Notre lettre 951 publiée le 16 août 2023

JMJ DE LISBONNE
« L’ÉGLISE EST OUVERTE
A TOUS, TOUS, TOUS ! »…
SAUF AUX PRATIQUANTS
DE LA MESSE TRADITIONNELLE,
QUI S'Y SONT CEPENDANT IMPOSES

Du 1er au 6 aout 2023 se sont tenues à Lisbonne les XXXVIIèmes journées Mondiale de la Jeunesse, les maintenant très célèbres « JMJ », qui ont réuni une foule de jeunes venus du monde entier. Nous avons demandé à notre ami Henrique de Portugal qui a vécu pour nous cette rencontre de nous transmette ses impressions.



Paix Liturgique : Cher Henrique vous qui avez participé à ces journées des JMJ qui se sont déroulées à Lisbonne pourriez-vous nous en faire une sorte de synthèse ?

Henrique de Portugal : Difficilement, mais je peux vous faire partager plusieurs de mes réflexions. D’abord elles furent un vrai succès, en ces temps de dépression du monde catholique, par le nombre des pèlerins qui y participèrent. Des pèlerins jeunes, très jeunes, comme à Chartres ou à Covadonga, ou comme dans les manifestations pour la vie. Il existe aujourd’hui, c’est désormais certain, une jeunesse catholique, très minoritaire, mais très vivante.



Paix Liturgique : On a parlé d’un million et 500 000 pèlerins.

Henrique de Portugal : Ce qui en ferait, du moins quantitativement parlant, de grandes JMJ . Souvenez–vous qu’à Paris, en 1997, et avec la présence très charismatique de Jean-Paul II il n’y avait eu qu’un million deux cent mille jeunes. Aussi le Portugal peut être fier de ce succès d’autant que le nombre des délégations présentes a attesté de la dimension planétaire de cet évènement.



Paix Liturgique : Que voulez-vous dire par là ?

Henrique de Portugal : Eh bien, et je crois que ce n’est pas une plaisanterie, que des chrétiens de toutes les nations de la terre y étaient présents à l’exception de ceux des Maldives !


Paix Liturgique : Et pourquoi pas de jeunes des Maldives ?

Henrique de Portugal : Parce que la religion chrétienne y est interdite : si un habitant de ces iles se convertit, il perd immédiatement sa nationalité et doit quitter l’archipel. De sorte que les quelque familles chrétiennes doivent se cacher et ne peuvent rendre un culte public.


Paix Liturgique : Et que s’est-il passé durant cette petite semaine de rencontre ?

Henrique de Portugal : Enormément de belles choses, car si ces rassemblements sont de conception très moderne, en ce sens qu’ils privilégient la chaleur et l’émotion de la rencontre, au lieu d’en faire des sortes de pèlerinages de prière, de pénitence et de ferveur sacramentelle, si par ailleurs les médias vont à fond dans ce sens et ont focalisé leurs caméras et reportages vers les grands rassemblements conçus pour être très festifs, il faut bien imaginer que pendant six jours les jeunes ont circulé, ont fait mutuellement connaissance, se sont parlé et, tout simplement, ont prié.



Paix Liturgique : Certaines dévotions ont été proposées aux pèlerins ?

Henrique de Portugal : Oui, je n’en citerai que quelques-unes mais tout à fait exceptionnelles, comme la vénération du chef de saint Thomas d’Aquin, ou des reliques de Sainte-Thérèse de Lisieux ou encore de l’anneau de sainte Jeanne d’Arc.


Paix Liturgique : C’étaient pour le coup de vraies et traditionnelles dévotions...

Henrique de Portugal : Qui attirèrent beaucoup de ces jeunes, que l’on pouvait à ce moment-là qualifier de pèlerins. Ils renouaient intuitivement avec les grands courants théologiques et spirituels de l’Eglise révélant comme d’un hiatus entre l’esprit des organisateurs et les attentes des pèlerins.



Paix Liturgique : Que s’est-il encore passé ?

Henrique de Portugal : Il y a eu des concerts ou des conférences innombrables qui connurent un grand succès.


Paix Liturgique : La liturgie traditionnelle était-elle invitée à participer aux JMJ ?

