Notre lettre 897 publiée le 3 novembre 2022
MGR LUC CREPY
Évêque de Versailles
ET LE DECLIN DES EUDISTES
Mgr Crepy, évêque de la « tolérance zéro », nommé à Versailles pour « nettoyer le diocèse (Golias) ? Élevé au grade de chevalier de la légion d’honneur en décembre dernier pour son engagement contre les abus dans l’Église, son passé de religieux eudiste (Congrégation de Jésus et Marie, fondée par saint Jean Eudes), lui donne une bonne connaissance d’affaires qui donnent la nausée et dont on voudrait bien que n’en adviennent jamais d’autres.
Un prêtre eudiste suspendu en Orléans, un autre visé à Versailles
Le 14 août, l'annonce tombe brutalement après la messe à Saint-Marceau, à Orléans : le curé, Laurent de Villeroché, eudiste qui enseigne aussi la théologie dogmatique à l'Institut catholique de Paris et au séminaire interdiocésain d'Orléans, ne reviendra pas « car une plainte a été déposée contre lui ». Une annonce qui a créé un choc malgré la torpeur estivale.
La République du Centre qui s'intéresse aux faits, le 1er septembre, indique la raison de la suspension : une plainte d'un quadragénaire versaillais pour des agressions sexuelles alors que l'abbé de Villeroché était aumônier de l'établissement versaillais prestigieux Saint-Jean d'Hulst, à la fin des années 1990. Le 19 août 2020, la justice classe l'affaire, prescrite, mais la procédure canonique suit son cours – une enquête sera finalement lancée à l'été 2022.
Des mesures conservatoires sont exigées en haut lieu – d'où ces annonces orales, alors que le prêtre mis en cause, par ailleurs collaborateur de la CEF – il est au conseil national de la liturgie sacramentelle – devait célébrer un mariage et quatre baptêmes dans les jours à venir. Présent « depuis quatre ans sur la paroisse » le père Laurent de Villeroché « nie énergiquement les faits ».
Le père Laurent Tournier, eudiste, qui dirige le séminaire d'Orléans dit dans les colonnes de la presse locale : « “Il est normal de chercher à savoir la vérité. On se demande de quel acte on parle. Il faut être patient et attendre les conclusions de l’enquête”.
Mais le 4 septembre, Riposte Catholique revient sur l'affaire, alors que le provincial Pierre-Yves Pecqueux publie un communiqué à destination des eudistes sur le sujet :
« Le Révérend Père Pierre-Yves Pecqueux, Provincial des Eudistes de France, a donc publié le communiqué ci-dessous dans lequel il admet implicitement les défaillances de ses prédécesseurs dans le traitement des abus sexuels d’un religieux de sa congrégation ».
Dans son communiqué, Pierre-Yves Pecqueux précise : « j'ai également pris en considération un évènement antérieur survenu au foyer Saint-Jean Eudes [à Paris] en 2012, pour lequel des mesures ont été prises ».
Quelles mesures ? « En 2012, le Provincial d’alors s’est contenté de muter l’abuseur, sans dispositions préventives », constate Riposte Catholique. En effet, il a été déchargé de la direction du foyer parisien pour « surmenage », comme l'indique un message sur le site de la province d'Afrique des eudistes, daté du 9 mars 2012 :
« Dans la dernière lettre circulaire de la province de France, le provincial de France nous informe que : constatant son état de surmenage, même après quinze jours de repos, je pense impossible pour le père Laurent de Villeroché de mener de front ses responsabilités et la préparation de sa thèse […] j'ai demandé au père Laurent de Villeroché de quitter sa fonction de directeur du foyer Saint-Jean-Eudes. Ceci prend effet aujourd'hui. Le père de Villeroché est nommé jusqu'au 31 août 2012 membre de la communauté du Bienheureux Ancel [à Versailles] Dorénavant sa mission est de finaliser le dépôt de son sujet de thèse de doctorat en théologie et d'effectuer la passation de sa charge d'économe provincial, tout en assumant ses interventions à l'institut catholique de Paris ».
