Notre lettre 1200 publiée le 4 mai 2025

LE CARDINAL CLAUDIO GUGEROTTI

LE CLONE DE PAROLIN ?


A L'ORIGINE DU FINANCEMENT DU VATICAN

PAR LA FONDATION HEYDAR ALIYEV ?








Conscient que son parcours ponctué d’une théorie de casseroles, d’échecs diplomatiques en tous genres et d’une gestion de la Secrétairerie d’Etat si peu efficiente qu’il s’est senti obligé d’être le fer de lance de l’exclusion du cardinal Becciù du conclave, le cardinal Parolin tient en ses mains un plan B. Un cardinal issu comme lui des proches d’Achille Silvestrini, lui aussi sans expérience pastorale ou diocésaine, et qui réussit le tour de force d’être un diplomate encore plus terne et moins efficace que lui – Claudio Gugerotti.


Issu de l’école Silvestrini, comme Parolin

Né à Vérone, en Italie, le 7 octobre 1955 – ce n’est pas très loin de Vicence, la patrie du cardinal Parolin, il rejoint la Pieuse Société de Don Nicola Mazza et est ordonné prêtre pour le diocèse de Vérone le 29 mai 1982 – on ignore cependant où a-t-il fait son séminaire. Il obtient des diplômes en langues et littérature orientales et en liturgie sacrée à l’université Ca’Foscari de Venise et à l’Athénée pontifical Saint-Anselme. Il enseigne la patristique à l'Institut théologique San Zeno de Vérone de 1981 à 1984, et la théologie et la liturgie orientale à l'Institut d'études œcuméniques de Vérone de 1982 à 1985.

En 1985, trois ans seulement après son ordination, Gugerotti a commencé à travailler à la Congrégation pour les Églises orientales, le département du Saint-Siège qui supervise les 23 Églises orientales en communion avec Rome, dont l'Église gréco-catholique ukrainienne, l'Église syro-malabare et l'Église maronite. Il a été sous-secrétaire de la Congrégation pendant cinq ans (1997-2001) lorsque le cardinal Achille Silvestrini en était préfet (1991-2000).

En 1999 paraît écrit par des prélats anonymes un livre à scandale, Via col Vento in Vaticano ( Autant en emporte le vent au Vatican



que la Sacra Rota condamne et tente même de saisir. Il décrit par le menu les manœuvres à la Curie, les compromissions sexuelles, maçonniques, ou idéologiques des uns et des autres et cite notamment Mgr Gugerotti : « comme un homme aux capacités d'escalade indiscutables et montre comment toute son ascension est le résultat des services rendus à son cardinal protecteur, Silvestrini ».

Réédité devant le succès éditorial, Autant en emporte le vent au Vatican suscite à l’époque ce commentaire à la Curie : « 30% du livre est véridique», s'amuse-t-on à commenter à l'ombre de la Coupole de Saint-Pierre, «mais les autres 70% sont totalement véridiques». Le livre a valu des poursuites et un procès à huis clos contre le seul auteur qui a pu être identifié, Mgr Luigi Marinelli.

En 2023 il fait un grand éloge d’un livre paru à l’occasion du 100e anniversaire de la naissance du cardinal Silvestrini, intitulé Cardinal Silvestrini, la diplomatie de l’espoir : « Il s'agit donc d'une histoire de Silvestrini diplomate, mais avec de larges digressions sur divers aspects de sa vie humaine et sacerdotale, y compris les rencontres qui, pendant de nombreuses années, le virent réunir périodiquement un groupe d'intellectuels, hérité d'un ami prêtre, et auquel le cardinal fut extrêmement fidèle, m'associant, à partir d'un certain moment, à ces réflexions qui, à partir de méditations sur la Bible, se développèrent ensuite jusqu'à inclure les descriptions qu’il illustrait par certains aspects de son travail diplomatique, au fur et à mesure qu'il se déroulait ».

