Notre lettre 1005 publiée le 20 février 2024

MGR MANFRED SCHEUER

ET L'EGLISE D'AUTRICHE


2EME PARTIE :
VERS UN CATHOLICISME
DE NIVEAU ZERO

Dans notre Lettre 1004 du 15 Février 2024, 1ère partie de notre relation sur Mgr Manfred Scheuer, nous disions que le catholicisme d’Autriche est parmi ceux qui, en Occident, Belgique, Allemagne, Suisse, sont en train de disparaître le plus vite, les évêques accompagnant cette disparition, ou même l’accélérant. Et nous portions les feux des projecteurs sur le syndic de faillite le plus marquant en Autriche, Mgr Manfred Scheuer, d’abord évêque d’Innsbruck (2003), puis promu au second siège du pays, Linz (2015). Et nous remarquions qu’il a joué un rôle important pour introduire les dérives pro-LGBT et protestantisantes allemandes dans l’Église autrichienne – un nouvel Anschluss –, enfonçant au passage les deux diocèses qu’il a géré, cependant que, de son côté, il montait.



Pasteur d’une Église comme une grande Caritas

En octobre 2003 Mgr Manfred Scheuer était nommé à la tête du diocèse d’Innsbruck, comme l’annonçait Cath.ch : « Jean Paul II a nommé le professeur de théologie Manfred Scheuer évêque d’Innsbruck, annonce le Vatican dans un communiqué diffusé le 21 octobre. Agé de 48 ans, et natif de Haibach en Haute-Autriche, l’abbé Scheuer a été ordonné prêtre en 1980 à Rome. Il est actuellement incardiné au diocèse de Linz et enseigne depuis novembre 2000 comme professeur à la Faculté de théologie catholique de Trèves en Allemagne. L’abbé Scheuer succède à la tête du diocèse d’Innsbruck à Mgr Alois Kothgasser, nommé archevêque de Salzbourg en novembre 2002 ».

En 2004, le diocèse d’Innsbruck comptait 408.995 catholiques sur 467.000 habitants (87.5 %). En 2012, il comptait 395.490 catholiques soit 72,8% d’un total de 543.173 habitants. En 2023, il n’y a plus, selon Mein Bezirk, 359.169 catholiques sur 540.000 habitants, « soit environ 67% de la population diocésaine totale ». 6004 catholiques ont quitté officiellement l’Église dans le diocèse, contre 5076 en 2021. Le diocèse préfère communiquer sur les 25.000 bénévoles et les 1000 salariés employés dans tous les domaines, et ne publie, nulle part, le nombre de prêtres incardinés.

En 2016, Mgr Manfred Scheuer est de retour chez lui et est installé évêque du second diocèse d’Autriche avec une grande assistance œcuménique, à savoir « le métropolite grec orthodoxe Arsenios (Kardamakis), l’évêque luthérien Michael Bünker, le surintendant de Haute-Autriche Gerold Lehner et l’évêque vieux-catholique Johannes Ekemezie Okoro », indique KathPress. « Les lectures (Isa 62, 1-5 et 1 Cor 12, 1-11) ont été réalisées par Monika Aufreiter, opératrice téléphonique aveugle de la maison diocésaine de Linz, et par la pasteur protestant Veronika Obermeir, en tant que représentante de l’œcuménisme, qui revêt une importance particulière pour Manfred Scheuer ».

Ce dernier a été installé avec les éloges du Pape François : « "Nous vous avons trouvé apte à prendre la direction du diocèse de Linz parce que vous avez prouvé vos excellentes capacités et que vous êtes instruits et expérimentés en matière spirituelle ainsi qu’en théologie dogmatique et œcuménique" ».

Et en 2019, lors d’une conférence de presse à l’évêché, Mgr Scheuer, très « attaché à présenter l’Église comme une grande, grande Caritas » n’a pas réussi à cacher la « crise de confiance » [voire de conscience] qui mine l’Église en Autriche en général et à Linz en particulier. Katolisches.info ne fait pas dans la dentelle : « L’évêque semble sans voix même lorsqu’il parle. Mais encore une chose, un mot-clé qui ne devrait jamais manquer : de « nouvelles voies » sont nécessaires, qui, dans la bouche de dirigeants d’Église édentés et sans convictions, avec une orientation progressiste profondément enracinée, confirment en réalité qu’il y a une menace sérieuse sur le droit canonique ».

