Notre lettre 857 publiée le 8 avril 2022

MAIS QUI EST BERGOGLIO ?
UN ENTRETIEN AVEC JOSE ARTURO QUARRACINO


José Arturo Quarracino, né en 1953 à Buenos Aires, est apparenté au cardinal de Buenos Aires Antonio Quarracino (+1998). C’est ce dernier qui, en 1992, a fait nommer évêque auxiliaire le père Jorge Mario Bergoglio. José Arturo, diplômé en philosophie de l’université de Buenos Aires, Faculté de philosophie et de lettres, enseignant et traducteur indépendant, est marié ; il a eu trois enfants, parmi lesquels deux sont décédés (l’un à l’âge de 28 ans, le second avant sa naissance). Il est activement engagé dans la vie politique argentine ainsi que dans le mouvement pro-vie, aussi bien à l’échelle de la nation qu’à celle du continent latino-américain. Passionné d’histoire, de religion, de théologie et de politique, il participe actuellement, par le biais d’articles et d’activités politiques, à la résistance pacifique contre ce que Mgr Carlo Maria Viganò a qualifié de coup d’État sanitaire mondial.

Nous remercions vivement gloria.tv, qui est à l'origine de cet entretien, de nous avoir accordé l'autorisation de le reproduire dans une traduction effectuée par nos soins. Nous publierons en deux livraisons l'intégralité de ce document en conservant les développements complètement argentins qui échapperons sans doute aux lecteurs francophone mais qui leur permettront de saisir les révélations que fournit ce témoignage dans son contexte précis.



Gloria.tv - Quel est votre lien de parenté avec le cardinal Antonio Quarracino de Buenos Aires, le prélat qui a fait du père Jorge Mario Bergoglio son évêque auxiliaire ?

José Arturo Quarracino - Je suis l’aîné de ses cinq neveux. Mon père était le plus jeune frère du cardinal, il avait cinq ans de moins. Outre que je suis l’un de ses neveux, il était mon parrain de baptême – je suis né en 1953.


Gloria.tv - Cela a-t-il fait naître un lien spécial entre vous ?

José Arturo Quarracino - Oui, nous nous appréciions beaucoup l’un l’autre, comme il est de coutume dans les familles aux racines italiennes comme la nôtre. Hormis une période où il fut le secrétaire général du CELAM (Conférence épiscopale latino-américaine), ce qui l’obligeait à vivre quasiment à plein temps à Bogota (Colombie), où se trouvait – et se trouve toujours – le siège de l’organisation, les contacts et les rencontres étaient fréquents avec l’ensemble de notre famille paternelle et maternelle, dès qu’il était en Argentine. Et nous l’aimions beaucoup. Il a toujours été un oncle très bon pour tous ses neveux et nièces. Il nous rendait visite dès qu’il en avait la possibilité.



Gloria.tv - Quel genre d’archevêque était-il ?

José Arturo Quarracino - Sur le plan personnel, il avait bon cœur, se montrant toujours attentif aux besoins des autres, car il ressentait la douleur ou les besoins des autres comme si c’était les siens propres. Il était également très jovial, joyeux et affectueux. En 1962, à l’âge de 39 ans, il est devenu évêque de 9 de Julio, une ville de l’intérieur de la province de Buenos Aires. À cette époque, il était le plus jeune évêque d’Argentine. Par la suite, il a été nommé évêque d’Avellaneda, puis archevêque de La Plata (la capitale de la province de Buenos Aires) et enfin archevêque et cardinal de la ville de Buenos Aires. Dans toutes ces fonctions, il a toujours été véritablement le pasteur du troupeau, le père et le conseiller des prêtres dont il avait la charge. Il traitait tout le monde sur un pied d’égalité, ne faisant jamais étalage de sa fonction et de ses titres, et il savait aussi être simple et affable avec les fidèles, et pas seulement avec les prêtres. Mais quand il devait exercer son autorité, il savait le faire, avec fermeté et miséricorde.