Il poursuit sur ses relations politiques et l’implication du cardinal Silvestrini au sein de la Villa Nazareth : « Connaissant la personne, on peut déjà comprendre son histoire humaine particulière à partir de ces fragments, qui l'ont conduit, également en raison de la nature cordiale et ouverte de son caractère, à approcher, tant dans le travail qu'en dehors du travail un nombre considérable de personnalités du monde de la politique et de la culture, qui ont gardé de lui un souvenir indélébile […] Si l'on ajoute à cela la passion avec laquelle il suivait ses jeunes à la Villa Nazareth, héritée de Mgr. Domenico Tardini, à qui il réservait constamment une partie de sa journée, dans une écoute patiente et avec une véritable « prise en charge » de chaque personne dans son individualité et sa spécificité, immédiatement perçu avec son intuition éblouissante et avec une loyauté paternelle parfois même protectrice, le tableau est complet et cohérent. »


Un enfant de l’Ostpolitik spécialiste des églises orientales

Gugerotti a également été membre du Bureau des célébrations liturgiques du Souverain Pontife sous le pape Jean-Paul II. À ce titre, il a assisté Jean-Paul II dans la célébration de la liturgie arménienne.v En raison de ses études sur l'Arménie et la langue arménienne, Gugerotti fut invité, en tant que responsable de la Congrégation, à rejoindre une délégation de Caritas Italiana en 1988 , suite au tremblement de terre dévastateur qui s'y produisit. Il attribue en partie ce voyage, qui eut un impact considérable sur lui, à l'ancien secrétaire d'État du Vatican, le cardinal Agostino Casaroli, et à l' Ostpolitik que ce dernier défendait – soutenue aussi par le cardinal Parolin, notamment en Chine avec les résultats désastreux que l’on sait.

Dans son éloge du livre sur la diplomatie du cardinal Silvestrini, il résume sa vision de l’Ostpolitik, dont l’objectif est « d'ouvrir de petits espaces sans renoncer aux principes, afin que les catholiques locaux puissent en profiter » : « en lisant le livre de Fattorini, j'ai perçu avec plus de clarté les raisons profondes des actes du Cardinal Silvestrini au cours des neuf années de travail quotidien que j'ai eu la chance de partager avec lui dans ce qui s'appelait alors la Congrégation pour les Églises orientales.

S’il y avait déjà souvent fait explicitement référence, sa préparation et sa participation aux traités d’Helsinki [du 1er août 1975] marquèrent peut-être son plus grand succès professionnel, mais aussi la plus haute expression de sa manière d’être diplomatique. […] Avoir réussi, avec ses collègues du Saint-Siège, à faire inscrire dans le texte et approuver par les représentants des puissances communistes, et en particulier de l'Union soviétique, le principe de la liberté de pensée et de religion, le rendait fier, non pas tant parce qu'il se faisait l'illusion que des changements miraculeux dans les politiques oppressives de ces États s'ensuivraient, mais parce qu'il savait que les idées, une fois exprimées et acceptées, procèdent d'elles-mêmes, à des moments et par des voies mystérieuses, et sapent tout ce qui s'oppose à elles bien au-delà de la perception de ceux qui, les sous-estimant, les ont acceptées.

Dans cette avancée du bien, le cardinal voyait l'intervention de la Providence, non pas sous une forme miraculeuse, mais à travers l'introduction d'un bon principe même au-delà de l'armure de ceux qui semblaient peu disposés à l'accueillir ».

Gugerotti enseigne également la patristique ainsi que la langue et la littérature arméniennes à l'Institut pontifical oriental. Le 7 décembre 2001, le pape Jean-Paul II le nomme nonce apostolique en Géorgie et en Arménie, ainsi qu'archevêque titulaire de Ravello. Il est également nommé nonce apostolique en Azerbaïdjan le 13 décembre.

Il reçoit sa consécration épiscopale des mains de Jean-Paul II le 6 janvier 2002 et choisit comme devise Per orientalem viam – par la route de l’Est. Le 15 juillet 2011, Benoît XVI le nomme nonce apostolique en Biélorussie. Le 13 novembre 2015, le pape François le nomme nonce apostolique en Ukraine. Le 4 juillet 2020, le pape François le nomme nonce apostolique en Grande-Bretagne. Le 21 novembre 2022, le pape François le nomme préfet de la Congrégation pour les Églises orientales. Le 9 juillet 2023, le pape François annonce qu'il sera créé cardinal le 30 septembre 2023. A cette occasion il reçoit le titre de cardinal-diacre des Santi Ambrogio e Carlo.

Auteur de plusieurs livres en italien sur la liturgie des églises orientales, il est membre du Dicastère pour l'Évangélisation, du Dicastère pour la Doctrine de la Foi et du Dicastère pour la Culture et l'Éducation. Ainsi que de la Commission pontificale pour l'État de la Cité du Vatican et du Conseil de la Section pour les relations avec les États et les organisations internationales de la Secrétairerie d'État du Vatican.

