Notre lettre 1047 publiée le 30 mai 2024

MGR GIRAUD INSTALLE EVEQUE DE VIVIERS
SUR UNE TERRE DONT
LE MONDE TRADITIONNEL
EST TOUJOURS EXCLU



Entre 1870 et 1914, la « ligne bleue des Vosges » désignait l'horizon de l'Alsace-Lorraine perdue, « Y penser toujours, n'en parler jamais ». Depuis les départements voisins et l'autre côté du Rhône, la ligne bleue des collines de l'Ardèche est la dernière grande frontière de la Tradition. Viviers fut la dernière cathédrale de France où la messe traditionnelle était célébrée tous les jours – par l'abbé Houghon de 1969 au début des années 1990. C'est aussi – à part une éphémère tentative le premier samedi du mois sous Mgr Bonfils, au milieu des années 1990, un des derniers territoires et diocèses sans aucune messe traditionnelle. Et depuis le 14 avril, ce diocèse a un nouvel évêque, Mgr Giraud.

L'ancien archevêque de Sens-Auxerre – qui garde à titre personnel son titre d'archevêque – est revenu au pays s'occuper de sa mère. Né en 1957 à Tournon sur Rhône, il a été ordonné pour le diocèse de Viviers en 1985, mais n'y a servi que quatre ans, comme vicaire à Privas de 1988 à 1992 avant de partir pour Lyon. Evêque auxiliaire avec Mgr Brac de la Perrière – depuis devenu évêque de Nevers (2011-23) puis parti sur burn out – en 2003 et vicaire général de Lyon, il a été coadjuteur (2007- février 2008) puis évêque de Soissons (2008-15) avant de partir pour Sens-Auxerre prendre à la fois la tête du diocèse et de la Mission de France qui est à Pontigny – où la FSSP échoue à implanter son séminaire.

Obligé de supporter les facéties et les hérésies d'un des rares jeunes prêtres, le « père Tiktok » Matthieu Jasseron qui nie sur ce réseau social l'existence de l'enfer ou que l'homosexualité soit un péché – à tel point que des fidèles créent un site internet pour recenser ses hérésies et y répondre – jusqu'en décembre 2023, il fait face à la crise des vocations sans vouloir solliciter l'installation de communautés ou de prêtres traditionnels, au point qu'en septembre 2021 il doit lui même se charger d'une paroisse faute de prêtre disponible. Le diocèse compte actuellement deux séminaristes, un de Sens, un d'Auxerre...et ses propres prêtres trouvent qu'il est « plus dur de maintenir dans la pratique des enfants qui sont baptisés que des adultes. On est au cœur de la France qui ne pratique pas ».


Installé hors de sa cathédrale avec un chant d'entrée en forme de prière universelle

Les ardéchois reconnaissants lui ont offert une poule (sic) « pour aller avec le coq de la crosse offerte par le diocèse de Viviers quand il a été ordonné évêque auxiliaire à Lyon ». Mais son installation est une bonne illustration de ce que les derniers progressistes aiment...avec, cas désormais rare en France où les paroisses traditionnelles comme les implantations de la communauté Saint-Martin sont représentées presque dans tous les diocèses, pas une soutane à l'horizon. A peine pourrait-on confondre les habits de la FMND, dont nous reparlerons plus bas.

Ainsi, si certains évêques prêtent leur cathédrale pour présenter une équipe sportive – c'est Ballot, Monseigneur ! Mgr Giraud aura été indigne d'être installé dans sa cathédrale, même si le Pape lui écrit dans une lettre lue à la cérémonie « dans l'exercice de tes travaux apostoliques, tu conserveras personnellement ta dignité d'archevêque avec les droits et les charges » qu'elle implique. En revanche il a été installé par Mgr Roland, 73 ans bien sonnés, l'évêque d'Ars (depuis 2012) qui prétend interdire depuis 2021 le sanctuaire d'Ars... à la messe célébrée par le saint curé d'Ars. Ça pose...et sans son prédécesseur Mgr Balsa retenu par une opération.