Selon nos informations, cette affaire de 2012 a des similitudes avec l'affaire Santier, dans laquelle les actes délictueux avec majeurs ont aussi été accomplis dans le cadre d'un accompagnement spirituel. Nous constatons que la mutation de 2012 ne lui interdit même pas d'opérer des accompagnements spirituels.
Pour rappel, continue Riposte Catholique, « le RP Pierre-Yves Pecqueux est secrétaire général adjoint de la Conférence des religieux et religieuses de France (CORREF) présidée par Sr Véronique Margron, et à ce poste, censé participer activement à la lutte contre les abus sexuels commis par les religieux en France.
L’ancien provincial est devenu, quant à lui, recteur du grand séminaire d’Orléans, et membre de la cellule permanente de la CEF de lutte contre la pédophilie, présidée par Mgr Luc Crepy, ancien Supérieur des Pères Eudistes, récemment élevé au grade de chevalier de la légion d’honneur pour son engagement contre les abus dans l’Église ». Laurent Tournier était donc moins ignorant qu’il ne le prétendait devant la presse locale...
Suite à la venue au jour de cette affaire, Laurent Tournier aurait été retiré de la cellule permanente de la CEF de lutte contre la pédophilie – où il avait été recruté en 2016 lorsque Mgr Crepy devient responsable de la lutte contre les abus sexuels au sein de la CEF – le nouveau responsable, auquel Mgr Crepy a transmis sa charge cet été, étant l'auxiliaire parisien Mgr Verny.
En 2019, un ancien élève de Laurent de Villeroché au collège eudiste saint Jean de Béthune [Saint-Jean d'Hulst désormais, après fusion avec un établissement voisin] dit avoir été violé par son aumônier.
Depuis, révèle une source proche du dossier, « d'autres témoignages recueillis par les parents d'élèves ont rapporté les mêmes faits concernant Laurent de la Villeroché : voyeurisme, exhibitionnisme, sollicitations sexuelles dans le cadre de l'accompagnement spirituel.
Des professeurs et des parents d'élèves de Saint-Jean-Hulst ont demandé à Luc Crepy, évêque de Versailles, et à Pierre-Yves Pecqueux, l'actuel provincial des eudistes, de communiquer les faits au collège et anciens du collège afin que d'autres potentielles victimes puissent parler, et surtout puissent sortir d'un éventuel traumatisme.
Sous la pression de la Commission Reconnaissance et Réparation (CRR), Pecqueux a fini par publier un communiqué un peu sibyllin mais Crepy s'y est opposé, prétextant que les victimes n'ont pas porté plainte. Il a même réuni les responsables de la direction de l'établissement pour leur demander explicitement que l'affaire ne sorte pas de son bureau.
Il était prévu qu'un membre de la CRR vienne dans l'établissement, mais Luc Crepy s'y est opposé, en disant que c'était lui l'évêque et donc qu'il lui revenait de gérer la communication de cette affaire dans son diocèse ».
C’est d’ailleurs à Saint-Jean de Béthune que Luc Crepy il a fait ses études secondaires – il a d'ailleurs été interviewé par l'association des Anciens, le 8 mars 2016, un an après sa nomination au Puy.
De fil en aiguille, constate notre source, « près de trois ans ont été perdus, et finalement, l'enquête canonique n'a vraiment commencé que cet été – l'on se demande qui lui a fait perdre autant de temps, puisque d'après la communication officielle, le signalement à la Congrégation de la Foi a été fait dès 2019 et la plainte de l'ancien élève au pénal ». Et de s'exclamer : « heureusement que Mgr Crepy était alors responsable de la CEF pour la lutte contre la pédophilie, sinon qu'est-ce-que ça serait ! ».
