Notre lettre 1040 publiée le 21 mai 2024

CHARTRES 2024
TOUJOURS PLUS HAUT !


Nous avons demandé à Louis Renaudin qui revient de Chartes de nous faire partager ses impressions à propos du 42ème pèlerinage de Paris à Chartres qui s’est déroulé durant le week-end de Pentecôte.


Paix liturgique : Cher Louis, quel est votre première réaction au retour de ce pèlerinage ?

Louis Renaudin : D’abord vous dire une chose importante : ce pèlerinage organisé par l’Association Notre Dame de Chrétienté, https://www.nd-chretiente.com/ , invitait ses pèlerins de 2024 à regarder vers le Ciel avec pour thème de ces trois jours de marche « Je veux voir Dieu », qui évoque le titre de ce grand classique de la littérature spirituelle dont l’auteur est le Père carme Marie-Eugène de l'Enfant-Jésus.


Paix liturgique : Ce n’était donc pas seulement un temps fort liturgique mais aussi un grand moment de foi catholique ?

Louis Renaudin : C’est tout à fait cela. Ce pèlerinage a été un grand moment de la vraie foi catholique. Alors que les nouvelles pastorales ont abandonné depuis longtemps le thème des fins dernières, la vitrine du monde traditionnel en France marque à nouveau son enracinement dans les fondamentaux catholiques, cette fois-ci en revenant sur la méditation des fins dernières, le paradis, l’enfer et le purgatoire. Quoi d’original me direz-vous ? Et bien à entendre les témoignages des nombreux pèlerins que nous avons interrogés durant ces trois jours, la clarté du discours qu’ils entendent sur la route de Chartres, mais aussi la solidité des enseignements sont parmi les aspects qui les ont fortement impressionnés, se démarquant d’une pastorale moderne souvent édulcorée qui ne parle plus de cela et qui ne leur parle plus. Beaucoup d’entre eux, qui découvrent le monde traditionnel, sont séduits par cette cohérence entre les enseignements catéchétiques, les exigences morales et la grandeur de la liturgie qui leur est présentée. « C’est comme un package complet et cohérent, nous dit François, jeune étudiant bordelais de 20 ans. Je regrette que mes parents ne m’aient pas donné l’occasion de découvrir plus tôt la messe tradi. Et tout ce qui va avec ».



Paix liturgique : Donc tous les pèlerins ne sont pas des « tradis » ?

Louis Renaudin : Loin de là ! Mais tous ont soif d’une authentique foi catholique et ne la trouvent pas toujours dans leurs paroisses… Il faut dire que cette jeunesse enthousiaste, que de très nombreux journalistes sont venus découvrir cette année, tient un discours qui tranche avec ce qu’une partie de nos pasteurs voudraient nous faire croire. Tous reviennent éblouis par une expérience spirituelle, amicale, et aussi physique, je dirais même pénitentielle, qu’ils ne sont pas près d’oublier, et la liturgie traditionnelle ne les laisse pas indifférents. Ceux qui la pratiquent régulièrement y demeurent solidement attachés et ceux qui la découvrent regrettent bien souvent de ne pouvoir en profiter dans leurs paroisses tout au long de l’année, ne comprenant pas pourquoi l’Église s’obstine à brider plutôt qu’à laisser une liberté pleine et entière à ce monde traditionnel si dynamique et permettez-moi d’insister si catholique...


Paix liturgique : Mais cet attachement « tradi » n’est-il pas plutôt celui des organisateurs plus que des pèlerins ?

Louis Renaudin : Il ne faut pas prendre les pèlerins pour des gogos… Il serait malhonnête d’opposer, comme le font certains, les vieux organisateurs, soit disant arc-boutés et les jeunes plus ouverts aux deux formes (voir l’historien Paul Airiau cité par Le Pèlerin (https://www.lepelerin.com/religions-et-spiritualites/lactualite-de-leglise/pelerinage-de-chartres-18-000-fideles-reunis-ce-week-end-pourquoi-un-tel-succes-9566). La réalité est tout autre : tous les pèlerins qui viennent à Chartres viennent pour cela, sinon ils iraient ailleurs, et sont heureux de bénéficier de la messe traditionnelle que la très grande majorité d’entre eux ne pratiquent pas régulièrement… surtout car ils n’en ont pas la possibilité ! On ne va pas dans un restaurant étoilé Michelin pour manger des kébabs. Or, la liturgie traditionnelle n’est aujourd’hui présente que dans un dixième des 4000 paroisses, ce qui veut dire que 90% des fidèles qui sont attirés par un catholicisme exigeant ne le peuvent pas dans 90 % des paroisses de France. C’est, j’en suis certain, l’une des raisons les plus essentielles du succès numérique de notre pèlerinage.