Gloria.tv - Qu’a-t-il laissé en héritage ?

José Arturo Quarracino - Les funérailles organisées à sa mort sont la meilleure illustration du genre de prêtre qu’il était : trois jours de veille dans la cathédrale, avec des messes célébrées sans interruption du petit matin jusqu’à 19 heures, une par heure, pendant qu’un interminable cortège de gens de tous horizons passait devant son cercueil pour lui rendre hommage. En définitive, tout au long de sa vie sacerdotale, il a été, si vous me pardonnez cette redondance, un prêtre authentique (alter Christus), qui a servi Notre Seigneur Jésus-Christ et son Église avec un détachement et une abnégation absolus, sans jamais en tirer un quelconque avantage. Il était aussi très dévot de Notre-Dame de Luján, patronne de notre chère République d’Argentine. En tant qu’évêque, dans les quatre diocèses dont il a eu la charge, il fut un bon père et conseiller pour de nombreux prêtres qui étaient sous sa reponsabilité.


Gloria.tv - Bergoglio n’était-il pas loin de Buenos Aires lorsque Quarracino l’a fait nommer évêque auxiliaire ?

José Arturo Quarracino - C’est exact. A cette époque, en 1992, Bergoglio avait été « exilé » par la Compagnie de Jésus dans la province de Cordoue ; elle l’avait assigné là pour le tenir éloigné de Buenos Aires, où il avait été Provincial de la Compagnie pendant plusieurs années. Lorsque cette charge prit fin, la division interne entre les pro et les anti-Bergoglio était grande, et elle continua de se manifester pendant la période qui s’ensuivit.


Gloria.tv - Pourquoi votre oncle avait-il choisi Bergoglio ?

José Arturo Quarracino - Il l’avait rencontré en 1973 ou 1974, alors que Bergoglio était Provincial, mais la personne qui a parlé à mon oncle pour que celui-ci le « sauve de son exil » était l’un de ses maîtres au sein de la Compagnie, le Père Ismael Quiles S.J., un saint prêtre. Bergoglio était alors dans une bien mauvaise passe, tant sur le plan psychique que psychologique. C’est pour cette raison que mon oncle a demandé au Saint-Siège d’en faire son évêque auxiliaire – bien qu’il en eût déjà d’autres. Dans le livre d’Austen Ivereigh, The Great Reformer, on trouve un récit détaillé de la bataille que mon oncle a dû livrer pour que le Saint-Siège fasse de Bergoglio un évêque.


Gloria.tv - Vous affirmez donc que Bergoglio a été nommé évêque « par compassion » ?

José Arturo Quarracino - D’un côté, mon oncle connaissait assez bien le père Ismael Quiles qui lui avait fait cette demande pour Bergoglio, et il l’appréciait beaucoup : comme je l’ai déjà dit, c’était un excellent prêtre et un jésuite exemplaire. De l’autre, par-delà le conflit interne avec la Compagnie de Jésus, Bergoglio donnait l’image d’un homme pieux, très ignatien, à la vie très austère, suscitant beaucoup de sympathie auprès de ceux qui, comme on dit en espagnol, « le caían bien » – trouvaient grâce auprès de lui. Cette nomination permettait aussi de résoudre le grand problème de Bergoglio, à savoir l’énorme conflit interne l’opposant à une grande partie des jésuites qui avaient été ses amis, et vis-à-vis desquels il avait pris beaucoup de distance.



Gloria.tv - Qui était le père Ismael Quiles ?

José Arturo Quarracino - Il fut l’un des prêtres les plus prestigieux que la Compagnie ait eu en Argentine pendant près de 40 ans. Il fut de ceux qui ont contribué au prestige de la Compagnie de Jésus ; c’était un grand intellectuel et aussi un jésuite à part entière. Il a traduit en espagnol plus de la moitié de la Somme théologique de l’Aquinate, achevant une traduction entreprise par un autre grand prêtre jésuite, le père Leonardo Castellani. Il fut l’un des maîtres spirituels de Bergoglio lorsque celui-ci rejoignit la Compagnie.