Il faut dire que la cathédrale de Viviers est perchée au-dessus de la ville, on y accède par une rampe assez pentue – mais carrossable – et des ruelles qui le sont tout autant, puis des volées d'escalier. Assez vaste au premier abord, elle ne contient que 500 places – fait rare, les chapelles rayonnantes sont isolées du volume principal, et on y entre par la sacristie. Autrement dit, personne n'y va. Une autre chapelle sur le côté sud est isolée par un mur plein. Viviers compte en outre une petite église paroissiale – saint Laurent, serrée entre la tour de l'horloge et la nationale – et une grande chapelle dans l'ex-séminaire, qui contient à peu près autant que la cathédrale, mais d'un plan rectangulaire plus facile d'usage.

Mais pour Mgr Giraud il a été décidé de transformer la cour du séminaire en cathédrale de verdure – en somme, au milieu des vestiges de la civilisation de la messe traditionnelle, quand le diocèse regorgeait de vocations sacerdotales et missionnaires, et d'y faire distribuer la communion par des desservants abrités sous de curieux parapluies blancs – sorte de version moderniste des ombrellinos d'antan. Près de 2000 fidèles – venus pour certains en cars de tous les coins plutôt montagneux de l'Ardèche, département au relief tourmenté qui manque d'un point central où tous puissent se retrouver, religieux, prêtres, assistants y ont pris place, ainsi qu'un petit orchestre et une estrade, avec le matériel de la chapelle du grand séminaire. Et une poule.

Quant au chant d'entrée, c'est aussi une prière universelle qui semble directement échappée des années 1960, par exemple le couplet 8 : « peuple choisi pour être ami de Dieu / rappelle-toi l'effort de ceux qui luttent / pour plus d'amour, de paix, de charité dans l'univers ». Pour le reste, comme à Lourdes lors des messes de la CEF, comme avec le cardinal Roche, la procession est incapable d'ordre, les chaises sont en plastique, les chants sont chantés faux, la sono fait des couacs, et même le synthé... tout cela fait cheap – sauf le temps, qui est magnifique – mais il y aussi de beaux calices et des aubes dorées anciennes.


Une présentation très ecclésialement correcte, de l'écoute mais pas pour tous et de la novlangue

Son prédécesseur à la tête du diocèse – qui avait inventé une « pastorale de la syro-phénicienne » pour une Eglise sans prêtres ni fidèles, et cinq pages de baratin, était le roi de la novlangue. Mais le vicaire général Fabien Plantier, renouvelé dans ses fonctions, et ceux qui ont préparé la cérémonie, ont laissé un modèle du genre pour la présentation du diocèse :

Le livret indique, page 6 : « cinq personnes – un enfant, un néophyte, une personne en situation de handicap, un pasteur protestant et un séminariste – expriment qui est le Christ pour elles. Cinq autres personnes – une personne migrante (qui explique sous le regard impassible de quelques gendarmes qu'elle est du Congo Kinshasa, qu'elle est en France depuis 2019 et qu'elle « attend sa régularisation »), un agriculteur, une personne âgée, un étudiant et un élu – disent ce qu'est l'Ardèche pour elles. Enfin cinq personnes – une laïque en mission ecclésiale, un diacre, un prêtre, une personne malade et un paroissien – partagent ce que représente l'Eglise pour elles ».

A ces torrents d'ecclésialement correct, Mgr Giraud répond par sa « volonté constante de rejoindre nos contemporains en leur expliquant la foi en Jésus Christ » et qu'il a « impulsé un esprit de synodalité », comme ornithorynque, le mot est placé – « ponctuée par les rassemblements diocésains » à Sens-Auxerre – peu importe qu'il soit lui-même obligé de se charger d'une paroisse et que son plus jeune prêtre multiplie les hérésies pour faire des vues sur un réseau social chinois, l'important, c'est que ça soit synodal.

Ah, il est aussi « à l'écoute de ce que le monde contemporain nous dit de la part de Dieu ». Encore une écoute hémiplégique – qui écoute la Foi, le magistère, la Tradition ? La religieuse marque les consciences en mentionnant les « 2500 ponts » que compte la très vallonnée Ardèche, « signe combien le besoin d'être relié est vital aux Ardéchois ». Mgr Giraud qui a bien entendu le message répond que « les ponts, on en fera tant qu'il en faut ». en commençant probablement par ceux que son prédécesseur a brûlé... Puis il remercie les maires, en commençant par celle de Viviers – après tout, à Viviers, la mairie c'est l'ancien évêché, depuis 1986...


