Notre lettre 947 publiée le 21 juillet 2023

PAIX SUR LA TERRE
AUX HOMMES DE BONNE VOLONTE
OBJECTIF OU LEURRE ?

CHRONIQUE D'UNE EGLISE DANS LA TOURMENTE

En approche de l’île des Sirènes, Ulysse demande à ses compagnons de se mettre de la cire dans les oreilles pour échapper à la séduction mortifère des chants de ces étranges créatures. Lui-même, sur le conseil de Circé l'enchanteresse, se dispense de cette précaution car il veut jouir de ces sonorités extatiques. Mais il ne prétend pas en dominer l'irrésistible effet, et se fait attacher au mât de son bateau. Il sait que la mort attend les imprudents, inexorablement. L'hybris délaisse la Sagesse. Ulysse le rusé a le sang chaud, mais l'esprit sage. Plus que Dédale, et lui-même plus que son fils Icare. Ulysse retrouvera Ithaque sain et sauf.

N'est il pas légitime que de nombreuses moniales de Pontcallec, peu charmées par les promesses langoureuses du tango argentin, s'emploient à perdurer dans la fidélité à leur voeu en rejoignant d'autres cénacles aux convictions plus arrimées. Une diaspora est d'ores et déjà enclenchée. D'autres filles de l'abbé Berto, plus hésitantes à franchir le pas, peuvent espérer que le silence, et les brumes d'Elseneur, les protégeront du courroux bergoglien, pourtant largement exposé urbi et orbi. Partant, la mise en lumière d'une situation encore lourde d'ambiguïté les tourmente. C'est compréhensible. Ceux qui s'expriment sur Pontcallec ne savent pas tout, mais ça, ils le savent. Un peu d'ironie socratique n'est pas contraire à la charité. La recherche du vrai est progressive; elle n'en est pas moins belle et bonne.

L'esprit de Fratelli Tutti établit l'adoption par le Pape François de la religion des Focolari, celle de la fraternité universelle dont les racines puisent dans "Nostra Aetate", déclaration conciliaire (1965). De ces racines, le fruit est une Babel apostate, en un mot un chaos. La Rédemption doit tout à Notre Seigneur, quand Babel est la triste impasse des messianismes païens, ou redevenus tels. Mais toute Babel, au vu de ses revers, excipera d'une adversité extérieure, à juguler à tout prix. Depuis le contrat social de Rousseau (on les forcera à être libre..) en passant par Saint Just (pas de liberté pour les ennemis de la liberté), le totalitarisme marxiste incarnait un certain summum dans l'oppression méthodique des ennemis dits de classe, lesquels souvent s'ignoraient comme tels, et furent sacrifiés sans saisir pourquoi un avenir radieux et universel justifiait leur élimination.

C'est Albert Londres, journaliste de génie, qui restitue pour ses lecteurs de l'Excelsior ( se voulant "journal populaire de qualité"), les faits marquants de son voyage en URSS (1920), Il reproduit notamment les propos du Ministre des Affaires Étrangères de l'époque, le camarade Tchitcherine: "On se plaît toujours à dénaturer notre politique, nous dit-il; elle est cependant limpide: nous voulons la paix avec tout le monde. Par essence, nous ne sommes les ennemis de personne. Nous désirons, au contraire, devenir les amis de tout le monde. L'idée d'un impérialisme quelconque est si éloignée de notre nouvelle conception de rapports entre États que nous ne comprenons même plus ce que ce mot veut dire. On nous a fait la guerre, nous nous sommes défendus. Quand les États qui nous combattent déposeront les armes, nous déposerons, nous, jusqu'au souvenir que nous avons été des ennemis. Que cherchons nous? Le bonheur de notre peuple. Le bonheur des peuples n'a jamais consisté dans le plaisir d'opprimer d'autres peuples. Ne poursuivant de conquête que celle d'établir, sans frontière d'intérêt, la concorde entre tous les hommes, nous agirons, non point comme les anciens régimes, en opprimant pour posséder, mais en libérant pour recevoir."

Et Londres, éberlué, de commenter: on aurait cru entendre un autre ami du genre humain prononcer "Paix sur la terre aux hommes de bonne volonté". (Dans la Russie des soviets, ed. Arlea, Paris, 20O8). Eh bien, nous y sommes. Depuis "Fratelli Tutti" (2020), le masque est tombé. Du siège romain, une nouvelle mouture du temps linéaire annonce l'humanité libérée de ses chaînes, et coagulée sous la tutelle d'un démiurge, endiablé mais fraternel. Certes, on ne fait pas d'omelette sans casser des œufs, mais le poète roumain Panaït Istrati, contemporain du journaliste français mentionné, notait pour sa part: "je vois bien les œufs cassés, mais oû donc est l'omelette"?

Saint Mathieu met les fidèles en garde: "Ils viennent à vous habillés de peau de mouton. Mais au dedans, ce sont des loups féroces...". Les institutions rebelles à l'horizontalité naïve, et fidèles au rit qui glorifie certainement l'Unique Sauveur, et non toute foule ivre d'elle même, ont à ouvrir les yeux. C'est fou comme la fraternité imposée peut rendre agressifs ses promoteurs. Comment se protéger? Face au chaos du monde, Epicure avait sa réponse: "Pour vivre heureux, vivons cachés". Mais il ignorait qu'il aurait, le jour venu, à rendre compte de ses talents au Juste Juge de tous les hommes. Les religieuses de Pontcallec n'ont pas cette excuse, et seraient bien avisées d'identifier le loup qui les menacent, à travers la Fondation qu'il veut plier à sa main. Qu'elles gardent espoir, face à celui qui n'a jamais rien fondé de ses mains: Mère Marie Ferréol a bien trouvé un évêque fidèle et sans crainte inutile pour abriter l'exilée du camarade Bergoglio. A chaque jour suffit sa peine...


Dr Philippe de Labriolle, Psychiatre honoraire des Hôpitaux

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