Gloria.tv - Savez-vous pourquoi Bergoglio a suscité pareille division en tant que provincial des Jésuites ?

José Arturo Quarracino - Je ne connais pas les détails, mais vu de loin, je pense que c’est sa psychologie qui est à l’origine du conflit avec ses frères, parce qu’il a toujours eu tendance à vouloir le pouvoir, et le moyen qu’il a trouvé pour réaliser ce désir était de s’appuyer fortement sur les jeunes prêtres et les novices, et beaucoup moins sur les prêtres expérimentés et âgés. Ce que l’on a su plus tard, c’est que lorsqu’il a cessé d’être provincial pour des raisons statutaires, il a continué d’agir de fait comme s’il l’était encore, sapant l’autorité des nouveaux responsables, aussi bien pour ce qui est de la direction de la Compagnie qu’à la faculté de théologie où les jésuites suivaient leur formation, dans la ville de San Miguel, siège historique de la Compagnie de Jésus.


Gloria.tv - Quelle impression Bergoglio a-t-il laissée en tant qu’évêque auxiliaire ?

José Arturo Quarracino - En tant qu’évêque auxiliaire, Bergoglio a su gagner l’affection et l’estime d’une grande partie du jeune clergé de l’archidiocèse, grâce à sa simplicité, sa piété, son accompagnement et sa maîtrise du maniement psychologique, qu’il a exercé comme peu d’autres l’ont fait, souvent pour le bien, et dans certains cas pour le mal. Il était souvent très dur, voire cruel, avec ceux qui n’étaient plus dans ses bonnes grâces. Et il mettait subtilement le clergé expérimenté « de côté » afin de promouvoir ses amis et ses jeunes protégés.


Gloria.tv - En tant qu’évêque auxiliaire, Bergoglio était-il différent de qu’il avait été en tant que provincial ?

José Arturo Quarracino - De manière générale, il faisait davantage profil bas, ayant moins de responsabilités exécutives que lorsqu’il était provincial, mais il avait parfois des attitudes qui attiraient beaucoup l’attention, comme celle de couper une fois pour toutes les ponts avec tel ou tel, bien souvent sans que celui qui était tombé en disgrâce pût savoir ce qu’il avait fait de mal.


Gloria.tv - Le cardinal Quarracino s’entendait-il bien avec son évêque auxiliaire ?

José Arturo Quarracino - Je dirais même que leur relation fut excellente. Mon oncle l’aimait beaucoup et, dans sa fonction, Bergoglio lui fut d’une grande aide, surtout dans le travail pastoral, lorsqu’il a commencé à souffrir de maladies qui restreignaient considérablement ses déplacements (il y a eu deux années où il ne pouvait pas marcher, cloué dans son fauteuil roulant, jusqu’au jour où – miraculeusement – il a retrouvé la mobilité de ses jambes).


Gloria.tv - N’y avait-il pas d’autres évêques auxiliaires ?

José Arturo Quarracino - Si. Au cours des dernières décennies, l’archidiocèse a toujours eu plusieurs évêques auxiliaires, car bien qu’il s’agisse d’un petit territoire, il compte environ trois millions d’habitants, 251 paroisses, 54 congrégations masculines et 121 congrégations féminines, des zones résidentielles et d’autres à l’habitat précaire, etc. A l’époque l’archidiocèse était subdivisé en quatre vicariats, chacun avec son évêque auxiliaire. Il était impossible de ne pas avoir 4 ou 5 évêques auxiliaires pour s’occuper d’un archidiocèse de cette envergure.