Symbolique : un chant d'action de grâce écrit par deux abuseurs renvoyés de l'état clérical

Les auteurs du livret ont pris pour l'essentiel des chants issus de l'Emmanuel ou qui en sont proches ; quand ils en sont sortis, ils n'ont visiblement pas vérifié les auteurs des chants. Ainsi, le chant d'action de grâce (!) « nous rendons grâce continuellement à Dieu pour vous tous » a été écrit, comme le précise fièrement le livret page 13, par G. Croissant et P.E Albert. A savoir deux abuseurs, renvoyés de l'état clérical pour abus sexuels multiples, tous deux issus des Béatitudes... mais peut-être pour l'administrateur diocésain Fabien Plantier (depuis renommé vicaire général, les caillettes, son péché...mignon, ne manqueront pas) et le nouvel évêque Mgr Giraud, la crise des abus révélée par le rapport de la CIASE, c'est du passé, et peu importent les victimes ?

Pour rappel, Gérard Croissant, cofondateur des Béatitudes, diacre permanent, est relevé de son état diaconal en 2007 et poussé à quitter la communauté suite à la révélation de ses techniques de « manipulation mentale » et sa « vie sexuelle débridée ». Pierre-Etienne Albert, compositeur pour la communauté, reconnaît en 2007 (et en février 2008 publiquement à la radio belge) avoir abusé de nombreux enfants – il reconnaît 57 faits d'abus lors de son procès en 2011, dont seuls 38 sont non prescrits. Il est condamné à cinq ans de prison, et trois mois de plus pour un autre abus jugé en 2015. Il n'est plus religieux et a fait de la prison ferme. Décidément, l'épiscopat de Mgr Giraud à Viviers commence sous les meilleurs auspices...


« Juillet 1997 c'était hier »...

Pour son mot de remerciement, Mgr Giraud se rappelle : « le 5 juillet 1997, c'était hier, alors que je quittais Privas pour Lyon, Georges avait conclu ''prend ton courage à deux pieds, et reviens nous voir ». Il lui aura fallu plus de 30 ans, mais il est tout de même « profondément heureux de retrouver le département qui m'a vu naître. J'étais redevable de tout ce passé, redevable pour ma famille enracinée depuis des siècles à Mauves », petit village au sud de Tournon. L'Ardèche, ce sont toujours les racines...

Il garde le sourire lorsque ses fidèles lui offrent une poule – « belle mentalité, offrir des poules à un évêque ! ». Au moins a-t-on échappé à la passe en arrière dans le chœur de la cathédrale avec un ballon de rugby qualifié d'« attribut épiscopal » comme à Toulouse pour l'installation de Mgr de Kérimel le 30 janvier 2022. Au contraire, Mgr Giraud enchaîne par un bon mot pour inviter au pot : « j'aime beaucoup servir, mon père avait un restaurant. Il me reste à vous servir... l'apéritif, saint Joseph ou vin de noix, je ne doute pas de votre art des choix ».


Un diocèse profondément divisé autour du seul projet d'église neuve (FMND)

Comme il l'a assuré à la religieuse, Mgr Giraud devra lancer des ponts. Et notamment là où son prédécesseur a volontairement érigé des murs et des barbelés... jusqu'à ce que, selon certains, il a été éloigné et promu, à Albi. De fait, d'après ses diocésains, « Mgr Balsa était en froid avec la vie consacrée. Combien de fois certains religieux l'ont invité, et il n'est jamais venu ».

Plus étrange, Mgr Balsa s'est opposé à la construction d'une église par la FMND, la Famille missionnaire Notre-Dame, créée en 1946 à Saint-Pierre du Colombier, et qui compte 18 implantations en France avec un fort apostolat auprès des familles. Cet institut de vie consacrée de droit diocésain – depuis 2005 – dépend du diocèse de Viviers.

