Notre lettre 576 publiée le 3 janvier 2017

2007-2017 : 10 ANS POUR RIEN ?

L’année 2017 marquera le dixième anniversaire du motu proprio Summorum Pontificum du 7 juillet 2007. Ce texte de Benoît XVI, entré en application le 14 septembre suivant, rappelait que le missel traditionnel n’avait jamais été abrogé et instaurait, du moins théoriquement, un régime de liberté quant à la célébration de l’antique liturgie.

Théoriquement…

En effet, et sans nier l’importance et la portée de ce texte qui a considérablement fait bouger les lignes et les mentalité – et pour lequel nous ne cessons de rendre grâces –, force est de constater qu’en pratique il n’a pas encore permis de répondre aux attentes des fidèles.

L’objet de la présente lettre n’est pas de faire un bilan comptable du motu proprio mais de tenter de comprendre pourquoi, dix ans après Summorum Pontificum (SP), la situation française semble relativement gelée et ne progresse que très timidement.


I – Un triste constat

« Nous n’avons pas de dossiers en cours ; il n’y a plus de demandes de mise en œuvre du motu proprio posant problème dans les diocèses français », peut-on entendre aujourd’hui dans les bureaux de la commission Ecclesia Dei à Rome. Factuellement, c’est parfaitement exact.

Est-ce à dire pour autant qu’il n’y a pas ou plus de problème liturgique en France ? Que tout va pour le mieux dans une Église soucieuse de répondre aux aspirations liturgiques de tous ses fidèles ? Non, c’est en réalité que les demandeurs ont tout simplement fini par se lasser.

Les mois qui ont suivi l’entrée en vigueur du motu proprio de 2007 ont vu de très nombreux espoirs se manifester et de multiples groupes de fidèles s’adresser filialement à leurs pasteurs pour bénéficier de ce trésor que leur offrait théoriquement ce texte pontifical. Certes, d’excellents résultats ont été obtenus. Quelques paroisses se sont ouvertes honnêtement à la liturgie traditionnelle (et continuent de le faire à l’heure actuelle). D'autres, cependant, l'ont fait en trahissant l’esprit et la lettre du motu proprio. Mais la grande majorité, hélas, est restée sourde aux demandes formulées par les familles. De sorte que, au fil des mois et des années, les nouvelles demandes paroissiales se sont faites de plus en plus rares.

Cette absence d’expression de nouvelles demandes s’explique par la résignation des fidèles qui ont compris que la majorité des évêques et des curés ne souhaitaient pas de la paix liturgique et faisaient tout pour priver d’effet le motu proprio de Benoît XVI.

Mauvaise foi, manipulations grossières, calomnies et mensonges, aucune arme n’aura été négligée par ceux qui auraient dû être des artisans de l’unité liturgique (SP, art. 5.1).

Selon les cas on répondit aux demandeurs : « Vous n’êtes pas de la paroisse » ou « Il existe déjà une célébration diocésaine, l'évêque juge qu'il n'est pas nécessaire d'en créer une nouvelle » ou encore « Nous en parlerons au Conseil paroissial qui étudiera votre demande, nous ferons un point dans six mois ». On utilisa aussi l'argument du nombre. Parfois les fidèles n’étaient pas assez nombreux alors qu'ailleurs, comme à Vaucresson dans le diocèse de Nanterre, ils l'étaient bien trop et étaient accusés de mettre en péril l’équilibre paroissial.

Un curé bienveillant mais en fin de mandat expliquait aux demandeurs qu'il valait mieux « attendre l'arrivée de [son] successeur » tandis que celui qui arrivait demandait aux mêmes demandeurs de lui « laisser le temps de [s]'installer ». Etc, etc.

En un mot, l’essentiel des réactions ecclésiastiques, sous la houlette des autorités épiscopales, fut d’organiser le frein et le refus, de maintenir l’apartheid liturgique et de décourager les plus décidés des demandeurs. Bien entendu, et nos lettres en fournissent la preuve abondante (certains lecteurs nous reprochent d’être trop optimistes !), il existe de belles exceptions diocésaines et paroissiales. Mais, au bout d'une décennie, elles ne constituent toujours que des exceptions à une règle qui demeure celle du déni.

Le peuple fidèle en a conscience. Cela fait bien longtemps qu’il a compris que la volonté d’« aller aux périphéries » ou d’« accueillir la différence » n'étaient que des incantations à usage des médias et certainement pas des lignes de conduite à usage intra-ecclésial.


II – Cependant...

Tout n’est pas négatif dans le négatif. Le motu proprio de 2007 a au moins eu le mérite de permettre au motu proprio de 1988 (Ecclesia Dei) de commencer à être mieux et plus appliqué. En effet, alors que l'artisan de Summorum Pontificum est théoriquement le curé de paroisse, le traitement des demandes a, en pratique et contrairement à l’esprit et à la lettre du motu proprio de 2007, quasiment toujours été décidé au niveau épiscopal… comme y invitait Ecclesia Dei il y a près de 30 ans ! C’est probablement ce que les évêques appellent « vivre avec son temps »...

Reste que si les évêques souhaitaient réellement la paix liturgique, ils auraient depuis longtemps fait en sorte que les fidèles aient concrètement accès, au moins dans les cathédrales et dans les églises les plus centrales, dans un premier temps, à cette forme de célébration. Ils auraient fait de la liturgie traditionnelle un trésor accessible à chaque catholique qui le souhaite et non plus une pièce de musée réservée aux fidèles ayant fait le choix de quitter leurs paroisses pour des lieux de culte dédiés aux allures de réserves indiennes.

En cette année du dixième anniversaire du motu proprio Summorum Pontificum nous souhaitons rappeler que selon les multiples sondages réalisés par des organismes professionnels et indépendants entre 2008 et 2011, au moins un catholique français pratiquant sur trois assisterait au moins une fois par mois à la célébration de la forme extraordinaire du rite romain si celle-ci lui était proposée dans SA paroisse.

Ces chiffres, vérifiés dans le temps, dans l’espace et dans les différents instituts de sondages sollicités, n'ont jamais été pris en compte, ni même débattus par la hiérarchie catholique. L’omerta organisée sur ces études scientifiques et le refus de toute discussion sur ces données chiffrées en disent long sur les préjugés liturgiques qui continuent de régner en France. Et si les études d'opinion font peur aux évêques – qui en raffolent pourtant dès qu'il s'agit de sujets politiques – alors pourquoi ne pas considérer la réalité des messes dominicales ?

Partout où l’expérience Summorum Pontificum a été tentée honnêtement à un rythme dominical hebdomadaire et à un horaire familial par un prêtre bienveillant, cela a été un succès et n’a en rien vidé le lieu de culte voisin. Pas plus que les bancs des chapelles de la Fraternité Saint Pie X.

En ce début 2017, nous formons donc le vœu que la nouvelle génération de prêtres qui se lève, qui n’a pas les œillères idéologiques de ses aînés, applique honnêtement et avec liberté d’esprit le motu proprio de Benoît XVI, sous le regard d’évêques enfin prêts à faire preuve de réalisme, si ce n'est de bienveillance, pastoral. Il est temps d'accepter la réalité telle qu'elle est, à savoir que, dans chacune des paroisses françaises, une partie consistante des fidèles assisterait volontiers à la forme extraordinaire du rite romain si l'occasion lui en était offerte par M. le curé.

Le reste n'est que langue de buis.

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