En novembre 2018, Katolisches.info dresse le bilan de ses trois premières années à la tête du diocèse : « Lorsque Scheuer se fait entendre, les fervents catholiques secouent la tête ou se mettent en colère. Katholisches.info s’est plaint de sa nomination comme évêque il y a trois ans parce qu’il serait au mieux un « administrateur du déclin » et que le diocèse était menacé de nouvelles « années perdues » au lieu d’un renouveau de la foi. Jusqu’à présent, l’évêque Scheuer s’est fait remarquer particulièrement par sa dégradation de la cathédrale de Linz [où le chœur a été restauré sans égards pour l’aménagement historique, ce qui a choqué les habitants]

« En 2017, il a célébré Martin Luther avec les luthériens […] Lorsque les luthériens et les médias ont affirmé lors de la fête le mensonge selon lequel 150 000 protestants avaient été expulsés du diocèse de Scheuer par le souverain catholique, l’empereur Ferdinand Ier, l’évêque s’est abstenu de les corriger, et encore moins de défendre le catholicisme . À cette époque, seuls environ 250 protestants ont dû quitter la Haute-Autriche, et il ne s’agissait pas d’habitants locaux, mais de pasteurs protestants immigrés illégalement avec leurs familles. Leur expulsion correspondait aux dispositions de la paix d’Augsbourg souhaitées et approuvées par les princes protestants ».

L’évêque se prononce haut et fort sur la question de la migration, c’est-à-dire sur une question politique. Son positionnement est aligné sur la gauche politique. Faut-il s’étonner que tout un groupe d’organisations catholiques et même de communautés religieuses descendent dans les rues de Linz aux côtés des socialistes (SPÖ), des Verts, des communistes (KPÖ) et des violents Antifa contre le gouvernement légal ? » ?


Mais un pasteur branché

En 2022, quand le diocèse de Linz invite ses fidèles à participer à la gay pride, le média catholique Kath.net indiquait qu’il n’avait pour ainsi dire plus de pastorale de jeunesse : « Presque personne ne souhaite plus s’impliquer dans la « Jeunesse catholique » officielle. Et même l’évêque de Linz, Manfred Scheuer, a déclaré il y a deux ans lors d’une conversation avec un prêtre qu’il n’y avait plus d’œuvre catholique auprès de la jeunesse dans le diocèse de Linz. "Elle est morte" ».

Pourtant, ce n’est pas faute d’avoir avalisé toutes les idées de la « pastorale jeune », même les plus grotesques. En avril 2017, Mgr Scheuer a désavoué un de ses curés, Reinhard Bell, qui s’est opposé à la « messe disco », qui est en réalité une veillée de prières sans distribution de la communion, réclamée dans l’enceinte de la boîte de nuit Empire, le 6 mai, par la pastorale jeunes en raison de la rénovation de la collégiale de Saint-Martin.

Dans Mein Bezirk, le 26 avril 2017, Nicole Leitenmüller, à l’origine de l’idée, se prévalait du soutien de l’évêque, qui estimait cette messe dans un « autre lieu » comme une « opportunité » du domaine de la « pastorale en sortie. La liturgie et la discothèque ont beaucoup en commun », affirmait-elle carrément : « musique, chant, danse, enthousiasme, lumière, rencontres, joie et affirmation de la vie ».

Plus grave, Manfred Scheuer a laissé faire d’autres dérives : « Il est aussi en partie responsable d’une situation dans laquelle des prêtres homosexuels ont été autorisés pendant des années à être actifs dans le diocèse de Linz, au su de l’évêque. Des informations faisant état de chantage, de dilapidation de biens par un prêtre et même de détournement de biens paroissiaux ont été mis au jour ».

Une situation de désordre qui était déjà abordée en novembre 2019 par la presse catholique conservatrice germanophone : « Dans le diocèse de Linz, il y a des prêtres qui vivent en concubinage, même au moins un prêtre marié civilement à une femme. Il y a des prêtres qui mènent une double vie homosexuelle et d’autres qui vivent ensemble dans une relation homosexuelle devant tout le monde. Le célibat sacerdotal est considéré comme un épouvantail ».


Vers un catholicisme de niveau zéro

En 2021, Mgr Scheuer commence à la faveur de la pandémie du Covid une vaste réorganisation paroissiale qui doit regrouper les 486 paroisses dans les 39 doyennés existants, dont 20 doivent être adaptés. Il s’agit de la plus importante réforme de l’organisation du diocèse depuis 1816. En 2023, la réforme se poursuit, à la façon d’une révolution permanente. Le vicaire général Severin Lederhilger, en inaugurant un nouveau doyenné s’enflammait : la réforme crée un « détachement qui permet d’ouvrir les frontières, de surmonter les barrières et de remettre en question les pratiques traditionnelles ». Il concluait : « Ce n’est que maintenant que des choses inimaginables peuvent être rendues possibles ». Rien de moins.