Dans ce contexte, Bergoglio a su se démarquer des autres évêques, au point de se faire nommer vicaire général de l’archidiocèse et de devenir, au cours des dernières années de la vie de mon oncle, évêque coadjuteur avec droit de succession (ce qui signifie qu’à la mort de mon oncle, il devenait automatiquement le nouvel archevêque).


Gloria.tv - Au lendemain de Vatican II, dans de nombreux pays, l’Église s’est scindée en deux factions : les catholiques et les conformistes. Cela s’est-il vérifié en Argentine ?

José Arturo Quarracino - La phase postconciliaire en Argentine s’est caractérisée par le fait que, pour l’essentiel, l’Eglise est restée fidèle à la doctrine et au dogme catholiques. Un certain courant s’est rallié à la théologie de la libération, ce qui s’est souvent soldé par des engagements politiques aux côtés des courants marxistes et, dans quelques cas, par la lutte armée. Mais la grande majorité des laïcs catholiques sont restés fidèles aux enseignements de l’Église, surtout dans l’intérieur du pays. L’expression de la dévotion populaire envers la Vierge Marie, dans ses diverses invocations, et envers les saints patrons des différentes provinces argentines, y est aujourd’hui encore forte et vigoureuse.


Gloria.tv - Qu’en est-il aujourd’hui ?

José Arturo Quarracino - Ces dernières années, la présence et l’influence spirituelle et culturelle de la hiérarchie ecclésiastique se sont considérablement affaiblies : suivant l’exemple de Rome, elle a décidé de s’adapter à l’esprit du monde et de notre époque et, à quelques honorables exceptions près, elle a laissé le peuple chrétien à la dérive, comme des brebis sans pasteur. Aujourd’hui, la voix des évêques n’est guère entendue et n’a aucun poids dans la vie argentine, ni même dans celle des fidèles.

En revanche, surtout dans l’archidiocèse de Buenos Aires et dans certains diocèses environnants, certains prêtres se démarquent : ceux qu’on appelle les « curas villeros », les « curés des favelas » qui travaillent dans des quartiers où tout manque, où la pauvreté est extrême. Ils sont très méritants de par leur travail social et pour la cohésion des quartiers, mais en général, leur formation théologique est plutôt relâchée, voire déficiente sur le plan doctrinal.


Gloria.tv - Quelle opinion aviez-vous de Bergoglio en tant qu’évêque auxiliaire ?

José Arturo Quarracino - De 1995 à 2002, j’ai pu observer de près l’action de Bergoglio comme évêque auxiliaire et chancelier de l’Université de Salvador, où je travaillais moi-même. À cette époque, il cultivait un profil très jésuite, très pieux, très pastoral. Mais il entretenait une atmosphère de très vive confrontation à l’égard de la Compagnie de Jésus, si bien que lorsqu’il est devenu évêque, l’Ordre a dû nommer un prêtre colombien, le père Álvaro Restrepo, comme Provincial, car aucun des jésuites argentins ne s’entendait avec Bergoglio. C’était une confrontation « à mort », comme nous disons en Argentine.


Gloria.tv - Était-il « conservateur » ?

José Arturo Quarracino - Sur le plan doctrinal, Bergoglio cultivait un profil orthodoxe, avec de nombreuses touches jésuites. Sur le plan pastoral, il mettait généralement l’accent sur l’attention portée aux problèmes sociaux et la prise en charge des enfants et des familles. Le service des pauvres était sa priorité, avec beaucoup de permissivité et de laxisme en matière liturgique et sacramentelle.


Gloria.tv - Lorsque Bergoglio a remplacé votre oncle comme archevêque de Buenos Aires, avez-vous perçu un changement ? Quel souvenir gardez-vous de cette époque où il était archevêque de Buenos Aires ?