Paix liturgique : Vous le croyez ?

Louis Renaudin : La vérité est simple, la jeunesse catholique a soif de liberté vraie et de sacré authentique. On dit que si la réforme liturgique qui a suivi Vatican II avait été appliquée de façon sérieuse, l’Église n’en serait pas là. Mais était-il possible de mettre en œuvre « gentiment » une révolution ? Non seulement nos pasteurs n’ont pas été capables de « modération », mais ils ont même persécutés ceux qui, comme l’abbé Jean-François Guérin, fondateur de la communauté Saint-Martin, avaient voulu le faire. Et certains d’entre eux voudraient maintenant nous faire croire que les dizaines de milliers de jeunes pèlerins qui viennent à Chartres ne sont pas vraiment attirés par la messe traditionnelle. De qui se moque-t-on ? Il faudra un jour qu’ils regardent la réalité objectivement et qu’ils en acceptent les conséquences. Je vous renvoie à l’article dans La Croix du 16 mai (Pèlerinage de Chartres : « Peut-on “en finir” avec les tradis ? » (la-croix.com), de l’abbé Pierre Amar, prêtre du diocèse de Versailles, qui écrit : « Nombreux sont ceux, et probablement jusqu’à Rome, qui croient qu’il faut en finir avec les tradis. Vu la moyenne d’âge des assemblées aux messes de saint Pie V mais aussi l’accueil généreux de la vie dans ce milieu, il est difficile de penser que le phénomène tradi va disparaître à court ou moyen terme. Alors qu’il était censé régler une bonne fois pour toutes la « question tradi », le motu proprio du pape François Traditionis custodes n’a pas freiné la tendance qu’on peut observer au moins dans certains pays. » Et ce que l’on voit à Chartres signifie clairement que l’Église de demain devra non seulement tenir compte des « tradis » mais surtout que la foi traditionnelle sera impérativement le socle du renouveau tant attendu, n’en déplaise aux ennemis de la liberté, de la foi et de la paix liturgique.


Paix liturgique : Mais vous avez des indices de cela ?

Louis Renaudin : Regardez simplement ce qui s’est déroulé à Quimper au cours des huit dernières années, dans une ville qui est actuellement au cœur des bouillonnements liturgiques. Au début, seulement quatre ou cinq familles avaient sollicité la célébration d’une messe traditionnelle dans la ville de Saint Corentin, et au bout de huit ans ils sont près de 300 chaque dimanche qui ont été convaincus de la richesse, pour eux et pour leurs familles, de l’option catholique traditionnelle. Et si vous le vouliez, je pourrais vous donner de nombreux autres exemples en France comme partout dans le monde de cette attente de beauté liturgique – je pense à l’éditorial de Valeurs actuelles de cette semaine qui dit que la messe traditionnelle sur Cnews est « un bain de beauté bienvenu »), mais aussi de foi catholique clairement exprimée.


Paix liturgique : Donc, des catholiques « ordinaires qui ont été convaincus par la messe par la messe traditionnelle ?

Louis Renaudin : Certes par la messe traditionnelle mais aussi par les sacrements distribués par de bons prêtres bienveillants et surtout des catéchèses solides et régulières et par le maillage intelligent d’œuvres catholiques qui viennent aider les personnes et les familles comme des écoles, des mouvements pour grands et petits, comme le scoutisme ou les réunions de foyers chrétiens de Domus Christiani, mais aussi des présences sacerdotales régulières et bien disponibles.


Paix liturgique : Et dans ces cas-là les fidèles ne s’y trompent pas...

Louis Renaudin : C’est ce que l’on pourrait nommer… le syndrome Coca-Cola. Qui préfèrerait une pauvre copie à l’original ? Voilà pourquoi trop de nos pasteurs finissent par perdre le peu de jeunes fidèles qui leur restent dans leurs pauvres célébrations.


