Notre lettre 930 publiée le 11 avril 2023

LE CARDINAL ROCHE
PERSISTE ET SIGNE
DEPUIS VATICAN II
" LA MESSE A CHANGE DE SIGNIFICATION"



On serait tenté de ne pas donner aux propos du cardinal Roche, dont la théologie est assez approximative et la connaissance du sujet dont il parle hasardeuse, une grande importance. Mais le cardinal Roche est Préfet du Dicastère pour la Culte divin. On dit même qu’il est papable !

Il a donc un thème de prédilection, qui n’a rien de très neuf : la nouvelle messe est beaucoup plus participative que l’ancienne, ce qui change tout.

Dans une conférence de 2020, que nous avons publié dans notre Lettre 926 publiée le 13 mars 2023, il disait : « L’Ordo Missæ réformé par saint Paul VI reflète une vision de l’Église en prière si bien décrite dans Sacrosanctum Concilium n. 48 : " Aussi l’Église se soucie-t-elle d’obtenir que les fidèles n’assistent pas à ce mystère de la foi comme des spectateurs étrangers et muets, mais que, le comprenant bien dans ses rites et ses prières, ils participent de façon consciente, pieuse et active à l’action sacrée, soient formés par la Parole de Dieu, se restaurent à la table du Corps du Seigneur, rendent grâces à Dieu ; qu’offrant la victime sans tache, non seulement par les mains du prêtre, mais aussi en union avec lui, ils apprennent à s’offrir eux-mêmes et, de jour en jour, soient consommés, par la médiation du Christ, dans l’unité avec Dieu et entre eux pour que, finalement, Dieu soit tout en tous". 

Et voici que dans une récente émission de la BBC sur la messe traditionnelle, il est interrogé et se lâche plus fortement : « Vous savez, la théologie de l’Église a changé. Alors qu’auparavant le prêtre représentait, à distance, toutes les personnes – celles-ci étaient pour ainsi dire canalisées par cette personne qui était la seule à célébrer la messe – ce n’est pas seulement le prêtre qui célèbre la liturgie, mais aussi ceux qui sont baptisés avec lui. Il s’agit là d’une affirmation très forte. »

C’était au cours de « Sunday », l’émission religieuse de la chaîne de radio britannique nationale, BBC 4, du dimanche 12 mars, qui comprenait un sujet de 7 minutes sur la « messe en latin ». La journaliste Orla O’Brien interrogeait plusieurs amoureux de la messe traditionnelle – celle qui « remonte à 1962 », ça ne s’invente pas – pour prendre la température alors que Rome impose des restrictions qui ont déjà conduit au Royaume-Uni a plusieurs suppressions dans les diocèses. Parmi les témoignages tout à fait intéressants des personnes attachées à la messe traditionnelle est celui du P. Michael Hall, délégué épiscopal pour la « messe en latin » dans le diocèse de Leeds (l’ancien diocèse du cardinal Arthur Roche).

Le point d’orgue de ces interventions est donc constitué par les paroles du cardinal Arthur Roche que nous venons de citer. Notons au passage que le choix du mot « channelled » (« canalisés ») semble renvoyer discrètement au champ lexical de l’activité médiumnique. Est-ce un hasard ? En tout cas, le cardinal avoue benoîtement que les restrictions visant la messe traditionnelle répondent à un changement de la théologie de la messe : pour lui, il s’agit bel et bien d’imposer un changement de lex credendi.

Avant de faire entendre ces propos du cardinal sur la théologie de l’Eglise, tels qu’elle les avait enregistrés, la journaliste Orla O’Brien soulignait en style indirect que « le cardinal Arthur Roche, qui est chargé de surveiller les restrictions, affirme que ce n’est pas le latin qui pose problème, mais l’ancienne théologie qu’incarne l’ancienne messe, avec une moindre participation de l’assemblée et un prêtre qui leur tourne le dos pendant la plus grande partie de l’office. » 

On notera la contradiction interne, que la journaliste ne semble pas avoir noté : d’une part elle souligne que le pape François exige désormais des évêques « qu’ils obtiennent l’autorisation du Vatican avant de pouvoir laisser célébrer la messe en latin », de l’autre elle cite Austen Ivereigh, biographe du pape, qui explique que les restrictions ont été imposées « non pas pour supprimer ce mouvement, mais pour le réglementer en le replaçant entre les mains des évêques. »


Transcription-traduction intégrale de la séquence de la BBC sur la messe traditionnelle


Orla O’Brien – La messe en latin fait figure de champ de bataille inattendu au sein de la guerre culturelle qui se joue autour de l’avenir de l’Église catholique romaine. Alors que le défunt pape Benoît XVI avait ménagé un espace pour les catholiques traditionalistes qui apprécient le rituel de la messe pré-Vatican II, le pape François a modifié les règles, exigeant des évêques qu’ils obtiennent l’autorisation du Vatican avant de pouvoir laisser célébrer la messe en latin.

[Illustration sonore : une préface chantée en latin]

Vous entendez ici la sonorité d’un office religieux profondément controversé. La messe tridentine remonte à 1962, avant que le concile Vatican II n’ouvre l’Église catholique au monde moderne. Ses détracteurs affirment que ses adeptes veulent revenir à un monde plus traditionnel et plus conservateur. Ses partisans insistent sur le fait que l’ancien rite dégage un sentiment de majesté qui est absent de la messe moderne.

Tout d’abord, je le trouve si silencieux, et ce silence est toujours tangible, il fait en quelque sorte partie de ce voile de mystère, mais en vérité il m’a parlé. Pour moi il est pour ainsi dire le langage de cette révérence.