Mais Mgr Balsa s'est opposé à la construction de leur église de 3000 places, rejoignant la coalition des opposants – extrême-gauche, politiciens de ce camp, laïcards héritiers des protestants (on est dans les Cévennes), la quasi-totalité des médias locaux et des zadistes manipulés par les précédents – ceux-ci ont occupé le chantier, laissant des tags blasphématoires, et interrompent régulièrement depuis les messes en criant des blasphèmes et des insultes contre les fidèles, comme le décrivent assez régulièrement sur leur blog des habitants qui eux sont favorables au projet. Tous critiquent le gigantisme du projet – 18 millions d'euros, deux clochers de 50 mètres de haut dans une vallée encaissée – mais en réalité, c'est à l'église même qu'ils s'opposent, quelle que soit sa taille.

Dans sa lutte contre le projet, Mgr Balsa – qui n'a pas toujours été défavorable – émet un décret pour s'opposer au projet d'église ; la FMND, qui critique régulièrement les traditionnalistes pour leur ''désobéissance'' fait appel à Rome qui confirme le texte de Mgr Balsa. En octobre 2023 quand les zadistes tentent à nouveau de bloquer le chantier et de dégrader les matériaux, la vidéo d’une religieuse qui en plaque un fait le tour du monde. Peu après, le vicaire général du diocèse [très opposé au projet] émet un communiqué : « Nous avons été surpris et peiné par les tensions survenues sur le chantier de la famille missionnaire de Notre-Dame à Saint-Pierre-de-Colombier". A aucun moment dans ce court communiqué de presse, le vicaire général soutient la famille missionnaire de Notre-Dame », relève alors France Bleu – opposée au projet.

Début 2024 la justice autorise à nouveau les travaux – mais la préfète de l'Ardèche les suspend de nouveau, probablement pour que les zadistes ne viennent pas perturber l'installation de Mgr Giraud. Ce qui explique aussi la présence de quelques gendarmes, d'un petit dispositif de sécurité bénévole et la fouille des sacs.

Mgr Balsa avait aussi demandé en 2019 une visite canonique. En 2022, la Congrégation romaine pour les instituts de vie consacrée a demandé que le chapitre général de la Famille missionnaire de Notre-Dame (FMND), prévu en janvier 2022, soit suspendu. Une visite canonique effectuée en 2019 avait mis en lumière « des difficultés préoccupantes » concernant principalement « l’exercice de l’autorité et l’obéissance ». La visite avait « clairement mis en lumière des difficultés préoccupantes concernant principalement l’exercice de l’autorité et l’obéissance, la qualité de la formation des membres et l’auto-référentialité du groupe », selon la Congrégation pour les instituts de vie consacrée.

La FMND et son apostolat divisent profondément le clergé et les fidèles ardéchois : si certains n'hésitent pas à les affirmer « victimes de la prise de parti de Mgr Balsa contre eux », d'autres affirment qu'ils « n'ont tenu aucun compte de la visite canonique, et qu'ils ont pris Mgr Balsa pour un âne. Il avait donné son accord pour une église de 800 places, pas de 3000. Aucune église du département n'accueille 3000 personnes, même pour l'installation de l'évêque il y a 2000 fidèles ».

Du reste, le fait que le supérieur de la FMND – le père Bernard – soit actuellement mis en cause pour abus de faiblesse par plusieurs victimes, le procès en correctionnelle devant avoir lieu en juillet, n'arrange pas les affaires de la FMND, pourtant présente en nombre à l'inauguration de Mgr Giraud – religieuses en habit strict, prêtres dont l'habit fait penser aux soutanes ici absentes, et un laic en charge des affaires de la communauté, en costume cravate. Ses prêtres font des offres de service : « nous n’avons pas de charisme paroissial, mais nous faisions les enterrements, la moitié des absoutes de notre secteur paroissial, les préparations de mariage, etc. Du jour au lendemain Mgr Balsa a tout arrêté. Nous ne demandons qu’à collaborer avec le nouvel évêque. Notre charisme est ici, à Saint-Pierre du Colombier ».