Titulaire de diverses décorations décernées aux diplomates en Ukraine (ordre du mérite de 3e classe, 2020), Biélorussie (2017), Géorgie (2016) en Arménie et de la médaille d’or de saint Barthélémy qui est la décoration décernée depuis 2007 par l’éparchie orthodoxe russe de Bakou et d’Azerbaïdjan, il parle italien, latin, grec ancien et moderne, arménien, kurde, anglais, français et russe.

Le 15 juillet 2011, il a été nommé Nonce apostolique en Biélorussie. Le 31 août 2014, lors des célébrations du 100e anniversaire de la naissance de l'évêque Ceslaw Sipovich , le nonce apostolique s'est exprimé pour la première fois en biélorusse à Druia et aurait également présenté ses excuses pour le fait que l'Église n'avait pas toujours respecté et honoré la langue et le peuple biélorusses.

Cependant on ne retrouve pas ces propos dans son discours, où il dit simplement, au sujet d’un évêque qui n’a pas été martyrisé, mais a vécu de longues années en exil en divers pays – notamment à Londres où il a été une figure tutélaire de la diaspora biélorusse, et a participé au concile Vatican II – « Czeslaw Sipowicz fut invité à abandonner le rite latin et à adopter le rite byzantin. Lui, qui n’était pas né grec-catholique, est devenu grec-catholique dans la conviction qu’il pourrait ainsi mieux servir son peuple. Czeslaw Sipowicz fut envoyé à Londres et là, il commença à chercher un endroit pour prier et vivre, où il pourrait rassembler ses disciples.

Puis, devenu évêque (le seul évêque catholique biélorusse à l’époque), il a parcouru le monde entier pour montrer son visage fraternel aux Biélorusses, pour faire résonner le son de la langue chère à leur cœur, pour les empêcher d’oublier qu’ils étaient Biélorusses. C'est une croix lourde. Czeslaw Sipowicz a été accusé de chauvinisme, de nationalisme et de fanatisme. Il vit le troupeau diminuer peu à peu, il vit mourir les frères avec qui il avait accepté de vivre cette aventure. Il a également vu que le monde, et souvent l’Église, ne comprenaient pas bien son peuple. Il est toujours difficile de déterminer où se situe la ligne entre l’Évangile, c’est-à-dire entre le sentiment d’appartenance à un peuple sauvé, et le soi-disant « nationalisme ». 

Lui-même dit au sujet de la diplomatie vaticane qu’elle est « est toujours d’être une possibilité extrême lorsque tous les autres choix ont expiré. Mon dicastère s'occupe de nombreuses situations parmi les plus "malheureuses" du monde », a-t-il déclaré peu avant de devenir cardinal « Presque toutes ces Églises se trouvent dans des territoires en grande difficulté, en situation de guerre, de déstabilisation… Le cardinalat a pour mission d'attirer l'attention du monde sur ces situations. » Il a ajouté qu'il existe « une centaine de guerres, outre celle entre la Russie et l'Ukraine, dont on ne parle jamais ».

Le 1er novembre 2014, à l'occasion de la fête de la Toussaint , l'archevêque a visité le complexe commémoratif de Trostyanets et le quartier de Kurapaty , où il a déposé des couronnes et prié pour le repos des âmes des victimes.


En Ukraine, des catholiques inaudibles et silencieux sur le Donbass

Le 13 novembre 2015, il a été nommé Nonce apostolique en Ukraine. Il est bien vu à l’origine par les gréco-catholiques ukrainiens sur lesquels il s’aligne, et du fait, lors de son élévation au cardinalat « Sa Béatitude Sviatoslav Chevtchouk, président de l'Église catholique romaine, a félicité le cardinal Gugerotti pour son élévation au Collège des cardinaux, reconnaissant l'attention particulière que le pape porte à l'Orient chrétien à travers cette nomination. Chevtchouk a exprimé sa gratitude pour le service rendu par Gugerotti aux peuples biélorusse et ukrainien, soulignant son rôle de collaborateur de l'évêque de Rome et reconnaissant l'amour du pape pour ceux qu'il sert ». Le 20 décembre 2015 il inaugure sa mission diplomatique en Ukraine dans le sanctuaire marial de Dovbysh, où il rend hommage à une statue de la Vierge qui était présente sur le Maïdan – la révolte pro-occidentale de 2014 à Kiev qui a conduit à l’éclatement du pays et au début de la guerre civile.

