Notre lettre 985 publiée le 12 décembre 2023

RETOUR SUR L’AFFAIRE DE QUIMPER

DANS UN DIOCESE EN CHUTE LIBRE,
ON REJETTE A LA PERIPHERIE
LE CATHOLICISME QUI VIT ENCORE

Il y a quelques jours nous avons publié en urgence une lettre  pour signaler à nos lecteurs l’incroyable situation des catholiques de Quimper attachés à la liturgie traditionnelle multiséculaire de l’Eglise latine. On leur enlève l'église Saint-Mathieu, au centre de Quimper, où était célébrée la messe dominicale à 10h 30, pour n’y célébrer que la messe de semaine et la messe anticipée du samedi soir. Ils ont à migrer dans une paroisse de la périphérie.Essayons aujourd'hui de remonter aux racines de ce scandale au sein du diocese de Saint-Corentin.


Diocèse de Quimper et Léon : un contexte d’effondrement du catholicisme

Comme si l’évêque de Quimper n’avait, toutes affaires cessantes, qu’à éloigner les fidèles de la messe traditionnelle du centre du diocèse…

Car son vrai problème est que le diocèse de Quimper et Léon, qui comprend « le saint Léon », terre de prêtres où la pratique dominicale, selon l’enquête du chanoine Boulard de 1957, y atteignait des records (94 % dans le canton de Plabennec) après soixante ans de « printemps de l'Eglise », n’est plus que ruines.

Qui veut savoir ce qu’était l’extraordinaire catholicisme d’avant 1965 en Bretagne, spécialement dans le diocèse de Quimper, peut lire le livre d’Yvon Tranvouez, l’historien du catholicisme breton contemporain, Un curé d’avant-hier. Le chanoine Chapalain à Lambézellec (1932-1956), Éditions de la Cité, 1989, qui décrit une paroisse de chrétienté parmi tant et tant d’autres.

Plus anciennement, un élève de maîtrise à l'université de Rennes avait fait, en 1968, un intéressant mémoire sur l'évolution quantitative du clergé diocésain de Quimper. A la fin de son mémoire, il dresse un tableau des ordinations par année et par paroisse – la seule paroisse de Saint-Corentin, la cathédrale de Quimper, a donné 70 prêtres, et celle de saint Matthieu 28 prêtres, de 1803 à 1968. Le diocèse de Quimper ordonnait en année pleine, en moyenne, 25 prêtres dans la première moitié du XIXe siècle, près de 40 dans la deuxième moitié – jusqu'à 56 en 1872, 1899 et 1902, et encore 20 à 30 par an dans les années 1920-30, 49 en 1938, 48 en 1946, 54 en 1947, avant de retomber à une dizaine dans les années 1950 et 1960.

Ce n’était qu’un infléchissement. Vint ensuite, comme partout, l’effondrement. Si en 1947 le diocèse de Quimper avait ordonné 54 prêtres, en 2023 d'après les chiffres de la CEF ils n’étaient plus que neuf seulement pour les cinq diocèses réunis de Bretagne historique (sur 52 prêtres diocésains ordonnés pour l’ensemble des diocèses de France).

Certes, en juin 2023, une foule avait empli la cathédrale de Quimper pour assister à l'ordination de deux prêtres, mais la prochaine n'aura pas lieu avant plusieurs années – à la rentrée, le diocèse de Quimper ne comptait plus qu'un seul séminariste au séminaire interdiocésain de Rennes, en 2e année. En revanche, plusieurs finistériens sont aujourd'hui dans divers séminaires traditionnels, mais reviendront-ils au pays se mettre à disposition des successeurs de saint Corentin, saint Guénoc et saint Alain si la messe traditionnelle y fait l'objet de persécutions ?

Dans les villages, la pratique s’effondre. À Quimper, il n'y aurait plus que 1200 pratiquants réguliers au maximum, dont les 250 fidèles de la messe traditionnelle à Saint-Matthieu. Un sur cinq.


« Bizarre, vous avez dit bizarre »

Un article apparemment anodin de l'hebdomadaire Côté Quimper ( https://actu.fr/bretagne/quimper_29232/quimper-larrivee-dune-nouvelle-cloche-a-la-cathedrale-saint-corentin-est-imminente_60057444.html ), le 9 septembre dernier annonce, entre l'arrivée d'une nouvelle cloche à Quimper et une réorganisation paroissiale, à savoir : qu'il n'y a plus que trois prêtres sur Quimper même ; et par ailleurs, le départ exigé de la FSSP de l'église Saint-Mathieu – église que récupère la paroisse de Quimper centre pour n’y célébrer que la messe de semaine et la messe anticipée du samedi soir – vers une église des environs de la ville épiscopale du Finistère.

