Notre lettre 967bis publiée le 21 octobre 2023

A LORIENT
LES PERSECUTEURS
DE MERE MARIE FERREOL
DEVANT LA JUSTICE

ET COMME AU CANADA
LE CARDINAL OUELLET SE DEFILE...

A Lorient le 4 octobre dernier, les personnes et entités à l'origine du renvoi de l'état clérical de mère Marie Ferréol, laissée par sa communauté religieuse sans ressources ni droit de trouver abri pour ses vieux jours, comparaissaient devant la justice des hommes. Sauf le cardinal Ouellet, qui n'était ni présent, ni représenté par un avocat – ce qui le rend défaillant à la procédure et en possibilité de se faire condamner sans avoir pu se défendre. Le délibéré est prévu pour le 29 novembre prochain.

En revanche, les visiteurs canoniques dont le rapport a été à l'origine de la sanction frappant mère Marie Ferréol étaient représentés par maitre Bertrand Ollivier, un des avocats de la CEF qui a été aussi l'avocat du nonce Ventura au tout début de la procédure le visant [Libération le 19 juin 2019 et le Monde le 7 juin 2019 le mentionnent comme avocat du nonce]. Il y a eu un moment cocasse dans l'audience, puisqu'il répondait à une question posée à l'avocate des Dominicaines du saint Esprit, maitre Agathe Martin, et la présidente lui demande, « vous êtes l'avocat de tout le monde ou quoi ? ».

Mère Marie Ferréol – Sabine Baudin de la Valette de son nom civil – n'a jamais su les raisons de son expulsion de la communauté religieuse de Pontcallec. Comme le rappelle son avocate Me Adeline le Gouvello à l'audience, « lors de son ex claustration, elle n'a pas eu accès à une défense, ni même à un avocat ». Aujourd'hui, elle est sans emploi, sans logement, sans indemnité chômage – situation qui n'émeut pas son ancienne communauté qui a exigé qu'elle soit déboutée de ses demandes indemnitaires et qui estime n'avoir rien à lui verser après 34 ans de vie consacrée et de travail pour la communauté » ...


Les manquements des Dominicaines du Saint-Esprit

Au cours de l'audience, l'avocate de mère Marie Ferréol a soulevé divers manquements de la communauté religieuse des Dominicaines du Saint-Esprit, représentées en droit par une association loi 1901 qui a des statuts – les constitutions font office, d'après la jurisprudence, de règlement intérieur. Ce dernier régit notamment la procédure d'exclusion d'une sœur et les sanctions disciplinaires. Or, dans l'affaire, la congrégation de Pontcallec n'a pas respecté ses propres règles.

La partie adverse, tout à son hubris, voulait faire croire que le cardinal Ouellet a agi au nom du pape François et celui-ci au nom de Dieu – sauf que, tout puissant qu'il croit être, le Pape François n'a pas n'a pas le pouvoir de s'immiscer dans le fonctionnement d'une association loi 1901 de droit français.

Elle veut aussi faire croire que le droit canonique s'impose au droit civil et ne peut être remis en cause – l'avocate de mère Marie Ferréol a exposé qu'à contrario les règles de droit civil et canonique, loin de s'opposer, s'éclairent mutuellement et se complètent (ce qui est logique d'un point de vue historique). Toutes deux prévoient qu'une personne qui encourt des sanctions disciplinaires puisse connaître les griefs qui lui sont reprochés. 


Pas un rond après 34 ans de vie consacrée : la communauté religieuse oublieuse de son obligation de secours

L'avocate de mère Marie Ferréol a aussi expliqué à l'audience que l’association qui transpose en droit l'existence de la communauté des Dominicaines du Saint-Esprit est aussi débitrice d’une obligation de secours et doit compensation au membre évincé pour le retour forcé à une vie civile au regard des nombreuses années passées dans la vie religieuse et des conditions de vie qui seront désormais les siennes.