Cependant, comme son prédécesseur, étrangement silencieux quand éclate la guerre civile et que les habitants du Donbass se voient bombardés à l’artillerie lourde par l’armée ukrainienne au printemps 2014, Mgr Gugerotti se tait aussi sur le sort des habitants du Donbass et les multiples infractions ukrainiennes au fragile cessez-le-feu introduit par les accords de Minsk II en février 2015.

Pis, en 2016, les catholiques des républiques désormais indépendantes du Donbass – celles de Lougansk et de Donetsk, soit quelques centaines de fidèles, sont purement et simplement abandonnées par leurs desservants qui s’associent aux « sanctions contre les séparatistes » voulues par les autorités ukrainiennes, à l’exception notable de quelques prêtres originaires du secteur qui restent sous les bombes avec leurs fidèles.

Bien qu’en 2017 les ukrainiens eux-mêmes reconnaissent que les catholiques du Donbass ne sont nullement entravés dans leurs célébrations et l’exercice de leur culte – comme l’américaine Radio Liberty en 2018 qui fait le tour des paroisses non orthodoxes de Donetsk, il faudra attendre 2023 pour que l’église catholique russe prenne officiellement le relais et décide d’envoyer des prêtres dans le Donbass devenu territoire russe, et qui s’est considérablement agrandi – seul un quart de l’ancienne région de Donestk est toujours sous contrôle ukrainien, habitée par à peine 10% de la population d’avant 2014.

Bien qu’il se soit rendu à Lougansk et Donetsk en 2016 ainsi qu’à Avdeevka – alors sous contrôle ukrainien, aux portes de Donetsk, à la rencontre des deux paroisses catholiques, Gugerotti a été plus que silencieux sur le martyre des civils du Donbass et jamais le Saint-Siège n’a répondu aux offres d’ouverture de la part des républiques de Donetsk et de Lougansk. Le Vatican s’est concentré sur les aspects humanitaires de son action, finançant çà et là des actions – notamment la rénovation du service hospitalier des grands brûlés à Kramatorsk, dans la partie du Donbass occupée par l’Ukraine. En 2017, Gugerotti affirme qu’il a remis 200.000 euros de la part du pape François aux enfants d’Avdeevka.

Gugerotti se tait aussi en 2017 lorsque l’évêque catholique romain de Lvov Mieczyslaw Mokrzycki qualifie la guerre dans le Donbass de « punition divine » pour le massacre de Volhynie en 1943 – des dizaines de milliers de civils polonais tués par les nationalistes ukrainiens, supplétifs des nazis, de l’OUN-UPA –, et que « le péché du génocide est toujours sur le peuple ukrainien […] tant que le peuple ukrainien ne confesse pas ce péché, ne passe dans le camp de la vérité et ne se purifie pas de ce péché, il n’aura pas de bénédiction ».


« Parler de l’Ukraine revient à parler de ses propres échecs » : quand Gugerotti se fâche avec tout le monde »

Tout juste toléré du fait des millions d’euros que le Vatican envoie dans des projets humanitaires – et de la demande faite par le président de l’époque, l’oligarque Petro Porochenko, au Vatican de soutenir les demandes de l’Ukraine pour un régime d’exemption des visas entre l’UE et l’Ukraine, mais critiqué car les fonds du Vatican étaient fléchés sur des projets précis, et non envoyés à l’état ukrainien pour permettre aux hommes politiques de remplir leurs poches, Gugerotti se lâche dans sur Radio Vaticana en italien où il espérait passer inaperçu en Ukraine.

Raté – ses propos font le tour du pays : « il faut dire que, pour des raisons politiques, il n'est plus de bon ton de se souvenir de l'Ukraine. Après tout, l'Ukraine est un pays qui a détérioré les relations entre les États-Unis et l'Europe d'une part, et la Russie d'autre part. Parler de l'Ukraine aujourd'hui revient à parler de ses propres échecs ».

Et d’insister : « il y a eu le Maïdan, une séparation de fait avec la Russie, avec toutes les conséquences économiques que peut entraîner une querelle ou une opposition à celui qui est son principal soutien de famille. Mais en même temps, pour diverses raisons, l'Occident n'a pas pris la place de la Russie. Il ne pense pas à améliorer les conditions de vie de la population locale. L'Ukraine a donc perdu sur tous les fronts ».