Seulement, cette réorganisation qui fait disparaître les paroisses historiques, est un bon prétexte pour propulser à la tête des nouvelles grandes paroisses des curés de la ligne Scheuer et des laïcs pour les y maintenir. Et comme l’explique Kath.net, le sacerdoce est le grand perdant : « Le 4 mai 2021, Mgr Manfred Scheuer, évêque de Linz, a décidé de la réforme structurelle controversée du diocèse de Linz. D’ici 2027, toutes les paroisses doivent être de facto supprimées et 40 nouvelles « grandes paroisses » doivent être créées. Entre-temps, les premiers établissements pastoraux à grande échelle montrent les dégâts causés et les évolutions absurdes que cela entraîne dans la pratique. Andreas Golatz, un homme qui n’avait pas été ordonné prêtre il y a quelques années en raison de ses déclarations préjudiciables à l’Église, a été nommé dans une grande paroisse de Mühlviertel. Golatz a fait la une des journaux à l’époque avec son « soulèvement contre Rome » et d’autres slogans maladroits similaires. Même dans sa paroisse actuelle de Gutau, selon les experts locaux, il n’est pas particulièrement apprécié de ses fidèles.

Mais revenons au problème principal. Avec la réforme paroissiale, le sacerdoce est le grand perdant. Tous les pasteurs sont destitués puis réintégrés comme « vicaires paroissiaux ». Cependant, selon le concept diocésain, ceux-ci n’ont plus la responsabilité ultime de la pastorale et sont subordonnés à un comité de gestion composé de trois personnes. En fait, la paroisse locale est minée et détruite. Les paroisses individuelles ne peuvent plus prendre de décisions elles-mêmes et l’argent des paroisses provenant des impôts ecclésiastiques leur est de facto retiré. Selon le concept de Linz, les prêtres ne reçoivent plus d’offrandes de messe depuis le 1er janvier, mais leurs salaires ont désormais été augmentés ».

Avec combien de fidèles ? Le monde progressiste vieillit et disparaît sans se reproduire, Et les fidèles conservateurs votent avec les pieds. En 2015, à la veille de l’installation de Mgr Scheuer, le diocèse de Linz, deuxième d’Autriche par son importance, comptait 990 000 catholiques, le diocèse de Linz est le deuxième plus grand diocèse d’Autriche. 487 paroisses réparties dans 39 doyennés, 80.000 membres dans l’Action Catholique, 660 prêtres séculiers et religieux, plus de 110 diacres permanents et, dans le domaine des professions pastorales, environ 350 laïcs dans la pastorale, 1370 professeurs de religion dans les écoles, 330 religieux de 20 ordres masculins différents et 800 religieuses de 29 ordres féminins. Il y avait eu quatre ordinations, dont celle d’un prêtre de la FSSP, Philipp Faschinger.

En 2019, le diocèse comptait 963.000 catholiques en 2019, 914.000 catholiques, en 2021 et 898.000 en 2022 pour 1.5 millions d’habitants – population stable depuis 2019. Soit un peu moins de 60% de catholiques en 2022 contre 66% en 2015 – et 10% de fidèles en moins, en sept ans. En 2021 le diocèse comptait 274 prêtres diocésains dont 168 actifs, 44 prêtres d’autres diocèses, 222 prêtres religieux (dont 143 actifs), mais 383 laïcs dans la pastorale (dont 253 femmes).

Alors que les ordinations sacerdotales en Autriche se maintiennent depuis plusieurs années entre 20 et 30 (15 en 2017, 17 en 2018, 31 en 2020, 20 en 2021, 22 en 2022, 29 en 2023) – dont 10 nés en Autriche, sur 29 prêtres ordonnés en juin 2023, deux le sont seulement dans le diocèse de Linz, dont un religieux carme et un seul candidat issu du séminaire diocésain.

On retiendra ce chiffre est à retenir : 16.505 personnes ont quitté l’Église dans le diocèse en 2022 contre 12.865 en 2021, contre respectivement 776 personnes qui ont rejoint le diocèse de Linz en 2022 et 790 en 2021 ; sur l’ensemble de l’Autriche 90.975 personnes ont quitté l’Église contre 67.794 en 2019. Ce qui ne fait guère réagir Mgr Scheuer sur le site du diocèse, pour lequel « le nombre élevé de sorties d’Église fait mal » mais est lié à « l’augmentation massive du coût de la vie ». En clair : pour bien des catholiques autrichiens, l’appartenance à l’Église est la dernière ligne du budget.

Est-ce d’ailleurs l’Église ou une ONG que quittent massivement les fidèles ? Mais aucun responsable ne veut mettre les mots sur les maux. Surtout pas Mgr Scheuer.

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