Henrique de Portugal : Non ! Au milieu de tant de propositions, il y en a eu une que les organisateurs des Journées ont refusé d'accorder aux pèlerins : la messe traditionnelle. Elle en fut donc, du moins officiellement, la grande absente, même si elle y joua un rôle important.


Paix Liturgique : Comment cela fut-il possible ?

Henrique de Portugal : Simplement par la présence très active, omniprésente même, de groupes qui témoignèrent de la vitalité de la liturgie traditionnelle.


Paix Liturgique : Pouvez-vous nous donner quelques exemples ?

Henrique de Portugal : Le premier exemple que je désire mettre en avant est celui de la Fœderatio Internationalis Juventutem. Vous savez que Juventutem a pour but de travailler à la sanctification des jeunes, particulièrement lors des Journées Mondiales de la Jeunesse. Qu’on le veuille ou non, la présence de Juventutem fait partie des JMJ depuis sa première participation à Cologne, en Allemagne, en 2005, avec le pape Benoît XVI. Ensuite le groupe Juventutem a été présent et remarquablement actif lors de toutes les JMJ qui ont suivi : à Sydney (Australie) en 2008, puis à Madrid en 2011, à Rio de Janeiro (Brésil) en 2013, à Cracovie (Pologne) en 2016 et à Panama City (Panama) en 2019.


Paix Liturgique : Mais lors de ces rencontres les organisateurs avaient donné une place « officielle » aux fidèles attachés à la liturgie traditionnelle ?

Henrique de Portugal : En effet, lors des JMJ précédentes, les organisateurs avaient donné une église pour que Juventutem puisse organiser la messe traditionnelle et accueillir les pèlerins attachés à l’usus antiquior. Cette fois-ci, Traditionis custodes oblige, cela n'a pas été le cas. L'organisation des JMJ de Lisbonne a refusé la demande de Juventutem. C'est d'autant plus malsonnant que l'évêque organisateur, Mgr. Aguiar, a déclaré que les JMJ étaient organisées pour tout le monde. Et que pendant la veillée de Fatima le pape a longuement répété et fait répéter à la foule des jeunes que l’Église était faite pour tout le monde. Rappelez-vous « POR TODOS ! TODOS ! TODOS ! Un slogan que les médias ont relayés à l’infini… Mais Apparemment, c'est tout le monde, sauf ceux qui aiment la messe traditionnelle.


Paix Liturgique : Mais alors qu’est- ce que Juventutem a pu faire ?

Henrique de Portugal : Juventutem a eu la bonne attitude de militance catholique : faire tout de même de la présence. Face à ce refus, Juventutem a réussi à s'assurer de l’usage, dans un palais de l'est de la ville, d’une chapelle qui n'avait pas été utilisée depuis longtemps. L'emplacement n'était pas idéal car il était relativement éloigné du centre. En outre, il n'était pas accessible par les transports publics et les pèlerins n'ont généralement pas de voiture. Néanmoins, ce lieu d’apostolat a toujours été très fréquenté. Les journées commençaient par une catéchèse donnée par l'un des prêtres. C’est d’ailleurs ce qui devrait être fait au niveau général dans ces JMJ, où les jeunes, de très bonne volonté, sont terriblement démunis de connaissance religieuse de base. Ensuite, il y avait la messe chantée. Le déjeuner avait lieu près du palais. L'après-midi, il y avait l'exposition du Saint Sacrement et beaucoup de confessions.



Paix Liturgique : Y-avait-il d’autres groupes que Juventutem à célébrer la messe traditionnelle ?

Henrique de Portugal : Indépendamment des JMJ, il y a à Lisbonne une église où l'évêque autorise la célébration de la messe traditionnelle : c'est l'église de Conceição Velha, dans le centre-ville, au bord du fleuve. Tous les groupes ou prêtres qui voulaient célébrer l'ancien rite y ont été renvoyés, rejetés à la périphérie du rassemblement en somme, pour ne pas dire rejetés dans le ghetto, car il n’y avait pas d’autre possibilité officielle. Les plus nombreux de ces groupes étaient les Missionnaires de la Miséricorde du diocèse de Fréjus-Toulon. Chaque jour ils donnaient eux aussi des conférences doctrinales et ont eux aussi assuré des messes devant des marées de pèlerins.