José Arturo Quarracino - Il y a eu un changement complet dans sa façon de procéder. Il a d’abord pris soin de se débarrasser de ceux qui avaient été d’excellents collaborateurs de mon oncle, comme Mgr José Erro, recteur de la cathédrale de Buenos Aires, un saint prêtre, auquel il demanda par téléphone de démissionner de son poste et de prendre sa retraite – et ce sans égards ni remerciement. Mon interprétation est qu’il a agi de la sorte pour faire savoir au clergé de Buenos Aires que la conduite de l’archevêché allait changer de manière radicale, en balayant tout ce qui pouvait marquer une continuité avec la période précédente, en veillant toutefois à ménager la figure posthume de mon oncle.


Gloria.tv - L’aimable évêque auxiliaire est-il ainsi soudainement devenu un archevêque désagréable ? Que disait-on à ce sujet ?

José Arturo Quarracino - Ce qui a le plus choqué et déstabilisé un grand nombre de gens, c’est qu’au cours de la quasi-totalité de son expérience comme archevêque titulaire, il a presque toujours présenté un visage austère, amer, triste, une « face de vinaigre » pour reprendre l’expression qu’il employait parfois à l’égard de certaines religieuses et de chrétiens « traditionalistes » ou « orthodoxes ». Il était très choquant de voir ce visage si « distant » des autres pendant les célébrations liturgiques ou sacramentelles, totalement dépourvu de joie lorsqu’il célébrait l’Eucharistie, comme cela s’est vu aussi lors de ses célébrations en tant que pape. Nul ne parvenait à s’expliquer la raison de cette façon d’agir et de se présenter, très blessante pour certains.

À l’inverse, il est très frappant de constater qu’après son élection comme pape, il a commencé à montrer un visage joyeux et jovial qu’il n’avait pratiquement jamais affiché à Buenos Aires. Au point que certains se sont demandé si ce n’était pas finalement son ambition inassouvie qui le motivait au fond de lui-même : parvenir à être pape.


Gloria.tv - Comment s’est présenté le « nouveau » Bergoglio ?

José Arturo Quarracino - Il a commencé par adopter de manière habituelle une attitude très distante avec tous ceux qu’il ne connaissait pas et qui ne faisaient pas partie de son cercle d’amis. Jusqu’à ce qu’il devienne pape, les fidèles de l’archidiocèse faisaient souvent des commentaires sur l’air furieux qu’il avait toujours au cours de ses activités publiques. Un prêtre en qui il avait confiance, un curé de paroisse, lui a demandé un jour – en plaisantant mais aussi sérieusement – de ne plus faire de visites pastorales s’il devait afficher ce que Bergoglio lui-même appelait « une face de vinaigre ».


Gloria.tv - Se désignait-il lui-même comme une « face de vinaigre » ?

José Arturo Quarracino - Il ne se référait presque jamais à lui-même à ce sujet, et il n’en parlait pas non plus. Il a commencé à utiliser cette expression en public une fois devenu pape.


Gloria.tv - Y avait-il, à cette époque, des preuves que Bergoglio l’orthodoxe était devenu hétérodoxe ?

José Arturo Quarracino - Pas au début, mais au fil du temps, il a commencé à montrer des signes d’un certain « relâchement », moins dans ses propos que dans ses actes, comme s’il s’agissait de dérapages ou de gestes conçus pour frapper.

Le moment où il a vraiment commencé à manifester son comportement hétérodoxe, c’est un an et demi après sa prise de fonction comme archevêque à part entière, à la suite du décès de mon oncle le 28 février 1998. C’était une semaine avant l’ouverture officielle de l’année jubilaire 2000, à la Noël de 1999. C’est ce jour-là, le 18 décembre 1999, que Bergoglio a convoqué l’archidiocèse de Buenos Aires pour célébrer sournoisement la « messe du millénaire » (et non du jubilé), qui n’avait bien sûr rien à voir avec la célébration de l’Église universelle, et prenait de l’avance par rapport à l’initiative du pape.


Gloria.tv - Pourquoi cela ?