La jurisprudence a reconnu cette obligation de secours à l’égard d’un membre d’une communauté religieuse qui l’a quittée. Il n'y a jamais eu de proposition pour indemniser mère Marie Ferréol, sauf, en une fois, 5000 euros – un an après qu'elle ait été chassée, et que l'attention des médias ait été attirée par l'injustice qu'elle a vécu.

Les défenseurs de la congrégation ont demandé au procès un déboutement sec de mère Marie Ferréol sans indemnités, après 34 ans de vie consacrée, ils estiment qu'ils n'ont pas un rond à lui donner, et que c'est à d'autres d'assumer leurs obligations – sa famille, l'état pour le RSA et le minimum vieillesse, etc.

La défense de mère Marie Ferréol demande 800.000 euros au titre de cette indemnité de secours. Ce chiffre a fait le tour des médias, mais il se justifie, à partir de son espérance de vie, et des tableaux statistiques officiels des revenus nécessaires, maintenant et pour ses vieux jours.

Comme l'a expliqué son avocate à l'audience, aujourd'hui mère Marie Ferréol a 57 ans, peu d'années de vie active, elle doit subvenir à ses besoins. Pendant 34 ans, elle a travaillé pour sa congrégation et n'a rien mis de côté. Une fois à la retraite, elle devait être prise en charge par sa congrégation – mais le cardinal Ouellet est allé très loin en lui interdisant tout retour à la vie religieuse, et donc toute prise en charge pour ses vieux jours. L'indemnité doit assurer son avenir et sa retraite.


Mère Marie Ferréol pourchassée à travers le monde quand elle essaie de retrouver du travail

Sa défense demande aussi 70.000 euros au titre du préjudice moral, tant lié à l'exclusion que celui qu'elle continue de subir quand elle essaie de trouver du boulot, même très loin de la métropole. Au Texas, en Martinique, partout où elle a essayé, des « bonnes âmes » écrivent aux directions des écoles, aux évêques, tentent de diviser les parents en prétendant que si elle a été chassée, c'est pour quelque chose de grave. Devant les remous et la division, les employeurs cèdent et ne la conservent pas. Néanmoins mère Marie Ferréol ne baisse pas les bras et continue de chercher.


La défense des visiteurs canoniques entretient le flou

De l'autre côté, maître Bernard Ollivier, avocat des visiteurs canoniques, présente le visage d'une Eglise décidée à justifier l'injustifiable et à opposer un mur aux victimes : « le dossier [canonique, incriminant mère Marie Ferréol] est au Vatican et ne peut être consulté que sur place. C'est le droit canonique. Il ne peut être donc transmis au tribunal de Lorient, même anonymisé ».

Ce qu'un canoniste, en poste dans un diocèse du sud de la France, conteste : « le droit canonique, ce n'est pas la liberté laissée à ceux qui ont le pouvoir. L'avocat ecclésiastique doit toujours pouvoir accéder au dossier de la personne mise en cause, qui doit pouvoir se défendre »

A l'audience, l'avocat a même refusé une communication par mail, confirmant que le respect du contradictoire – principe majeur du droit civil comme du droit canonique – a été foulé aux pieds lors de l'exclusion de mère Marie Ferréol. Or, aujourd'hui, toute la procédure est dématérialisée et se fait par mail. De même, la défense a écrit au Vatican pour se faire communiquer le mandat du cardinal Ouellet au sujet de cette congrégation... et n'a rien reçu. Et pour cause : dans un mandat, il y a des limites. Face à ces interrogations légitimes, la défense des visiteurs canoniques n'a pas répondu, sinon par un rideau... de fumée.


