Notre lettre 904 publiée le 11 décembre 2022
DIOCESE DE PARIS
ALLIANCE DU SABRE ET DU GOUPILLON
POUR COUVRIR UN CURE VIOLENT
En 2016, une étudiante d’origine syro-arménienne, qui a quitté la Syrie en guerre pour se réfugier en France, est battue comme plâtre par un curé responsable d’un foyer de jeunes dans le XVIe arrondissement. Six ans plus tard, malgré un signalement au diocèse de Paris – où Mgr Thibaut Verny, actuel responsable en charge des affaires d’abus sexuels du clergé, s’est occupé du dossier – l’affaire a été étouffée et la parole de la victime, ignorée.
C’est Riposte Catholique qui publie ce 9 décembre le témoignage de la victime, sur Twitter, qui date de la veille : «Levantine ? ???? ???? ???? ?? @jake1791 L'Eglise Catholique de Paris ferait mieux d'arrêter le prêtre parisien qui était violent physiquement avec moi au lieu de m'envoyer cela !!!! Aucun respect pour les victimes !!!!!!!!! #ciase #eglisecatholique #meetoo ».
Le média catholique donne des détails : « D’origine syro-arménienne, elle aurait été agressée physiquement par un prêtre du diocèse de Paris il y a quelques années. On n’en sait pas plus. L’agression ne serait pas de nature sexuelle ( ? ) , mais comporterait des coups et blessures, d’après le témoignage de l’intéressée, rendu public sur Twitter.
Mgr Thibaut Verny, évêque auxiliaire de Paris, aurait été saisi de l’affaire, mais on ignore ce qu’il en a été de la suite. Publiquement, mis à part ce témoignage de Twitter, rien n’a été dit, ni annoncé sur cette affaire.
La dissimulation à l’égard d’une telle affaire ne saurait être admise, et ce d’autant plus que les allégations sur ces faits graves sont publiques et visibles sur les réseaux sociaux, comme le prouve donc ce témoignage sur Twitter. L’agressée est donc d’origine syrienne. Elle était étudiante au moment des faits. L’agression, qui s’est déroulée dans un foyer d’étudiants, aurait été particulièrement violente, confirmée par d’autres témoins.
Mais on s’étonne que le diocèse de Paris n’ait pas réagi, alors qu’il y avait matière au regard de la gravité des faits. Pourtant, il avait été alerté. Le dossier aurait été classé sans suite[par le parquet] pour “infraction insuffisamment caractérisée“, une formule passe-partout, même si le parquet a été ensuite alerté par le diocèse de Paris… en 2020, après un signalement en 2019 selon la communication du diocèse de Paris, et dès 2018 selon la victime. C’est qu’il en faut du temps pour bien écrire une lettre. Et ce n’est malheureusement pas la première fois qu’il y a des affaires de violence physique dans le diocèse de Paris », achève Riposte Catholique »
Le média a publié une mise à jour cet après-midi : « La déléguée à la communication du diocèse de Paris, qui nous demande “de changer le titre“, tournure qu’elle n’utiliserait certainement pas avec le Canard Enchaîné ou le Parisien – espérons-le pour nos confrères – estime que “comme la justice n’a rien trouvé, le diocèse de Paris n’a rien à chercher non plus“. Le diocèse a-t-il seulement fait une enquête canonique ? Absence de réponse… qui en dit long ».
Le diocèse de Paris a-t-il abrogé le droit canonique ?( Mais celui-ci existe-t-il encore ? )
D’après la déléguée à la communication du diocèse de Paris, la victime n’a sollicité Mgr Verny qu’en 2019 et l’affaire a été transmise à la justice en 2020, qui a classé sans suite avec une formule passe-partout – visiblement, malgré les photos et l’existence de plusieurs témoins, les enquêteurs n’ont pas jugé utile de s’attarder sur le dossier. Le diocèse non plus visiblement – interrogé sur plusieurs affaires de prêtres qui ont des relations homosexuelles ou commettent des attouchements soulevées récemment par Paix Liturgique (lettre 898), et dont une seule a été traitée du fait de l’intervention de la Providence, le prêtre en question ayant été subitement hospitalisé – la déléguée diocésaine reste de marbre : « ce n’est pas une infraction pénale. Vous savez que l’une des causes de la crise des abus, c’est que les diocèses ne sont pas enquêteurs, nous n’avons pas vocation à se substituer à la justice civile ».
