Notre lettre 763 publiée le 19 septembre 2020

LE DIOCÈSE DE CAMBRAI RESTERA-T-IL ENCORE LONGTEMPS SANS MESSE TRADITIONNELLE ?

Paix Liturgique : Pourquoi nous demandez-vous de nous intéresser aujourd’hui au diocèse de Cambrai ?

Gery Lemoine : Pour deux raisons :


- L’une essentielle et permanente est que le diocèse de Cambrai fait partie aujourd’hui des trois derniers diocèses de France (avec le diocèse de Châlons-en-Champagne et celui de Viviers), où il n’est plus accordée de célébration traditionnelle aux fidèles qui le souhaitent ;

- L’autre est malheureusement tout à fait d’actualité car elle concerne l’interdiction pure et simple de la messe par un prêtre de la Fraternité Saint-Pie-X, qui avait été célébrée avec accord tacite d’un curé, et qui aurait pu continuer avec autorisation épiscopale.


Paix Liturgique : Je note que vous insistez sur le « n’est-plus accordée » ?

Gery Lemoine : Tout à fait, car le diocèse de Cambrai est un cas presque unique en France de retour en arrière, puisqu’à un certain moment cette possibilité a été accordée, certes avec parcimonie, mais pour disparaitre peu après.


Paix Liturgique : Sans doute car cette célébration n’attirait pas suffisamment de fidèles… ?

Gery Lemoine : Pour une messe de semaine, à 18h, ce n’était pas mal : près de 20 personnes de Cambrai et des environs. Cela montrait qu’une messe dominicale pouvait attirer du public. Les fidèles venaient non seulement de Cambrai mais de toute la région… Il ne s’agissait pas, loin de là, d’une application large et généreuse des divers motu proprio mais, tout de même, il se trouvait alors à Cambrai un prêtre, l’abbé Lecomte, qui essaya – ils ne sont pas si nombreux à l’avoir osé ! - de faire avancer les choses en proposant pendant presque deux ans une liturgie traditionnelle ainsi que des vêpres le jeudi à 18 h. Ajoutons que l’abbé Lecomte avait aussi mis en place une célébration dominicale mensuelle en latin selon le du Novus ordo qui, de l’avis de tous, attirait de nombreuses personnes – et pas toujours des intellectuels – qui venaient parfois de bien loin.

Mais, au départ de l’abbé Lecomte, son successeur, l’abbé Jean-Marie Launay a mis fin à toutes ces avancées vers la paix et la réconciliation et les petites sœurs des Pauvres qui se trouvent à la périphérie de Cambrai ont refusé d’offrir leur chapelle… estimant sans doute que nous n’étions pas assez pauvres…


Paix Liturgique : En fait, on ne sait pas combien vous êtes. Pas beaucoup, peut-être …

Gery Lemoine : Vous savez, pour les ennemis de la paix le nombre importe peu. Ils sont prêts à investir des forces importantes pour satisfaire les « Gens du voyage » moins nombreux que nous. Il faut savoir que nous sommes plusieurs groupes de demandeurs de liturgie traditionnelle.


Paix Liturgique  Plusieurs groupes ?

Gery Lemoine : Il y a au moins deux noyaux : l’un sur Cambrai et sa proximité et un autre sur Valenciennes et sa région. Je dirais d’ailleurs que ces groupes sont tout à fait identifiés par le clergé du diocèse avec qui ils ont eu et continuent à avoir des relations…


Paix Liturgique : Mais où vont-ils à la messe ?

Gery Lemoine : Il n’est pas besoin d’être grand clerc, c’est le cas de le dire, pour le savoir :  90 % des fidèles du carmel de Quiévrain (FSSPX), certes situé en Belgique, mais à deux pas de la frontière et à 30 minutes de Valenciennes, sont… français et viennent du diocèse de Cambrai. D’autres vont à Lille ou ailleurs… Cela fait sourire de voir notre diocèse, si ouvert aux migrants, ne pas hésiter à en chasser certains de ses fils qui sont contraints à une émigration liturgique !


Paix Liturgique : Mais vous parlez de relations avec le clergé du diocèse…

Gery Lemoine : Par exemple l’association des Amis de Saint-Nicolas, qui organise sa fête patronale chaque année à Valenciennes, obtient l’autorisation de célébrer sa fête annuelle avec une célébration traditionnelle…


Paix Liturgique : Il y a donc des autorisations !

Gery Lemoine : Je dirais plutôt « des combines jésuitiques ». Par exemple, si l’association demande au curé (aujourd’hui l’abbé Jean-Marie-Launay, qui a mis fin à la tentative de Cambrai !), elle n’obtiendra pas l’autorisation. Mais si elle passe par le secrétariat tenu par des laïcs celle-ci lui sera accordée, forcément avec l’accord du curé, qui sera censé n’en rien savoir…


Paix Liturgique : Donc, pas de refus « affirmé ».