Paix Liturgique : Avec un temps fort particulier, je crois.

Henrique de Portugal : Oui, le vendredi, lorsque la messe pontificale a été célébrée par Mgr. Aillet, évêque de Bayonne. L’Église était comble et nombreux sont ceux qui n’ont pu y entrer. Pour autant que nous le sachions, ce fut la seule messe pontificale de ces JMJ.



Paix Liturgique : Si j’ai bien compris des célébrations de messes traditionnelles ont eu lieu presque en continue.

Henrique de Portugal : Tout à fait. Il y a eu la messe habituelle dans cette église, célébrée par un prêtre portugais de l'Institut du Bon Pasteur. Il y a eu aussi beaucoup d’autres messes célébrées par des chanoines de l'Institut du Christ-Roi Souverain Prêtre, qui était présents avec un groupe de Madrid. Il y a eu de nombreuses autres messes, célébrées par divers groupes et prêtres. Presque toutes remplissaient entièrement l'église. Il y a eu au moins 6 à 7 messes par jour, ce qui est beaucoup pour une église ou ordinairement il n’y a qu’une célébration quotidienne. Par ailleurs le chant de l’office en grégorien, organisé par les Missionnaires de la Miséricorde, a fait découvrir un pan inconnu de la liturgie à ceux qui ont eu la grâce de les rencontrer.


Paix Liturgique : Mais y a-t-il eu d’autres célébrations dans Lisbonne ?

Henrique de Portugal : D’autres messes ont également été célébrées dans diverses églises de la ville où les curés ont laissé faire les prêtres qui le leur demandaient. Ces messes privées se déroulaient dans des églises qui n'avaient pas connu la messe traditionnelle depuis longtemps. En ce sens, les JMJ ont été une bouffée d'air frais pour l'Église de Lisbonne.


Paix Liturgique : Mais aussi à Fatima…

Henrique de Portugal : Oui, à Fatima près du sanctuaire, se trouve un apostolat de la Fraternité sacerdotale Saint-Pierre. Fatima a été visitée par des milliers de pèlerins, qui ont profité de l'occasion, peut-être unique, de prier à l'endroit où la Vierge est apparue et d’y découvrir la grandeur de la liturgie traditionnelle.


Paix Liturgique : Toutes ces initiatives ont elles étaient couronnées de succès ?

Henrique de Portugal : Le succès a été immense : Des pèlerins de dizaines de pays sont venus assister à la messe traditionnelle pendant les JMJ. Y compris des pays « improbables » comme ces pèlerins venus de Syrie et d’'Irak, mais aussi d’autres venu du Cameroun ou du Viêt-Nam. Bien sûr beaucoup de ces pèlerins étaient des Français, des Espagnols et des Portugais. Il y avait aussi beaucoup de Brésiliens, d'Italiens, de Suisses, d'Allemands, de Hollandais, etc. Chaque fois un noyau significatif avait l’habitude cette liturgie, mais le plus grand nombre des fidèles présents ne la connaissaient pas et y assistaient pour la première fois.


Paix Liturgique : Cela a-t-il posé des problèmes ?

Henrique de Portugal : Des problèmes ? Aucun ! En revanche cela a été l’occasion de conversations et de questions à l’infini, d’autant que beaucoup sans le savoir et sans connaitre la liturgie traditionnelle s’y retrouvaient chez eux comme en famille : se mettre à genoux devant le Christ Rédempteur, recevoir la sainte communion sur les lèvres avec humilité, pratiquer le silence. Tout cela est si différent des grandes manifestations-cérémonies trop bruyantes ; tout cela été pour eux à la fois une nouveauté, une découverte mais aussi un retour aux fondamentaux catholiques : une sorte de « Retour à la maison comme », me l’a dit un prêtre africain.


Paix Liturgique : Pour des prêtres également…

Henrique de Portugal : Vous savez, beaucoup de prêtres et de séminaristes sont comme les fidèles très isolés et attirés par une belle et sainte liturgie. Aussi ces célébrations n’ont pas attiré que des curieux avides de nouveautés, mais des chercheurs d’absolu qui tenaient à retrouver leurs frères venus de toute la planète.