C'est faire peu de cas des près de 250 fidèles (le double en été), que dans sa grande mansuétude, le curé de Quimper a évidemment oublié de consulter, très occupé à sauver les meubles de ce qui fut jadis – avant le « printemps du Concile Vatican II » – un des diocèses les plus pratiquants et prolifiques en vocations de France et de Bretagne.

En l'occurrence, le curé Claude Caill répond aux questions de l'hebdomadaire Côté Quimper :

Le curé Caill – Deux prêtres africains, les pères Yves et Célestin, sont repartis cette semaine en Côte d’Ivoire. Nous accueillons le père Augustin, originaire de Madagascar. Il a 40 ans. Il arrive de Rome où il a passé deux années d’études de théologie. Deux autres prêtres sont en poste dans la paroisse : le père Laurent et moi. Nous pouvons aussi nous appuyer sur des prêtres retraités pour nous donner un coup de main et célébrer des messes.

Côté Quimper – Vous n’êtes que trois. Quelles sont les conséquences pour la tenue des messes ?

Le curé Caill – La paroisse est à un tournant. Ce début d’année risque d’être un peu difficile, mais je suis serein. Il faut bien comprendre qu’il n’y a plus qu’une seule paroisse avec 16 clochers. Cela fait beaucoup. Il n’est plus possible de célébrer la messe partout chaque dimanche. C’est pourquoi nous avons imaginé une organisation reposant sur des points fixes.

Côté Quimper – C’est-à-dire ?

Le curé Caill – À Quimper par exemple, nous avons instauré la messe le dimanche à Locmaria à 18h30.

L’idée est de faire pareil le samedi. À Quimper, la messe a lieu à Saint-Mathieu à 18h30. Avant, il y avait une alternance entre plusieurs églises et chapelles. Nous lançons cette organisation en laissant la possibilité de faire des ajustements dans les semaines à venir.

Côté Quimper – À Quimper, une messe en latin était proposée par la fraternité Saint-Pierre à l’église Saint-Mathieu, le dimanche. Qu’en est-il ?

Le curé Caill – Notre évêque a demandé aux membres de cette communauté de quitter le centre-ville. Ils s’acheminent donc vers un des clochers de la paroisse : Guengat, Gourlizon ou Plogonnec… Ce n’est pas encore arrêté. Pour l’heure, la messe en latin est maintenue le dimanche matin à Saint-Mathieu pour leur laisser le temps de s’organiser.


Les fidèles de la messe traditionnelle sentent-ils mauvais ?

En fait, le changement est décidé, mais n'a pas été annoncé par Mgr Dognin. Ce dernier a peut-être raison de ne pas trop se mouiller – en Bretagne, il ne pleut que sur les c., dit un proverbe un peu vulgaire. Les trois églises citées par le curé, Guengat, Gourlizon ou Plogonnec, se trouvent entre 11 et 14 km à l'ouest et au nord-ouest de Quimper, non desservies par les transports en commun. Comme un faux air de réserve d'indiens, et tant pis pour les fidèles, notamment étudiants ou plus précaires, qui vont galérer à rejoindre ces églises de village.

« En même temps », la paroisse centre de Quimper annonce la couleur en laissant entendre qu'elle abandonnera la desserte des villages – même si la pratique, comme partout, y dévisse, sont-ils des fidèles de seconde zone par rapport à ceux de Quimper ?

Cependant, comme nous explique un fidèle de Saint-Mathieu, « ce changement est surtout visiblement improvisé. La paroisse centre qui s'empare d'une église assez grande et en bon état, proche de la résidence de l'évêque – de l'autre côté de la place de la Tour d'Auvergne, il n'y a pas 300 mètres à vol d'oiseau – nous traite comme si leurs messes de semaine et leur messe anticipée du samedi soir ne pouvaient pas cohabiter avec notre messe du dimanche matin – serions-nous contagieux ? – et surtout, il n'y a que notre messe qui doit partir à perpète les oies. Les activités que nous faisons au presbytère de Saint-Mathieu, le catéchisme etc. on n'en sait rien et ça n'a pas l'air d'intéresser le moins du monde ceux qui nous chassent de notre église ».

Difficile de ne pas voir dans cette décision de chasser les fidèles de la messe traditionnelle le plus loin possible de Quimper-centre, loin du yeux, loin du cœur, une jalousie pour un succès qui va croissant.

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