Bien que correspondant à la réalité – et encore plus maintenant – ces propos suscitent un tollé en Ukraine et dévalorisent très vite sa position d’observateur neutre et non engagé, ainsi que la parole du Vatican.

En 2023 Gugerotti, fidèle à son habitude pour les propos convenus, qualifie la guerre de « barbare » et de « massacre » sans donner plus de précisions ou parler du Donbass. Interrogé sur le conflit compte tenu de son expérience d'ancien nonce en Ukraine, le futur cardinal a déclaré que les gens étaient « merveilleux, mais pour des raisons historiques, il y a eu beaucoup de divisions : l'Est et l'Ouest ; les catholiques latins et grecs, parmi les catholiques ; les orthodoxes sont maintenant deux Églises ; le gouvernement, un gouvernement vient après l'autre avec des perceptions et des visions très différentes. »

Le principal problème de l'Ukraine, a-t-il ajouté, « est de trouver l'unité en son sein. Bien sûr, la désunion n'est pas seulement de leur faute ; c'est un processus bien planifié et ordonné ». Au passage, il justifie la guerre – ou tout au moins sa vision par le pouvoir ukrainien et la fuite en avant dans le conflit « elle unit les Ukrainiens parce qu’ils doivent se battre contre un seul ennemi, il n’y a donc pas de place pour les querelles à l’intérieur »

Gugerotti a également déclaré que la « falsification des médias » était « l’un des problèmes fondamentaux » et que « donc, dans ces pays, ce que vous faites n’a pas d’importance, ce qui compte, c’est ce qu’ils disent que vous faites. Il suffit de dire que vous êtes l'ami de l'ennemi, et c'est fini. Si vous allez à un parti, les autres vous disent : ‘’Allez à eux, mais pas à l'autre’’ Vous allez chez les autres, et ils vous disent : ‘’Vous êtes un ennemi de la patrie d'origine parce que vous êtes allé parler aux Ukrainiens, qui sont des traîtres’’ Vous ne pouvez pas sortir, et vous risquez aussi d'être expulsé, sans avoir rien fait. ».

Ces contorsions ne lui permettent cependant pas de participer à la mission de pacification du Vatican en Ukraine et en Russie, pour laquelle il affirme n’avoir même pas été consulté, confiée au cardinal Zuppi – étrange pour un ancien nonce en Ukraine, vraiment – il semble que tous les protagonistes, en Russie, dans le Donbass et en Ukraine, se soient accordés pour exclure la présence de Claudio Gugerotti. Beau résultat diplomatique encore, puisqu’il fait l’union pour être exclu…


Contre la messe traditionnelle ?

Contrairement au cardinal Parolin, le cardinal Claudio Gugerotti est plus effacé et ne s’exprime que rarement sur les sujets polémiques, donc on ignore ce qu’il en pense. Cependant, à l’été 2024 The Remnant révèle qu’il fait partie de la fine équipe, autour des cardinaux Parolin et Braz de Aviz, qui veulent augmenter la persécution de la messe traditionnelle dans le but de la rayer de la carte.

Et ce alors que deux ans auparavant, comme nonce au Royaume-Uni, il a asssisté à la messe traditionnelle et fait l’éloge de la procession eucharistique, comme le relève College of cardinals Report : « Gugerotti a assisté à des versions très traditionnelles et respectueuses du Novus Ordo avec des prêtres traditionalistes durant son bref mandat au Royaume-Uni. Lors de la solennité de la Fête-Dieu en juin 2022, il a célébré une messe pontificale solennelle, suivie d'une procession du Saint-Sacrement autour de Covent Garden. Cette messe a clôturé l' Octave eucharistique londonienne 2022 , une célébration annuelle en l'honneur de l'Eucharistie au cœur de la capitale britannique. Dans son homélie, il a rappelé comment la procession eucharistique « est le signe de notre voyage vers le ciel, précédés par Jésus, présent et amoureux dans l'ostensoir que nous portons ».


Cette duplicité peut susciter des interrogations légitimes…

Comme le relève The Remnant à l’époque, « l'archevêque Viola s'est mis à travailler discrètement sur un nouveau document, en consultant, entre autres, le cardinal Victor Fernández, préfet du Dicastère pour la doctrine de la foi. Lors de la rédaction du document, l'archevêque Viola aurait également bénéficié du soutien et de l'approbation de trois personnalités clés de l'Église : le secrétaire d'État du Vatican et architecte de l'accord secret Vatican-Chine, le cardinal Pietro Parolin ; le préfet du Dicastère pour les Églises orientales, le cardinal Claudio Gugerotti ; et le nonce apostolique du pape à Paris, l'archevêque italien Celestino Migliore.