Paix liturgique : Pourquoi selon vous ?

Louis Renaudin : Il suffit de fréquenter la plupart des paroisses pour être effaré par la niaiserie ambiante, le bruit et les bla-bla qui n’intéressent plus que des vieillards atteint de jeunisme et font fuir les jeunes et les familles de bon sens.



Paix liturgique : Pour en revenir au pèlerinage de chrétienté vous avez réuni plus de personnes que l’an dernier ?

Louis Renaudin : Le nombre de pèlerins augmente régulièrement d’année en année, avec une croissance annuelle de 15 à 20%. Ces deux dernières années les organisateurs ont même été contraints, à contrecœur, de fermer les inscriptions en amont du pèlerinage. Cette année ce sont donc près de 18.000 participants dont près de 2.000 représentant une cinquantaine de pays étrangers, le tout réparti dans 370 chapitres, qui se sont élancés vers Notre Dame de Chartres, ignorant la météo parfois capricieuse. Parmi les délégations étrangères nous avons vu pérégriner des chapitres de nombreux pays européens, notamment allemands, des chapitres américains mais aussi des vietnamiens, des rwandais, des gabonais, des libanais… et même des ougandais qui m’ont dit avoir connu la liturgie traditionnelle sur Internet et ont eu l’idée de venir s’associer à nous au simple fait que notre liturgie leur paraissait plus conforme à la foi catholique que leur avait transmise leurs pères.


Paix liturgique : Mais le pèlerinage ne se réduit pas aux seuls pèlerins.

Louis Renaudin : L’attraction du pèlerinage Paris-Chartres est de plus en plus forte mais son rayonnement l’est aussi. Plus de 6.000 « anges gardiens » étaient cette année en union de prière pour soutenir ainsi les pèlerins depuis chez eux. Des centaines de religieuses et de religieux catholiques (tradis ou non) ont soutenu par la prière les pèlerins marcheurs, parfois depuis l’autre bout de la planète. Dans de nombreuses paroisses ces anges gardiens se sont retrouvés pour prier sur le thème de l’année. Dans certains pays ils ont même organisé des pèlerinages ce week-end de Pentecôte comme en Martinique ou au Portugal. Sans compter les pèlerinages qui fleurissent durant l'année à travers le monde, à l’image du maintenant célèbre Paris-Chartres, avec comme point commun l’attachement à la Tradition notamment liturgique : Covadonga en Espagne où plus de 1.500 pèlerins sont attendus en juillet, Lujan en Argentine où 2.000 pèlerins sont attendus en octobre, les États-Unis avec notamment un grand pèlerinage dans le Michigan, l’Australie avec le Christus Rex Pilgrimage dans l’état de Victoria, la Grande-Bretagne, le Rwanda, etc.


Paix liturgique : Ne vous sentez vous pas trop isolés quelques fois ?

Louis Renaudin : En fait pas du tout. Notez la présence du cardinal Müller qui a célébré la messe de clôture à Chartres et a béni cette jeunesse fière d’être catholique, attirée par les trésors catholiques éternels que sont le silence, le sacré, la beauté de la liturgie de l’Église. 



Paix liturgique : Donc tout va bien ?

Louis Renaudin : Il faut être cohérent et comprendre que lorsque le saint père François répète d’une manière incantatoire que l’Église du Christ est ouverte à TODOS, TODOS, TODOS, nous sommes confortés, nous qui, avec ce qui paraît une différence, l’attachement à la tradition de l’Église, nous nous sentons profondément dans cette Église. Ce sentiment est confirmé par la présence d’évêques durant nos pèlerinages. Ainsi la présence répétée de Mgr. Rougé, évêque de Nanterre, qui a salué les pèlerins samedi matin alors qu’ils cheminaient dans son diocèse, et bien sûr la présence désormais traditionnelle de Mgr. Christory, évêque de Chartres qui a marché dimanche après-midi avec les pèlerins puis les a accueillis lundi à l’entrée de sa cathédrale comble d’enfants, nous procure une grande joie conforte notre Espérance pour la vie et l’avenir de notre Église.

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