Ignore-t-elle les devoirs du sacerdoce ? Qui prescrivent notamment au prêtre de ne pas coucher avec ses paroissiennes (canon 1396) ou des hommes (canon 1395), même s’ils sont consentants ? De ne pas violenter les fidèles (canon 1370 paragraphe 3) ou les employés de l’église – un curé coopérateur, rive gauche, en a été hélas habitué jusqu’à ce qu’un employé violenté mette les poings sur les i ? Et en général, ne pas être matière à scandale…
Ou le diocèse de Paris a engagé sa propre « voie synodale » et a abrogé dans les faits le droit canonique, ne reconnaissant que le code civil et pénal – mais avec une application facultative, au bon goût des mis en causes et des évêques, qui peuvent s’en dispenser s’ils sont fortunés, mondains, bien en cour, ou ont de bons protecteurs – faculté dont le citoyen lambda ne dispose évidemment pas.
Visiblement, certains ignorent la notion de droit commun et se croient encore avant la Révolution – mais internet existe, les mauvais communicants aussi, et la vérité se fait jour encore plus vite que jadis par les libelles et les placets, colportés à travers tout le Royaume, et qui ont irrigué des décennies durant les raisons profondes du grand bouleversement qui a mis fin à l’Ancien Régime.
Cependant, en se défaussant systématiquement sur la justice civile, et en la laissant enterrer les affaires – puisque ce sont des juridictions du même ressort territorial qui enquêtent, et que des groupes de pressions, amicales des ouvriers du bâtiment philosophes, notables, semblent plus suivis que les livres de droit, les diocèses ont trouvé comment se débarrasser du problème des abus et du contrôle d’un clergé et d’employés diocésains pourtant de moins en moins nombreux.
Mais pour les évêques d’aujourd’hui, les Moulins-Beaufort, Ulrich, Aveline, Wintzer, les costumes ecclésiastiques du cardinal Pie, du cardinal de Bonald, du cardinal Lavigerie ou de Monseigneur Dupanloup sont peut-être un peu (beaucoup ?) trop grands.
Selon que vous soyez puissant ou misérable
les jugements de cour vous rendront blanc ou noir...
Cependant, ce qui est plus choquant encore dans cette affaire que l’incompétence criante de la personne chargée de la communication dans le diocèse de Paris, mais le fait que la personnalité du prêtre et le lieu des faits ont probablement contribué à ce que la parole de la victime soit délibérément ignorée par ceux dont c’était le devoir de l’écouter, de l’entendre et de rendre justice.
La première peut être remédiée. Il doit bien y avoir un code de droit canonique à l’officialité, rue Falguière dans le XVe arrondissement ou dans les bureaux de l’archevêché de Paris, 10 rue cloître Notre-Dame, mais peut-être les collaborateurs de l’archevêché s’arrangent-ils pour ne pas le voir, comme ils ignorent avec orgueil les fidèles qui prient le chapelet tous les jours de semaine de 13h00 à 13h30, par tous les temps, pour la paix liturgique et contre la persécution des fidèles de la messe de toujours.
Lors du lancement des états généraux de la Justice en octobre 2021, Emmanuel Macron prononçait ces mots : « La justice est un organe essentiel de l'Etat de droit et de notre démocratie, […] en ce qu'elle considère toutes les victimes et l'ensemble des parties avec une égale attention, considération ; elle assure réparation ; elle décide de peines pour les coupables avec la double vocation de punir et de réinsérer dans la société ; elle substitue, pour citer le philosophe Paul RICŒUR, la mise à distance des protagonistes au court-circuit de la vengeance. C'est ce lien qu'il nous faut densifier, le pacte Justice-Nation qu'il nous faut restaurer ». Quitte à mettre le droit canonique à la poubelle et faire du respect du droit commun l’alpha et l’oméga du sacerdoce, autant écouter le Président de la République.
L'écriture dit « Malheur aux pasteurs qui détruisent et dispersent Le troupeau de mon pâturage! dit l'Eternel ». L’alliance du sabre, du goupillon, et de l’onction médiatique ne connaît, elle, que la taille du plat de lentilles.
Tant pis pour les grands principes proclamés à la face du monde, le respect du droit commun, les leçons de morale données au Qatar, la défense des chrétiens persécutés, le conservatisme, la CIASE, l’écoute des victimes, le devoir moral de justice. La parole d’une étudiante syrienne chrétienne, qui avait cru trouver en France une terre d’accueil où elle ne serait pas battue pour sa Foi, ne compte pas, n’a jamais existé. Sa vie est classée sans suite sur un papier poussiéreux au fond des archives.
Et puis au pire, projeter un film anti-avortement à une heure de grande écoute, ça vaut absolution de tous les péchés et des complices.