Luc Crepy, eudiste
Doté, comme le relevait le média ponot Zoomdici le 7 février 2021, à la veille de son départ pour le siège de Versailles, d'une « fidélité indéfectible aux eudistes, son ordre d'origine », Luc Crepy, né à Lille, titulaire d'un doctorat en biologie végétale (1976-83), fait ses études à Saint-Jean de Béthune, est ordonné prêtre le 21 mai 1989 à Paris, pour les eudistes, chez lesquels il a fait sa profession religieuse le 10 décembre 1988.
« A Saint-Jean-de-Béthune, il fréquente l’aumônerie tenue par les eudistes, notamment un jeune prêtre dynamique : Michel Dubost. Celui-ci discerne derrière le profil scientifique de Luc Crepy une âme de prêtre. Il étudie la biologie végétale – c’est un expert du haricot –, se demande s’il ne va pas entrer à la Mission de France mais ce sont finalement les eudistes qui obtiendront ses faveurs », relève Golias dans son Trombinoscope (2022).
De 1989 à 1995, il commence son ministère paroissial comme curé du secteur pastoral de Brétigny-sur-Orge dans le diocèse d'Évry-Corbeil-Essonnes.
De 1990 à 2011, spécialisé en théologie morale – il obtient sa licence canonique en 1990, il l’enseigne à l'Institut catholique de Paris.
De 2001 à 2007, il est nommé provincial de France-Afrique au service de ses confrères eudistes et est président de la Conférence des Supérieurs majeurs de France.
Il se retrouve alors – comme le rappelle notre lettre 890 – chargé de solder la sombre histoire du séminaire d'aînés de Vienne-Estressin – c'est notamment l'affaire Ribes, qui a ressurgi début 2022, avec ses 70 victimes encore vivantes à travers les trois diocèses de Grenoble, Lyon – encore, et Saint-Étienne.
« Luc Crepy explique lui-même le processus de la fermeture du séminaire des aînés de Vienne-Estressin, qu’il a manifestement bien suivie, dans une brochure intitulée « Devenir prêtre lorsqu’on n’a pas le bac », parue en 2007 : « En 2003, ils ne sont plus que six. Comment alors maintenir une équipe de quatre formateurs et équilibrer un budget ? Comment faire vivre une si petite communauté ? Diverses possibilités sont étudiées. Devant le souhait pressant de plusieurs évêques et de responsables des vocations de maintenir une telle proposition, Mgr Dufaux, alors évêque de Grenoble, fait la demande aux évêques fondateurs du séminaire interdiocésain d’Orléans d’accueillir le séminaire d’aînés. Il se trouve que les eudistes ont en charge les deux séminaires… La décision est prise. En septembre 2003, le dernier séminaire d’aînés de France change d’adresse et continue sa mission à Orléans. Il y prend le nom de « Communauté Notre-Dame du Chemin » (CNDC), un nom évocateur pour l’itinéraire proposé… […]Dans la suite du séminaire d’aînés de Vienne, la communauté Notre-Dame du Chemin essaie d’offrir en une année scolaire les moyens permettant à des jeunes adultes de vérifier leur capacité à entrer au séminaire, alors qu’ils ont suivi peu d’études »
Cependant, le séminaire de Vienne déménage avec sa légende noire. Dès la seconde moitié des années 2000, le clergé orléanais sait, par des indiscrétions, que le séminaire de Vienne a connu de nombreux problèmes d’homosexualité, et que les séminaristes qui ne chutaient pas étaient réputés ne pas avoir la vocation. Pis, que certains de ses enseignants historiques ont abusé d’enfants. Le déménagement du séminaire – avec ses archives, longtemps stockées dans le grenier d’un bâtiment diocésain à demi-abandonné, non loin de la cathédrale ? – débarrassait aussi le diocèse de Grenoble d’un pénible passé qui ne devait pas ressurgir ».
De 2005 à 2007, il est aumônier de la prison de Fleury-Mérogis. De 2006 à 2008 il est commissaire pontifical pour la province de France et de Suisse des Filles du Cœur de Marie.