José Arturo Quarracino - La seule explication que je puisse trouver aujourd’hui est qu’il l’a fait pour montrer au « monde du pouvoir » qui dirige réellement le monde – la ploutocratie mondialiste – qu’il était suffisamment libre pour agir en toute indépendance vis-à-vis de l’Église universelle, mais dans le respect des formes. Ce n’est pas un hasard s’il fut le candidat du progressisme ecclésiastique pour succéder à Jean-Paul II en 2005, contre Ratzinger.


Gloria.tv - Quelle était la stratégie de Bergoglio en tant qu’archevêque ?

José Arturo Quarracino - Il devint célèbre à Buenos Aires au cours de son mandat parce que personne ne savait ce qu’il pensait vraiment, dès lors qu’il disait à tout interlocuteur qui lui rendait visite ce que celui-ci voulait entendre. A cela s’ajouta le fait qu’il commença à mettre les prêtres plus âgés ou expérimentés au second plan, voire à les ignorer carrément, afin de promouvoir des prêtres jeunes qui lui témoignaient une grande dévotion. Et de manière très frappante, il a imposé une loi interdisant aux séminaristes de l’archidiocèse de porter la soutane, tant à l’intérieur de la maison d’études que dans leur travail pastoral à l’extérieur.


Gloria.tv - Et sur le plan social ?

José Arturo Quarracino - Sur le plan social, il a accordé une importance croissante au travail d’assistance dans les bidonvilles urbains, ce qu’il a appelé plus tard « l’Église en sortie », mais avec la recommandation – voire l’exigence – de ne pas insister sur la formation et la prédication sacramentelle.


Gloria.tv - Et le plan politique ?

José Arturo Quarracino - Sur le plan politique, il a cultivé ses relations avec la quasi-totalité du spectre politique de l’archidiocèse, sans s’engager en faveur de tel ou tel secteur en particulier. En ce sens, la confrontation qu’il a eue avec le président de l’époque, Nestor Kirchner, a laissé une forte impression à beaucoup, probablement parce qu’il s’agissait de personnalités très similaires, notamment en ce qui concerne leur volonté de détenir la totalité ou presque du pouvoir entre leurs mains.


Gloria.tv - Quelle était la stratégie derrière tout cela ?

José Arturo Quarracino - Probablement s’agissait-il d’accumuler le plus de pouvoir possible, afin de n’avoir à dépendre de personne, ni d’une force ou d’un secteur déterminé.


Gloria.tv - Comment gérait il les finances ?

José Arturo Quarracino - En ce qui concerne les finances, je n’ai pas grand-chose à dire, car je n’ai pas eu accès à ce genre d’informations. Je peux cependant vous dire qu’il a commencé à encercler et à cerner les ordres et les congrégations les plus orthodoxes, d’une part en raison de leur fermeté doctrinale (pour lui celle-ci était synonyme de « dureté »), d’autre part parce que ces ordres disposaient souvent d’un patrimoine important.


Gloria.tv - Comment le séminaire de Buenos Aires s’est-il développé sous la responsabilité de Bergoglio ?

José Arturo Quarracino - Pour ce que j’en sais grâce au témoignage de certains séminaristes qui ont été contraints d’aller dans un autre diocèse, le séminaire, qui était à l’époque l’un des plus importants du pays en termes de formation académique, a commencé à baisser le niveau d’exigence en matière de formation doctrinale et théologique, pour accentuer la formation à l’action pastorale, quoi que cela puisse signifier. Résultat : les nouveaux prêtres apparaissaient de plus en plus, à quelques exceptions près, comme des assistants sociaux, mais ayant peu de formation doctrinale, théologique et intellectuelle, voire aucune.

En ce sens, l’une des initiatives prises par Bergoglio en tant qu’archevêque à part entière a été, comme je l’ai mentionné précédemment, d’interdire aux séminaristes de l’archidiocèse de porter la soutane, à l’intérieur comme à l’extérieur du séminaire. Il a pris une décision semblable à Rome, en tant qu’évêque de Rome.


