement ignorés par l'épiscopat français, la presse, spécialement la presse religieuse française. Pas un mot sur ces sondages aux résultats pourtant significatifs.

2/ Il est permis de s'interroger sur ce silence et cet embargo de la presse chrétienne en France. En effet, pourquoi la presse religieuse nous abreuve-t-elle chaque jour de sondages relatifs à la vie de l'Eglise ou aux "convictions" des chrétiens et fait l'impasse non sur un mais sur trois sondages relatifs à la liturgie traditionnelle aux résultats concordants réalisés sur une échelle de sept ans par des professionnals reconnus ? A titres d'exemples, l'hebdomadaire Pèlerin a publié le 17 septembre dernier un sondage sur les divorcés remariés. Ce sondage repris abondamment dans La Croix faisait dire à cet organe officieux de l'épiscopat français "une majorité d'entre eux souhaite que l'Eglise "adopte une attitude plus souple"". Un autre sondage TNS SOFRES réalisé par La Croix en juin 2009 sur les français et la vocation sacerdotale faisait dire à ce quotidien que la naissance d'une vocation chez un fils était rarement perçue comme une bonne nouvelle. On trouve des "sondages" réalisés en ligne (i.e. réalisés de manière non professionnelle) sur des sites internet de journaux chrétiens comme Famille Chrétienne par exemple (avril 2009 : 71 % des participants font confiance au discernement de l'Église)... Nous pourrions faire une liste de plusieurs dizaines de pages sur les sondages relatifs à la vie de l'Église commandités par la grande presse chrétienne (la Croix, Famille Chrétienne, le Pèlerin) ou publiés dans ces journaux. Qu'on ne nous dise pas par conséquent que si ces journaux n'ont JAMAIS parlé des 3 sondages réalisés en France entre 2001 et 2008 sur la liturgie traditionnelle c'est parce que "les sondages ne sont pas sûrs", "les sondages ne veulent rien dire" ou que "l'Église ne marche pas avec des sondages". Le fait est que sur des sujets parfaitement comparables, la presse officielle a fait le choix délibéré de faire l'impasse sur une question qui intéresse pourtant une majorité de catholiques à travers le monde entier dans des proportions parfaitement significatives. N'est-ce pas finalement une application supplémentaire du discours incantatoire de l'épiscopat français "il n'y a pas de problème liturgique en France", "il n'y a pas de demande d'application du Motu proprio", "le Motu Proprio ne fait pas recette"... Quoi qu'il en soit nous devons tirer les conclusions qui s'imposent sur l'impartialité de cette presse et sur ses réelles intentions quant à l'oeuvre de pacification de l'Eglise menée par le Saint Père. Celui qui a des yeux, qu'il voie, celui qui a des oreilles, qu'il entende...

3/ Nous ne pouvons qu'être surpris de voir la presse chrétienne offrir des tribunes à des groupuscules contestataires ultra-minoritaires et ne pas s'intéresser à des problématiques qui concernent aujourd'hui une vocation sur quatre et des millions de catholiques à travers le monde. Que Famille Chrétienne trouve important d'interroger dans son édition du 12 octobre "le Comité de la Jupe" dont les membres se définissent comme des "emmerdeuses de bénitier" pour qui "l'Église est encore "adolescente", "dans un système patriarcal" et qui pensent que "l'Église doit grandir en faisant évoluer le sacerdoce en fonction des besoins du monde" est une question d'opportunité qu'il ne nous appartient pas de trancher. Mais de grâce, quand on écrit sur un groupuscule qui réunit au mieux quelques centaines d'activistes, on comprend mal pourquoi on ne dit pas un mot des 34 % de pratiquants français qui assisteraient régulièrement à la forme extraordinaire du rite romain s'il était célébré dans leurs propres paroisses.

4/ Dans deux semaines, la Conférence des Évêques de France se réunira à Lourdes. Sera-t-il question enfin des mesures concrètes à prendre pour appliquer le Motu Proprio de Benoît XVI ? Pour répondre enfin à la demande pressante des fidèles ? Sera-t-il question de trouver les moyens d'être enfin des acteurs actifs de la politique de paix et de restauration liturgique voulue par le pape et la plupart des fidèles ? Les évêques français vont-ils enfin prendre la mesure du problème liturgique ? La chape de plomb qui musèle les médias chrétiens va-t-elle enfin exploser ? Prions pour que l'Église de France ne soit plus le seul endroit du monde où le mur de Berlin n'est pas encore tombé! Lorsque se tiendra la Conférence des Évêques de France, ces questions seront-elles enfin "véritablement" à l'ordre du jour ?

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