« Élu provincial des eudistes pour la France et l’Europe, Luc Crepy chapeaute simultanément l’ancêtre de ce qui deviendra la Corref, côtoie des détenus à Fleury-Mérogis, puis reprend sa place de recteur du séminaire d’Orléans. C’est un bon soldat qui ne refuse aucune mission », relève encore Golias, qui pense que l'intéressé a été nommé à Versailles pour « nettoyer le diocèse et en finir avec son prédécesseur aux mœurs suspectes (pour Rome) ».
En 2012, il est élu vicaire général de la Congrégation de Jésus et Marie à Rome, où il travaille à la reconnaissance de saint Jean Eudes comme docteur de l’Église. Il enseigne à l'université pontificale grégorienne, au Centre Saint-Pierre-Favre, dans la formation de formateurs à la vie sacerdotale et religieuse.
Le 12 février 2015, il est nommé évêque du Puy-en-Velay par le pape François. Il reçoit la consécration épiscopale le 12 avril 2015 en la cathédrale Notre-Dame du Puy, dimanche de la divine Miséricorde par Hippolyte Simon, assisté de François Kalist et Michel Dubost. « Il hérite durant cet épiscopat de la commission chargée par la CEF de suivre les abus. Il en sait long comme le bras sur les abus cléricaux en tout genre couverts par la hiérarchie ; il rencontre aussi des victimes, dont certaines – violentes, on peut le comprendre – le terrorisent volontiers. Luc Crepy ne brille pas à la présidence de cette commission, il n’en rêvait d’ailleurs pas la nuit… Néanmoins, il comprend vite que l’Église en France ne pourra pas s’en sortir à coups de demi-mesures. Il est de ceux, lors de la publication du rapport Sauvé, qui soutiennent des décisions énergiques, symboliques », relève encore Golias - mais les parents d'élèves de Saint-Jean d'Hulst en sont pour leurs frais.
Le 6 février 2021, il est nommé évêque de Versailles par le pape François. Il est installé le 11 avril 2021 à la cathédrale Saint-Louis de Versailles en la présence de l'archevêque de Paris, Michel Aupetit. Il a probablement bénéficié, pour accéder à ce siège prestigieux, à la tête du « diocèse le plus clérical de France », comme le regrette Christian Terras, certes, mais aussi de l'un des plus riches et l'un des rares qui a encore des vocations, de l'appui de son mentor, Michel Dubost, devenu selon Golias, « un des deux français qui a l'oreille du pape [François] : « eudiste émérite d’Évry-Corbeil-Essonne et qui assumé l’administration apostolique de Lyon, Cayenne et aux Foyers de Charité ».
Les Eudistes, une congrégation en grand déclin
En septembre, le journal québécois le Soleil consacre un long article à la vente de la maison mère des Eudistes à Québec – un bâtiment patrimonial qui sera transformé en logements, le parc étant loti.
« Nous discutons avec Normand Martin, l’économe provincial de la congrégation. Lui n’est pas prêtre ou père. Autrefois, on l’appelait «frère», maintenant on dit «associé».
Nous l’avons joint dans la nouvelle demeure des Eudistes de Québec; ils ont emménagé dans une résidence privée pour aînés neuve érigée à l’arrière de l’église du Très-Saint-Sacrement, en Haute-Ville.
Lui-même a été éduqué dans les écoles Eudistes au Nouveau-Brunswick avant de s’engager en 1961. Les «belles années. On était 80. À l’époque, la communauté religieuse s’occupait de paroisses sur la Côte-Nord, au Saguenay, dans le Bas-Saint-Laurent. Et avait des écoles à Gatineau, à Halifax, à Québec, à Montréal, deux au Nouveau-Brunswick. Même une à Buffalo ».
