Notre lettre 984 publiée le 11 décembre 2023

UNE LEX ORANDI NOUVELLE ?
OU PLUTOT UNE ABSENCE DE LOI LITURGIQUE...

4ème REEDITION
DE L'OUVRAGE DE L'ABBE CLAUDE BARTHE
"TROUVERA T-IL ENCORE LA FOI SUR LA TERRE ? "

L’abbé Claude Barthe vient de publier une quatrième édition de son ouvrage Trouvera t-Il encore la foi sur la terre ?, partiellement revu et augmenté, aux éditions Via Romana. Nous publions à titre de bonnes feuilles ce passage de l’introduction qui concerne la nouvelle loi liturgique, qui en fait n’est plus une loi.



À cet enseignement [concernant l’œcuménisme] qui se voulait ni blanc ni noir il manquait – et pour cause – l’autorité ultime. On décida que ce concile serait « seulement pastoral », c’est-à-dire sans autorité dogmatique, en s’inspirant peut-être de la « priorité du pastoral », élaborée par le P. Congar dans Vraie et fausse réforme dans l’Église, dont on parlera plus loin. Le principe de l’atypisme de ce concile, maintes fois affirmé ensuite, avait été posé le premier jour, le jeudi 11 octobre 1962, par la fameuse allocution d’ouverture de Jean XXIII, Gaudet Mater Ecclesia : Vatican II, dans laquelle, avait dit le pape, se distinguant en cela de tous les conciles du passé, ne dogmatiserait ni en positif (canons) ni en négatif (anathèmes).

Lorsque le magistère s’engage comme tel, il ne peut le faire que totalement. Or, il ne s’est engagé alors que comme à demi. L’entrée dans cette via media a d’ailleurs rencontré une sorte d’unanimité. De la part de la majorité conciliaire, elle présentait l’avantage de donner une doctrine plus « ouverte », sans contredire la doctrine antérieure. Mais la minorité, débordée dès les premiers jours de l’assemblée, y a aussi trouvé son compte : elle s’est bien vite appuyée elle aussi sur le thème de l’absence d’autorité infaillible des textes, qui en relativiserait, pensait-elle, la portée.

En fait, avant même de parler d’absence d’autorité, on pourrait même parler d’absence de contenu clairement délimité, (c’est particulièrement frappant dans le décret sur l’œcuménisme, Unitatis redintegratio, lequel, aussi étonnant que cela puisse paraître, ne contient pas de définition proprement dite de l'œcuménisme ; mais c’est vrai aussi dans la déclaration sur les religions non chrétiennes qui se garde de préciser ce qu’elle entend par religions). Quoi qu’il en soit de ce « flou », reconnaître une certaine légitimité à la diversité des croyances chrétiennes ou non chrétiennes implique volens nolens que Dieu veut (ne condamne pas) ce pluralisme de religions et que Dieu veut (ne condamne pas) une diversité de confessions chrétiennes. C’est ce que le document commun sur la Fraternité humaine, signé le 4 février 2029 à Abou Dabi, par le pape François et Grand Imam d’Al-Azhar, explicitera tranquillement : « Le pluralisme et les diversités de religion, de couleur, de sexe, de race et de langue sont une sage volonté divine, par laquelle Dieu a créé les êtres humains. »

De sorte que, tant dans la matière que dans la manière un certain nombre de gages étaient donnés au pluralisme, et donc au relativisme, Vatican II réalisant une ouverture certaine à la Weltanschauung moderne, à la conception moderne du monde, conformément à la mission que lui avait confiée Jean XXIII en le convoquant.


[…]


À l’appui de l’analyse qui précède concernant la non-autorité de Vatican II – qui s’impose pourtant avec l’autorité indiscutable de l’idéologie, ici celle de « l’esprit du Concile » –, il est un fait massif : au lieu d’un concile interprétant, on a eu un concile interprétable en des sens très divers. Ce qui veut dire que le rôle propre du magistère classique, à savoir l’interprétation du dépôt de la foi et du magistère antérieur, n’a pas été assumé. En un sens, la plus radicale critique qu’on puisse porter contre Vatican II est l’affirmation bien connue qu’on doit « l’interpréter dans le sens de la tradition ». Croyant sauver Vatican II, on l’accable, car c’est le dernier concile en date qui est par essence le dernier mot de la tradition interprétative : c’est Vatican II qui devrait interpréter la tradition. Qu’on l’en estime incapable est tout le problème.

Toutes choses égales, on pourrait en dire autant de la nouvelle liturgie, qui n’a plus l’armature rituelle correspondant à l’armature dogmatique dans l’enseignement. La liturgie de Paul VI, comme le Concile, et pour des raisons analogues, exige elle aussi d’être interprétée. Et l’on sait combien les interprétations qui en sont faites peuvent être multiples. Le fameux adage lex orandi, lex credendi s’applique pour le contenu aux relations qui existent entre l’enseignement conciliaire et la réforme liturgique – à l’« ouverture » au monde du nouveau magistère, correspond l’immanentisation de la réforme de Paul VI. Mais il faut noter que l’adage lex orandi… désigne la forme, celle de loi. Ainsi, on remarquera que, de même que l’enseignement de Vatican II ne s’exprime pas à la manière d’une loi de la foi, le déroulement du culte de Vatican II ne répond plus aux exigences d’une loi de la prière proprement dite. Les choix possibles comme à l’infini, les traductions-adaptations en une multitude de langues, les interprétations personnelles les plus diverses par chacun des acteurs font que le culte issu de la réforme n’est en rien une règle : le cule nouveau est par essence non-règle. Il est dérégulant, comme les intuitions théologiques nouvelles.

Cette nouvelle liturgie, et très spécialement la nouvelle messe, est la traduction palpable pour le peuple chrétien, de l’esprit du Concile. Qu’on pense, par exemple, à ce que représente du point de vue de la modification du sens de l’action sacrée, le retournement de l’autel « vers le peuple », ou encore la suppression de l’offertoire sacrificiel. La messe de Paul VI traduit bien, surtout lorsqu’elle se garde de tout excès, ce qu’a été Vatican II, à savoir l’instauration dans l’Église d’une idéologie bourgeoise, au sens d’idéologie libérale de la modernité de la fin du XXe et de la première partie du XXIe siècle. La nouvelle liturgie, comparée à la liturgie traditionnelle et à ce que sont restées les liturgies orientales, est une liturgie désacralisée, une liturgie « profanée », c’est-à-dire une liturgie que le style et la pensée profanes ont envahie au détriment de l’accès à la transcendance. Ce qui produit un dommage spirituel immense, non seulement pour les fidèles catholiques, mais aussi pour toute une civilisation.

Au total, ce concile a placé l’Église dans une situation hors normes, très moderne, dans laquelle le non-droit (ici, essentiellement, un non-droit doctrinal) joue le rôle du droit et en tient la place. Comme si, fait inouï dans l’histoire de l’Église, le magistère comme tel, qui tranche et décide de manière définitive, n’avait pas osé ou n’avait pas voulu s’exercer.

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