Et quand c'est flou, il y a un loup : accusations mesquines et tardives contre mère Marie Ferréol

Ce qui n'a pas empêché maître Ollivier d'arriver avec une bonne trentaine d'attestations signées par des sœurs – pas anonymisées du coup, ce sont même leurs vraies identités, comme l'a fait confirmer à l'audience la présidente, interloquée – et d'affirmer que « ces attestations arrivent tardivement, parce que la parole se libère tardivement, comme dans les enquêtes pour risques psychosociaux ». L'étonnement de la présidente s'explique : lors du renvoi de mère Marie Ferréol, pendant la procédure canonique, l'on a refusé de lui donner les faits précis qui lui seraient reprochés, car elle pourrait reconnaître les religieuses qui les dénonce !

Elles ont surtout été toutes rédigées en septembre 2023, et 14 d'entre elles proviennent de sœurs qui n'ont jamais vécu en communauté avec mère Marie Ferréol... tandis que 35 sœurs qui ont vécu en communauté avec mère Marie Ferréol n'ont pas écrit des attestations contre elle, malgré des sollicitations récurrentes de la part des autorités de la congrégation, et des mois de pressions psychologiques diverses...

En revanche, plusieurs attestations proviennent de religieuses à l'origine des dérives spirituelles des années 2010-15 (exorcismes sauvages pratiqués par un aumônier toujours en poste aujourd'hui dans un diocèse français, agapêthérapies, ostéopathe qui jugeait des vocations) et que mère Marie Ferréol avait dénoncée à l'époque... il y a comme une ambiance de règlement de comptes.

A travers la lecture des attestations, l'on a pu constater des sœurs l'ont fait à contrecœur, pour défendre leur institut qu'on leur a présenté comme attaqué – il y a un réel problème avec la notion d'obéissance qui est complètement dévoyée à l'intérieur des Dominicaines du Saint-Esprit depuis plusieurs années.

Tardives étaient aussi les conclusions, transmises à la partie adverse lundi en fin d'après-midi pour une audience le 4 octobre, 50 pages pour un avocat, 25 pour l'autre et 100 pièces avec.

Lesdites attestations mettent en avant des niaiseries, une histoire d'écharpe perdue et retrouvée dans sa chambre, une affaire de peluche, une crèche que mère Marie Ferréol aurait descendu du grenier où elle prenait la poussière et qu'elle mise dans sa classe, des généralités, des rumeurs, des on-dit... une des attestations indique « j'ai entendu une sœur dire à une élève que… » (sic!).


Les visiteurs canoniques demandent un euro symbolique

A l'audience, le cardinal Ouellet n'a pas jugé utile de se déranger – il ne sied peut-être pas à un cardinal qui se comporte comme un Prince de l'Eglise, et qui ne cache pas ses ambitions papabile, de se déranger pour la justice française. La défense des visiteurs canoniques et de la congrégation a demandé un rejet total des demandes de mère Marie Ferréol et pour les visiteurs canoniques, un euro symbolique pour procédure abusive.

Un autre fait qui a marqué le public, c'est la méchanceté gratuite qui suintait de certaines attestations, voire des plaidoiries. L'avocate des Dominicaines a la fin de sa plaidoirie cite le psaume 54, « elle a un visage souriant, mais son cœur est comme un poignard acéré ». Mère Marie Ferréol est sortie en larmes, très éprouvée.

De fait, le public de l'audience et les juges ont pu constater que les persécuteurs de mère Marie Ferréol ont perdu le sens des réalités, dévoyé le droit canonique, ignoré le droit civil comme le cardinal Ouellet a tout simplement ignoré la justice française – et canadienne...

Il y a pourtant pléthore de discours de l'actuel pape François et des papes précédents sur le respect des droits de la défense et la nécessité que le droit canonique protège les petits et les faibles. Mais s'inscrivant non dans la loi de Dieu, mais dans celle du plus fort, protégés par une notion dévoyée de l'obéissance, ivres de pouvoir, insoucieux de leur vocation à assurer la paix et la justice, les persécuteurs de mère Marie Ferréol ont tordu les règles du droit canonique à leur profit, oubliant ces paroles du Seigneur : « Chaque fois que vous l'avez fait à l'un de ces plus petits qui sont mes frères, c'est à moi que vous l'avez fait ».

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