Le cardinal Parolin, avec le cardinal Gugerotti, est également un protégé du défunt diplomate du Vatican, le cardinal Achille Silvestrini (1923-2019), membre éminent du groupe de Saint-Gall qui a fait campagne pour empêcher l'élection de Benoît XVI en 2005. Les liens étroits de Parolin avec Silvestrini remontent à 1986, année où il a rejoint le corps diplomatique du Vatican à l'âge de 31 ans, et où Silvestrini était secrétaire aux Relations avec les États. De plus, un an seulement après la mort de Silvestrini, le cardinal Parolin a été nommé président de la Villa Nazareth, un centre éducatif qui, grâce aux efforts de Silvestrini , est devenu un centre du pouvoir ecclésiastique progressiste à Rome. La Villa Nazareth a également été considérée comme le siège italien du groupe de Saint-Gall et comme ayant des liens douteux avec la Chine ».

Le cardinal Gugerotti fait aussi partie de la villa Nazareth, qui se félicite en juin 2023 de sa nomination cardinalice.


Contre les innovations liturgiques et pour la dévotion mariale

Outre ses manœuvres contre les fidèles de la messe traditionnelles à la Curie, destinées à rester secrètes, ses rares prises de parole sont plutôt consensuelles, voire molles.

En 2005, dans un ouvrage sur la liturgie, il prend position contre les innovations liturgiques, mais sans vraiment préciser ses propos, comme le relève College of Cardinal Reports : « en 2005, le cardinal a écrit un ouvrage sur la liturgie et l'homme moderne. Intitulé L'Uomo Nuovo Un Essere Liturgico (« L'Homme nouveau : un être liturgique »), il traitait spécifiquement de la liturgie orientale et des nouveautés liturgiques. Gugerotti mettait en garde contre les changements liturgiques radicaux et les tentatives de rendre le langage symbolique de la liturgie plus compréhensible. Sa principale préoccupation, a noté un critique, « est qu'un homme moderne vive la liturgie et n'ait pas besoin d'explications. Par conséquent, les tentatives de restaurer de nouveaux gestes ou de traduire la liturgie dans un langage compréhensible, avec tout le respect que je lui dois, ne le satisfont pas. »

Il a aussi promu la dévotion mariale lorsqu’il était en Biélorussie : « en tant que nonce en Biélorussie en 2014, Gugerotti avait présidé les célébrations du 400e anniversaire de l'icône miraculeuse de Notre-Dame de Budslau, dans son sanctuaire national en Biélorussie. S'inspirant de l'exemple du pape Jean-Paul II, il a encouragé les catholiques de Biélorussie à ne pas avoir peur et a loué leur grande patience, leur disant : « Aujourd'hui, Notre-Dame vous regarde et vous dit : ne laissez pas vos bras faiblir. Vous avez un avenir, peuple de Biélorussie. Il y a un chemin devant vous, même si vous ne le voyez pas. Dieu l'a prévu pour vous. Votre Dieu est désormais parmi vous dans cette Eucharistie, et la protection de sa Mère vous accompagne également. »

Il y retourne en juillet 2023 : pape François a envoyé Gugerotti le représenter au 25e anniversaire du couronnement de la Vierge de Budslau en Biélorussie . L'icône, conservée dans la basilique de l'Assomption de la Bienheureuse Vierge Marie et datant du XVIe siècle, revêt une grande importance pour les catholiques de Biélorussie ».

Eloge de l’Azerbaïdjan et absence de condamnation des multiples tentatives d’effacer l’histoire chrétienne du Haut-Karabagh

En 2015, sous le prédécesseur du cardinal Gugerotti au poste de préfet des Églises orientales, le pape François a élevé saint Grégoire de Narek (951-1010), moine, poète et écrivain mystique arménien du Xe siècle, à la dignité de Docteur de l'Église. «En commémorant sa fête par une messe dans la basilique Saint-Pierre en 2023, le cardinal Gugerotti a déclaré que, au milieu de « l'énorme individualisme » et de l'agressivité « féroce » d'aujourd'hui qui parfois « semblent invincibles », saint Grégoire de Narek s'attaque à ces maux « avec une brillante vision spirituelle, précisément dans la mesure où il a voulu prendre sur lui les péchés de tous, comme l'a fait Jésus.