Et néanmoins une étrange vitalité qui tient de la Providence

Outre le dossier compliqué de la FMND, le diocèse de Viviers a su maintenir une certaine vitalité – il compte notamment quatre séminaristes, contre deux pour Sens Auxerre, le diocèse dont vient Mgr Giraud. C'est ainsi que la Providence a donné au diocèse de Viviers deux destins croisés, que rien ne prédestinait à l'Ardèche, tous deux arrivés après le Concile par le Rhône, l'abbé Houghton et les chanoines de Saint-Victor.

Les seconds, arrivés de Suisse, tombent en extase devant la beauté de l'église de Champagne en 1968 et y refondent leur congrégation au nom médiéval, qui avait quasiment disparu. Comme le rappelait le Dauphiné Libéré en 2019, « il y a 50 ans, au cours de l’année 1968, trois jeunes chanoines réguliers de l’abbaye de Saint-Maurice d’Agaune, Maurice Bitz, Pierre Vekemans, et Gérard Kessler, accompagnés un temps par leur maître des novices Jean-Marie Boitzy, ont été attirés et conquis par le climat de beauté intérieure et de foi solide de l’église de Champagne, sur cette voie de communication irremplaçable qu’est la vallée du Rhône. Encouragés par les instances de la Confédération des chanoines réguliers de Saint-Augustin, ils cherchaient un lieu pour former une petite communauté fraternelle et sacerdotale, actualisant le charisme canonial.

Ils portaient le désir, de « favoriser une vie religieuse plus intense », motivée par « les exigences actuelles de l’aggiornamento » et la volonté de « mettre tout notre cœur et nos forces au service d’un diocèse ». « Cette fondation, écrivaient-ils à la Sacrée Congrégation des Religieux, désire dans l’Église d’aujourd’hui, vivre d’une vie religieuse canoniale authentique, dans la fidélité à la Tradition et selon le renouveau demandé par le Concile »

Aujourd’hui ils sont 22 frères, avec une abbaye à Champagne, un prieuré à Saint-Péray (07), une autre implantation dans l’abbaye de Chancelade (24) et un prieuré à Montbron en Charente – ils assurent le ministère paroissial dans un ancrage conciliaire (même s’ils ont un habit), et sont présents dans quatre évêchés (Viviers, Valence, Périgueux, Angoulême). Dans celui de Viviers, ils tiennent quatre des 22 paroisses – de fait, sans eux et les prêtres venus de Pologne et d'Afrique, il n'y a plus de clergé.

L'abbé Houghton – grande figure de la Tradition, est lui aussi arrivé en Ardèche un peu par hasard. Né en 1911 dans une famille anglicane, converti au catholicisme à 23 ans, ordonné prêtre en 1940, il reste fidèle à la messe traditionnelle en 1968 et donne la démission de sa cure ; il dira un jour qu’il n’a pas abandonné l’anglicanisme et intégré l’Eglise Romaine, pour devoir y retrouver une « messe protestante ».

En 1990 dans son livre Prêtre rejeté il narre son arrivée à Viviers, après avoir démissionné de ses fonctions en Angleterre et s'être retiré : « Je décidais de m’installer à la frontière nord du Midi. Oui, mais qu’est-ce qui marque cette frontière ? Oh, c’est très simple : les oliviers. Je descendis donc la rive droite du Rhône jusqu’au premier olivier. Le premier, à Lafarge, était passablement rachitique. Je m’arrêtais à la ville suivante, Viviers. J’avais sur moi un chèque de banque : l’après-midi même, j’achetai une maison dans la Grand’Rue. En matière de vitesse pure, le notaire n’avait jamais rien vu de semblable.

Aussitôt arrivé à Viviers, je téléphonai à l’évêque. Je découvris un homme doué d’une forte personnalité, vif, intelligent, agréable. Il ferait un évêque parfait s’il avait une once de religion. J’entends par là le « théocentrisme » – la piété. Il est résolument anthropocentriste et progressiste.

Il est évêque de Viviers depuis 1964, soit plus de vingt-cinq ans [note du blogue du Maître-Chat : il s’agissait alors de Monseigneur Jean Hermil, qui partit en retraite en novembre 1992].