Maria Jones, YouTubeuse catholique, assiste chaque semaine à un office tridentin. Elle explique que cela a changé sa vie en l’aidant à entrer en contact avec une communauté de personnes animées du même état d’esprit que le sien.


Maria Jones – Je suppose que j’ai en quelque sorte trouvé notre tribu, telles ces familles nombreuses catholiques qui veulent simplement en savoir plus sur la foi.


Orla O’Brien –  Comme beaucoup d’autres, Maria a été choquée par les dernières mesures prises par le Vatican.


Maria Jones - J’ai vraiment été très étonnée. Je pensais que ce qui arrivait était tellement extraordinaire. Nous entendions de plus en plus parler de ces îlots qui grandissent, rassemblant des personnes qui aiment la messe, et qui, sans faire de bruit, aiment assister à une messe en latin.


Orla O’Brien – Désormais, les églises paroissiales ne peuvent recourir au rite tridentin dans la mesure seulement où leur évêque aura obtenu l’autorisation du Vatican. Les églises non paroissiales bénéficient d’une dérogation, si bien que certains offices ont pu être maintenus. Mais le P. Michael Hall, délégué épiscopal pour la messe en latin à Leeds, est toujours en colère contre cette mesure.


P. Michael Hall – Pour parler crûment, j’aimerais que le pape François et le cardinal Roche se repentent des mesures qu’ils ont prises et abandonnent les restrictions qu’ils ont introduites. Cela ressemble à une période de persécution de la part de Rome. Je suis également déçu, je pense, et c’est un euphémisme ; le pape François devrait être ma référence et mon père spirituel sur Terre, et pourtant j’ai l’impression que le pape François me hait, et qu’il déteste les gens comme moi. Le pape François a traité les gens de mon espèce de rétrogrades et a usé de toutes sortes de termes techniques étranges qui montrent qu’il n’a que très peu d’estime pour nous, et cela me fait de la peine. Ce n’est pas que je le déteste ; je pense plutôt qu’il me déteste.


Orla O’Brien – Mais certains estiment que le pape François a de bonnes raisons de vouloir restreindre le rite tridentin, parce que ses partisans seraient devenus une cinquième colonne conservatrice au sein de l’Église catholique.


Austen Ivereigh –  François a été très clair dans la lettre qu’il a adressée à tous les évêques lorsqu’il a introduit ces changements, expliquant que tout cela s’est transformé en un mouvement qui sape le Concile Vatican II, et qu’il a donc décidé de mettre une limite, de poser des bornes, non pas pour supprimer ce mouvement, mais pour le réglementer en le replaçant entre les mains des évêques.


Orla O’Brien –  Austen Ivereigh, biographe du pape, est professeur d’histoire de l’Église contemporaine à Campion Hall, à Oxford.

Austen Ivereigh – Je pense que la réaction des traditionalistes a donné raison au pape François. Franchement, ils parlent de lui avec un manque de respect et un mépris énormes.


Orla O’Brien – Dans le diocèse de Bedford, à Northampton, une église paroissiale continue de célébrer le rite tridentin ; de nombreuses femmes y portent des mantilles traditionnelles en dentelle. Alors que les paroissiens quittaient les lieux, je leur ai demandé ce qu’ils pensaient de l’intervention du pape François.


Une paroissienne – Il essaie d’arrêter la messe en latin. Il a tort. Il est trop libéral. J’ai assisté à une de ces messes et j’ai été séduite. L’atmosphère, la présence réelle de Jésus, le Fils de Dieu ! La présence de Dieu est si saisissante, Il est absolument là.


Un paroissien – Il y a toujours les mêmes messes partout ailleurs, mais je ne sais pas, je préfère simplement le recueillement de celle-ci. Au début, j’ai trouvé un peu ridicule que l’on soit limité dans le type de messe que l’on peut célébrer, et je ne pense pas que l’on doive imposer des restrictions sur la façon dont la messe doit être célébrée ou dite.


Orla O’Brien – Mais le cardinal Arthur Roche, qui est chargé de surveiller les restrictions, affirme que ce n’est pas le latin qui pose problème, mais l’ancienne théologie qu’incarne l’ancienne messe, avec la moindre participation de l’assemblée et le prêtre qui leur tourne le dos pendant la plus grande partie de l’office.


Cardinal Arthur Roche – Vous savez, la théologie de l’Église a changé. Alors qu’auparavant le prêtre représentait, à distance, toutes les personnes – celles-ci étaient pour ainsi dire canalisées par cette personne qui était la seule à célébrer la messe – ce n’est pas seulement le prêtre qui célèbre la liturgie, mais aussi ceux qui sont baptisés avec lui. Il s’agit là d’une affirmation très forte.


Orla O’Brien – Il reste à voir à quel point la répression de la messe traditionnelle en latin sera stricte. Dans deux paroisses de Liverpool où l’archevêque autorisait l’ancienne messe, il semble désormais probable qu’elle doive être supprimée, tandis qu’à Leeds, elle sera maintenue dans une église non paroissiale. Maria Jones, YouTubeuse catholique, attend de savoir ce qui se passera dans sa paroisse.


Maria Jones – Si on en arrive au point où… Vous savez, nous voulons être obéissants à notre navire mère, notre Église, notre Église catholique et le Saint-Siège, et nous sommes par conséquent dans une situation assez délicate, mais je prierai, je garderai l’espérance, et je continuerai à faire ce qu’il faut, étape par étape.

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