Paix Liturgique : Comment cela a-t-il été possible ?

Henrique de Portugal : Les horaires de la messe traditionnelle n'avaient aucun moyen d'être diffusés officiellement. Ceux de l'apostolat de Juventutem étaient réduits à son site web, qui n'est pas connu des pèlerins du monde entier. Les horaires de l'église de Conceição Velha étaient sur le site de la paroisse à laquelle elle appartient, mais également loin des pèlerins internationaux. Pour tenter de combler ce manque d'information, un groupe WhatsApp ouvert a été créé, auquel tout le monde pouvait se joindre à condition d'avoir le lien. Tous les horaires de messes portés à notre connaissance, qu'ils soient publics ou privés, y ont été diffusés. Grâce à cela, de nombreuses personnes ont appris l'existence de la messe traditionnelle pendant les JMJ de Lisbonne et ont transmis le message à d'autres. C’est ainsi que s’est mise en place la version contemporaine du bouche à oreille.


Paix Liturgique : Mais cela a-t-il suffit ?

Henrique de Portugal : Disons aussi que cela avait été préparé notamment par le blog portugais Senza pagare qui avait, dès avant les JMJ, fourni de nombreuses informations, lesquelles avaient fait de nombreuses fois le tour de la terre alors que les journées n’avaient pas encore commencé.


Paix Liturgique : Donc, un succès via Internet ?

Henrique de Portugal : L’engouement était bien plus profond. L’immense partie des jeunes qui sont venus aux JMJ se veulent d’authentiques fidèles catholiques. Dès lors, malgré tous les défauts de ce genre de manifestation, sans oublier les dangers de la promiscuité, l’atmosphère y était très catholique et l’esprit traditionnel était omniprésent. C’est ainsi que les manifestations traditionnelles étaient immédiatement connues et appréciées et que l’information se rependait très largement.



Paix Liturgique : Donc, pour vous, il y avait un terreau dans le peuple des JMJ pour les formes traditionnelles ?

Henrique de Portugal : Je crois qu’une étude publiée en France par La Croix a révélé que plus d’un tiers des jeunes français qui allaient aux JMJ étaient d’esprit traditionnel. Ce que j’ai constaté pour ma part, c’est que cet esprit d’amour de l’Église et de sa tradition se trouvait chez un très grand nombre de jeunes venus du monde entier.


Paix Liturgique : Pouvez-vous nous en donner quelques exemples ?



Henrique de Portugal : Le premier serait celui des confessions… alors que cette pratique n’est plus mise en avant, ce fut impressionnant pendant toutes les JMJ de voir des files d’attente de jeunes devant les centaines de confessionnaux qui avaient été installés dans les églises et jusqu’à dans les rues de Lisbonne. Mais il s’est aussi produit de vrais scandales.



Paix Liturgique : De quoi parlez-vous ?

Henrique de Portugal : Au Campo da Graça, lors de la veillée habituellement marquée par l'adoration, les hosties ont été conservées dans de nombreuses tentes, dans de simples boîtes en plastique, comme celles utilisées pour le transport de nourriture ou de médicaments. De nombreux jeunes ont été réduits à être en adoration devant ces boîtes, ce qui en a choqué beaucoup. Il y eut encore le fait que ce soient presque uniquement des laïcs qui aient distribué la communion alors que se trouvaient présents, lors des rassemblements, des milliers de prêtres et des centaines d’évêques. Comme si l’on voulait promouvoir une liturgie d’où le prêtres seraient absents.



Paix Liturgique : Pour conclure ?

Henrique de Portugal : Les JMJ de Lisbonne ont confirmé que chez les jeunes la foi est toujours vivante et ne demande qu’à s’exprimer, non de manière Ikea, comme le proposent les organisateurs de ces Journées, mais de manière authentique et traditionnelle. Débarrassés de tous préjugés, les jeunes catholiques d’aujourd’hui sont prêts à être plus traditionnels que leurs parents et grands-parents. Comme si le Concile et la réforme liturgique n’avaient jamais existé.

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