Gery Lemoine : Si, tout de même. Il y en a eu, y compris pour des funérailles, ce qui est contraire à toute la jurisprudence actuelle dans les diocèses, par exemple en 2016, à Thun-Saint-Amand, mais j’espère que de telles situations appartiennent aujourd’hui au passé. Certains éléments de ces derniers mois m’incitent en effet à le croire...


Paix Liturgique : Expliquez-vous.




Gery Lemoine : C’est la photo d’un événement public, qui est plutôt à l’honneur de tous ! Pendant le confinement les nombreux Français, qui vont ordinairement à la messe en Belgique, ne pouvaient plus le faire, car la frontière était fermée. Du coup, l’abbé Hubert Martellière, aumônier FSSPX du carmel de Quiévrain, avait-il obtenu l’accord du curé voisin de Quiévrechain, en France, de pouvoir célébrer dans son église paroissiale.

Je dois dire que tout s’est très bien déroulé et que le curé de Quiévrechain a été très fair-play… Sauf qu’aujourd’hui il fait dire qu’il n’a jamais donné cette autorisation. Comme s’il avait honte d’avoir été bon et charitable avec des parias de l’Eglise !

C’est cette célébration qui a été relatée dans La Croix du Nord.

Depuis, les choses ont évolué : le 28 août s’est déroulée une rencontre entre des prêtres de la Fraternité Saint-Pie-X et le chancelier de l’évêché de Cambrai, lors de laquelle l’idée fut acceptée que la Fraternité Saint-Pie-X puisse continuer, au moins mensuellement, ses célébrations dans la chapelle privée de Boistrancourt.


Paix Liturgique : Une messe permise, mais dans une chapelle privée, et seulement une fois par mois ?

Gery Lemoine : On se contente de peu de choses, quand on est pauvre, dit un dicton espagnol. Il s’agissait d’une chapelle privée située sur la commune de Carnières. Mais ce tout petit cadeau était déjà trop beau et, depuis, suite à des pressions ecclésiastiques, les propriétaires, qui sont de bonnes personnes, se sont rétractées, et le 7 septembre, l’abbé Martellière, de la Fraternité Saint-Pie-X, s’est vu enjoint de renoncer à cette célébration, qui pourtant aurait été, même mensuellement, un signe de charité envers les fidèles attachés à la liturgie traditionnelle.


Paix Liturgique : Sans raison ?

Gery Lemoine : Non. Ou, plus exactement, en échange d’une de ces « promesses » qui n’engagent que ceux qui les écoutent et qui y croient ce qui n’a pas empêché l’abbé Martinière de remercier le diocèse et son clergé du bon accueil qui leur a été fait pendant plusieurs mois…


Paix Liturgique : Mais encore ?

Gery Lemoine : Et bien il a été demandé à la Fraternité Saint-Pie-X de ne pas s’installer dans le diocèse, car justement le diocèse avait l’intention d’y instaurer une messe traditionnelle.


Paix Liturgique : Vous paraissez sceptique.

Gery Lemoine : Et je m’appuie sur un indice solide : je sais qu’il y a plus d’un an le père Jean-Marie Moura, que l’on appelle gentiment entre nous « notre curé d’Ars », et qui est prêtre du genre de celui de la série H24 c’est-à-dire toujours disponible… un type rare de prêtre dans le diocèse, a été approché pour savoir s’il accepterait de célébrer la messe traditionnelle pour ceux qui la souhaitent.


Paix Liturgique : Et alors ?

Gery Lemoine : Et alors, il a accepté. Mais depuis rien ne lui a été proposé, et pire, il a été écarté du sanctuaire où il menait une action peut-être trop catholique et chargé du sanctuaire de l’Unité de Thun Saint-Martin… Alors vous comprendrez que les promesses actuelles nous semblent faites pour gruger les gogos, comme on dit. Cette éjection de la présence de la Fraternité Saint-Pie-X alors que nous n’avons rien d’autre dans notre diocèse, est scandaleuse !


Paix Liturgique : Mais selon vous que pense de cette situation Mgr. Dollmann, le coadjuteur de Cambrai, devenu archevêque à la mort de Mgr Garnier ?

Gery Lemoine : Je ne peux pas vous répondre précisément. Ce que je peux affirmer c’est que les choses se sont apaisées après le décès de Mgr Garnier, en août 2018, et que l’accession de notre nouvel archevêque, qui semble avoir une âme pastorale, paraît une très bonne chose pour notre diocèse. J’ai même entendu quelques rumeurs nous affirmant que Mgr. Dollmann souhaiterait instaurer une liturgie extraordinaire à Cambrai chaque dimanche à 9 h.

Mais ce ne sont que des rumeurs, et pour l’instant, non seulement rien ne se fait, mais les quelques avancées ont été balayées. Je reste donc très inquiet et je crains qu’une nouvelle fois nous soyons menés en bateau.

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