Gloria.tv - Il est dit par certains que le cardinal Bergoglio est coupable d’avoir « couvert des cas d’abus homosexuels ». Est-ce vrai ?

José Arturo Quarracino - Malheureusement, oui. Souvent, c’était parce qu’il s’agissait de personnes proches de lui. On a beaucoup parlé du cas d’un prêtre connu pour ses penchants homosexuels et membre de confiance de son cercle intime, que Bergoglio a « aidé » en l’envoyant à Rome quelques années avant de devenir pape. Entre autres choses, celui-ci l’a aidé à mieux connaître bien des aspects de la vie interne du Saint-Siège, alors que Bergoglio pressentait – ou savait, peut-être – qu’il pouvait arriver là où il est effectivement arrivé. Il ne faut pas oublier que ces types de personnalités ont tendance à être très prédisposées à transmettre et à rapporter des informations de toutes sortes. Des informations que l’archevêque de l’époque aimait avoir à sa portée et connaître.


Gloria.tv - Avez-vous aussi des informations de première main à propos de telles affaires ?

José Arturo Quarracino - Oui, et c’est une information que j’ai pu vérifier personnellement. Cela s’est passé en avril 2001, quelques mois après qu’il eut été créé cardinal. Un employé de l’Universidad del Salvador – dont il était non seulement le grand chancelier mais aussi le grand contrôleur – a apporté au nouveau cardinal la preuve qu’une personne très proche de lui avait distribué des photos pornographiques à des membres de l’université, pour s’amuser. Non seulement cet individu travaillait à l’université, mais c’était aussi un fonctionnaire de l’État. L’affaire se solda par le fait que ce proche de Bergoglio a continué à travailler sans problème pendant plusieurs années encore, tandis que la personne qui avait révélé l’« affaire » a été licenciée de l’université sans motif quelques mois plus tard.


Gloria.tv - En 2004, Bergoglio a sacré le célèbre évêque de San Rafaél, Eduardo Taussig... Avez-vous des informations à ce sujet ?

José Arturo Quarracino - Au cours des années 1990, j’ai connu le père Taussig et eu affaire à lui. Il avait été nommé par mon oncle curé de l’église San Lucas, paroisse universitaire de tout l’archidiocèse. Taussig était issu d’une famille très respectée dans le milieu catholique, et son père était connu comme un homme exemplaire aussi bien dans l’Eglise qu’ailleurs. L’abbé professait la saine doctrine, et c’était un très bon prêtre. Après 2002, je n’ai plus eu de contact avec lui. Naturellement, j’ai été surpris par sa mauvaise gestion du séminaire de son diocèse, l’un des meilleurs du pays, sinon le meilleur. Il est évident qu’à choisir entre Bergoglio et ses ouailles, il a préféré se soumettre au « patron », montrant là une facette de sa personnalité qui ne s’était jamais manifestée auparavant.


Gloria.tv - Peu après l’élection de Bergoglio, Omar Bello rédigeait Le vrai François

José Arturo Quarracino - J’en sais très peu. D’autres livres qui ont été publiés sur Bergoglio après son élection au pontificat étaient très élogieux, ce qui n’est pas en soi une mauvaise chose. Mais ils omettaient de nombreux faits déjà connus à propos de sa personnalité contradictoire : son passage de l’amour à la haine avec des personnes qui, en principe, lui étaient proches, sa tiédeur lorsque des initiatives comme le « mariage égalitaire » ont été lancées dans l’archidiocèse, son mépris de l’orthodoxie doctrinale, surtout dirigé contre les ordres religieux, son ambiguïté au sujet de l’avortement, etc.


Suite de cet entretien dans notre prochaine lettre

[ texte original : https://gloria.tv/post/2xk9HAobWJNw1MQgCwSjqgqyB ]

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