En arménien, Gugerotti a lu cette prière tirée des œuvres de Narek : « Je prends sur moi les péchés du monde entier, car je suis personnellement coupable des péchés de tous. Et je te les présente, Seigneur, afin que tu aies pitié de tous. »Il est « très rare dans l'histoire du christianisme d'avoir une telle attitude, mais elle est profondément convaincante », a déclaré alors le cardinal.

Néanmoins cela n’a pas empêché le cardinal, fidèle à l’Ostpolitik, de rencontrer en novembre 2024 à Bakou les dirigeants de la Fondation Heydar Aliyev, du nom de l'ancien président azerbaïdjanais, le cardinal a remercié au nom du Pape la présidente de la Fondation, Mehriban Aliyeva (vice-présidente du pays et épouse du président Ilham Aliyev, fils d'Heydar) pour le financement azerbaïdjanais au Vatican : restauration des catacombes, étroite coopération avec les Musées du Vatican et la Bibliothèque apostolique, numérisation des manuscrits d'archives, travaux de restauration à Saint-Paul-hors-les-Murs, visites des archéologues du Vatican en Azerbaïdjan. 

A cette occasion, il n’a jamais été question pour le cardinal Gugerotti de condamner l’exode forcé des 100.000 arméniens du Haut-Karabagh après la défaite militaire de l’état autoproclamé, les profanations d’églises commises par des membres de l’armée azérie, les pillages, destructions de lieux de culte, tombeaux de saints, et même de cimetières laissés derrière eux par les habitants arméniens, dont l’Azerbaïdjan essaie d’effacer la présence millénaire par tous les moyens, notamment en abattant systématiquement les croix. Ne rien dire sur ces faits pourtant connus ne revient pas, par le silence et le refus de les condamner, à légitimer la persécution et l’effacement des chrétiens, en Arménie et ailleurs ?

Au contraire, le cardinal Gugerotti a « souligné que, sur fond d’expansion des conflits religieux dans le monde, la politique de multiculturalisme mise en œuvre par le gouvernement azerbaïdjanais, la coexistence pacifique des diverses religions dans le pays et la liberté de croyance religieuse constituaient la plus grande contribution à la paix ».


« Quand on a de tels frères en religion, nul besoin d’ennemis »

L’éloge des dirigeants de la fondation Aliev par Claudio Gugerotti n’a pas échappé au journal franco-arménien Nor Haratch :

« Depuis quelques temps nous assistons à une véritable « lune de miel » entre certaines Églises, leurs serviteurs et le régime de Bakou. Ceux-ci appartiennent aux « cercles proches » de l’empire aliévien, et leurs faits et gestes – bien qu’incompatibles avec les valeurs qu’ils prêchent – ne nous étonnent qu’à moitié. Visiblement, le caviar et les pétrodollars pèsent lourd… Mais le fait qu’un haut dignitaire du Vatican tienne des propos plus que mièvres à l’égard de l’Azerbaïdjan – en omettant tout ce qu’il se devait de dire – donne matière à réfléchir. Là encore, et sans doute, le caviar et les pétrodollars… Lorsqu’on a de tels « frères en religion », nul besoin d’ennemis… »

L’aveuglement – volontaire ou non – du cardinal Gugerotti sur l’Azerbaïdjan, qui n’est pas sans rappeler l’irénisme du cardinal Parolin quant à la Chine, ne date pas d’aujourd’hui – et comme pour Parolin, remonte au début des années 2000, comme le relève IRPI :

« Certains considèrent le cardinal Claudio Gugerotti de Vérone comme un simple intermédiaire, tandis que d'autres le voient comme le protagoniste du canal privilégié établi avec Bakou.

Très instruit et polyglotte, ambitieux et assoiffé de pouvoir, le cardinal Gugerotti connaît la famille Aliyev depuis 2002, du vivant de l'ancêtre Heydar, au pouvoir depuis 1969. Dans les cercles du Vatican, Gugerotti était surnommé « Don Stambecco » (« Père Bouquetin ») en raison de son carriérisme précoce et effréné, comme l'ont révélé certains prélats restés anonymes dans leur livre à succès « Via col vento in Vaticano » ( 1999).