Vers 1950, l’évêque de Viviers ordonnait une vingtaine de prêtres par an : dix pour son diocèse et dix pour d’autres diocèses ou des ordres religieux. Quand il est arrivé [en 1965], il devait encore ordonner une dizaine de prêtres pour le diocèse. Je crois qu’il n’y a eu aucune ordination en 1970, pour la première fois depuis 1792. C’est arrivé plusieurs fois depuis. Il y a, au moment où j’écris, deux étudiants au grand séminaire, dont l’un n’ira pas jusqu’au bout. C’est réellement tragique. En 1770, la construction d’un énorme bâtiment s’achevait : un grand séminaire pour trois-cents étudiants. Il abritait encore deux douzaines de séminaristes quand je suis arrivé en 1969. Il est désormais loué à qui désire disposer de locaux assez vastes : animateurs de sessions de formation, synodes protestants, rassemblements musulmans, et ainsi de suite. ». Aujourd'hui, ce grand séminaire abrite la maison diocésaine et une hôtellerie.

Mgr Houghton se retrouve rapidement à célébrer chaque jour sa messe privée à la cathédrale de Viviers – qui devient donc, de 1969 à 1992, la dernière cathédrale de France où la messe tridentine est célébrée tous les jours. Et le dimanche, à une communauté de fidèles qui s'installe vers 1980 à Notre-Dame de la Rose, à Montélimar – la Drôme est plus accueillante. Cette chapelle, finalement acquise par l'évêché de Valence, reste affectée à la liturgie traditionnelle et est desservie de nos jours par la FSSP. Des fidèles ardéchois s'y rendent tous les dimanches, traversant le Rhône pour retrouver la paix liturgique et la messe de toujours.


Une Tradition ignorée mais vivante

Ignorés par leurs évêques successifs et contraints d'aller à la messe ailleurs – à Alès, Valence, Montélimar, Chantemerle-les-Blés, Avignon, au Puy et en d'autres lieux, tout autour de l'Ardèche, les fidèles de la messe tridentine sont pourtant présents, comme l'a montré le sondage de Paix Liturgique fait en 2019.

Pour rappel, « la première information fournie par ce sondage est la relative importance du nombre des Ardéchois se reconnaissant comme « catholiques » (ce n’est pas pour autant qu’ils vont encore à la messe le dimanche). Avec un résultat nous indiquant que plus de 73 % des personnes sondées se déclarent catholiques nous arrivons en Ardèche à l’un des terroirs les moins déchristianisés de France. Rappelons qu’à Paris ou à Versailles, des diocèses que l’on imagine assez catholiques, ce sont respectivement 60 et 61 % des personnes sondées qui se déclarent comme catholiques ».

Par ailleurs, « en ayant la connaissance du motu proprio 59 % des catholiques pratiquants du diocèse trouveraient normal que les deux formes du rite soient célébrées dans leur paroisse alors que seulement 24 % de ces mêmes catholiques pratiquants le trouveraient « anormal ».

Mais l’information la plus extraordinaire fournit par l’enquête est que plus d’un tiers des catholiques pratiquants assisteraient régulièrement à la messe traditionnelle si celle-ci était célébrée dans LEUR paroisse et que seulement 19 % de ces mêmes pratiquants n’y assisteraient jamais. Un chiffre important certes mais représentant moins d’un cinquième des catholiques pratiquants. Et le plus extraordinaire est que, parmi les jeunes pratiquants, le chiffre de ceux qui assisteraient régulièrement à la messe traditionnelle est plus important que chez les seniors et représenteraient près de 40 % ».

Dans un diocèse qui subit comme partout les affres du vieillissement des pratiquants et du clergé, le manque de vocations et le désintérêt des jeunes pour la religion catholique, Mgr Giraud a des catholiques qui ne demandent qu'à pratiquer et à se dévouer, pour peu que l'on répare les erreurs du passé et qu'on leur reconnaisse le droit à la messe. Pour peu qu'ils puissent pratiquer là où sont leurs racines, plutôt qu'être chassés tous les dimanches vers les diocèses voisins. Mgr Giraud a promis de « faire des ponts, tant qu'il en faudra ». C'est au pied du mur qu'on voit le maçon. 

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