Au début des années 2000, Gugerotti a rencontré les autorités azerbaïdjanaises en tant que nonce pour le Caucase du Sud, poste qu'il a occupé en 2001. Auparavant, cette nonciature auprès du Saint-Siège ne comprenait que la Géorgie et l'Arménie. C'était l'époque où la Russie garantissait un cessez-le-feu dans la région, après la victoire de l'Arménie sur l'Azerbaïdjan lors du premier conflit. La haine ethnique, qui alimente encore le conflit, commençait à s'apaiser, mais le nonce Gugerotti qualifiait l'Azerbaïdjan de « pays symbole de coexistence pacifique entre peuples de religions différentes ».

La « coexistence pacifique » est mise en avant par le régime autocrate azéri pour polir son image dans les instances internationales et auprès des pays occidentaux, mais cache en réalité difficilement un islamisme politique de plus en plus revendiqué, des relations de plus en plus étroites avec le régime islamiste politique turc d’Erdogan et une politique systématique d’effacement de la présence chrétienne dans le Haut-Karabagh, après avoir fait fuir la population, ainsi que des revendications territoriales croissantes en Arménie dont la population craint d’être rayée de la carte par le voisin avec le silence complice des acheteurs de son pétrole – l’Azerbaïdjan réclame maintenant Syunik et le sud de l’Arménie pour créer une continuité territoriale avec son enclave du Nakhitchevan plus à l’ouest.

Dix ans après le début de sa mission de nonce apostolique en 2011, Gugerotti a signé l'accord historique qui, pour la première fois, régit les relations entre Bakou et l'Église catholique. Lors de la ratification – rappelle un livre publié en 2019 par la Fondation pour la promotion des valeurs morales de Bakou, intitulé « Le christianisme en Azerbaïdjan » – Gugerotti « a exprimé sa gratitude au gouvernement [azéri] pour avoir créé les conditions qui ont rendu possible [l'accord], soulignant que notre pays est toujours resté attaché aux principes de tolérance et soulignant que cet accord était le premier document de ce type, le Vatican n'ayant jamais signé un tel accord avec aucun État auparavant ».

« L'Azerbaïdjan », a déclaré Gugerotti dans son livre, « a une fois de plus fait preuve de tolérance. Le monde entier en a été témoin. Je suis certain que ce document recevra un écho positif à l'échelle internationale et restera dans les mémoires comme un grand événement historique. La réaction de la presse dès le premier jour nous le confirme. Au nom du Trône et de la Couronne, j'adresse mes plus sincères remerciements au président Ilham Aliyev et au gouvernement azerbaïdjanais pour tout cela.»

Une demande de commentaires envoyée par IrpiMedia au secrétariat du cardinal concernant les événements tragiques au Karabakh est restée sans réponse, tout comme une demande de clarification concernant le rôle de Monseigneur Gugerotti dans la naissance et le développement des relations entre le Saint-Siège et la Fondation Heydar Aliyev , le bras économique et diplomatique de l'Azerbaïdjan ».


Quel est le prix des investissements de la fondation Alyev dans le patrimoine du Vatican ?

Comme le relève IRPI Média, la fondation Heydar Aliev finance aussi largement des restaurations au Vatican, notamment des « catacombes romaines (celles des saints Marcellin et Pierre sur la Via Casilina, mais aussi celles de Commodille [2012]), les Musées du Vatican (la restauration de la statue de Zeus dans le Musée Pio Clementino, qui fait partie des Musées, ainsi que les anciens cabinets de la Salle Sixtine), la Bibliothèque apostolique du Vatican (plus de 3 000 mille livres et 75 manuscrits) ». Le dernier projet concerne l’entretien des revêtements en marbre de Saint-Paul hors les murs…

Comme le relève Cath.ch lors du renouvellement de l’accord de mécénat de la fondation Alyev avec le Vatican en mars 2021, tout cet argent a un prix : l’absence de condamnation par le pape François des persécutions subies par les arméniens : « L’invasion du Haut-Karabagh, zone contestée, par les forces azéries pendant l’automne 2020, a d’ailleurs donné lieu à une réaction modérée de la part du Saint-Siège, qui s’est toujours abstenu de désigner l’Azerbaïdjan comme agresseur, malgré les appels de la communauté chrétienne arménienne et du patriarche suprême de tous les Arméniens, Karekin II. Lors d’un Angélus le 27 septembre 2020, le pape avait demandé des « gestes de paix ». Quelques mois plus tard, à l’occasion de son discours au corps diplomatique, le 8 février 2021, il a déploré la crise dans le « Caucase méridional », mais n’a pas mentionné spécifiquement l’Arménie ou l’Azerbaïdjan ».

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