Aujourd'hui, ils ne sont plus que 19 à Québec, dont 5 à l'infirmerie, très âgés. « Outre les Eudistes de Québec, il en dénombre 4 à Montréal et 1 à Gatineau. Il ajoute : 5 au Nouveau-Brunswick, 10 aux États-Unis, 7 aux Philippines, 1 au Venezuela…En France, ” en 1994, il y a encore 191 eudistes français, et en 2016 ils sont 54 », tandis que leur nombre continue – légèrement – de croître en Afrique.
En France, ils vivent désormais en 2021 en huit petites communautés (Caen, Cosne-sur-Loire, Orléans, Paris, Rennes, Saint-Léonard-de-Noblat, Saint-Malo, Versailles, dont 10 à Saint-Malo-Paramé, qui regroupe les pères aînés, et 8 à Paris.
Ils ont encore quelques paroisses – dont Saint-Marceau en Orléans, au sud du centre-ville, où officiait le père Laurent de Villeroché, un séminaire – celui d'Orléans, même s'ils font aussi historiquement partie de l'équipe enseignante du séminaire de Rennes – son supérieur depuis 2009, Jean-Yves Amouriaux, spécialiste de Saint-Jean Eudes, est nommé supérieur général des Eudistes en 2017, et a été prorogé en 2022 pour cinq nouvelles années.
Ils ont aussi trois établissements scolaires sous tutelle – Saint-Jean d'Hulst, à Versailles, 3000 élèves, où ont eu lieu les faits reprochés au père Laurent de Villeroché, Saint-Martin, au cœur de Rennes (2200 élèves sur deux sites) et le Bon Sauveur au Vésinet (1600 élèves) où ils assurent les aumôneries. Et un centre spirituel à la Roche du Theil, dans le diocèse de Rennes, près de Bains-sur-Oust –achetée par les eudistes en 1842, cette propriété devient un noviciat en 1854, avec la construction de l'actuel bâtiment et de sa chapelle et accueille aujourd'hui des méditations et un centre de convalescence.
Néanmoins les eudistes se sont retirés de beaucoup d'endroits – des eudistes ont assuré la direction du collège Saint-Sauveur de Redon jusqu'en 1977 – le dernier directeur eudiste était André Lacau, décédé en 2016, enseigné au collège Sainte-Marie de Caen, ont accompagné jusqu'en 2016 les pèlerins au sanctuaire de Douvres-la-Délivrande, dans la plaine de Caen, eu une importante communauté à la paroisse du Saint-Esprit à Paris jusqu'en 2013, eu une maison de repos à Plancoët dans un ancien juvénat jusqu'en 2000.
L'eudiste Michel Cancouët, décédé le 10 décembre 2013, a enseigné la théologie au séminaire de Caen de 1978 à 1992 – il est fermé depuis 2015, puis à Rennes et Vannes jusqu'en 2006, tout en intervenant comme formateur à l'école de la Foi de Coutances dont Mgr Santier était alors directeur.
Le 15 janvier 2018, ICI Radio Canada consacre un article à une plainte déposée par un ancien élève du collège eudiste de Bathurst, qui s'appelait à l'époque Université du Sacré-Cœur, et le diocèse de Bathurst, au Nouveau Brunswick, pour des faits datant de 1953 reprochés au PP Roy et Methot.
Il n'y a pas eu d'article ultérieur sur cette affaire. Cependant, en matière d'abus sexuels au Canada, il n'y a pas de prescription comme en France, ni plafonds d'indemnisations et les diocèses peuvent être déclarés responsables des faits allégués à une communauté religieuse. Le diocèse de Bathurst a indemnisé plus de 80 victimes d'abus en 2015 – pour 5.5 millions de dollars canadiens, dans divers dossiers, et 1.5 millions de dollars à d'autres victimes qui ont esté en justice, avant de se retourner contre son assureur et de récupérer de haute lutte une partie de la somme en 2019, l'assureur Aviva refusant de payer, au motif que le diocèse avait protégé, des décennies durant, les auteurs d'abus.
Orléans, le dernier séminaire eudiste français
Nous avions vu plus haut que Laurent Tournier, recteur du grand séminaire d'Orléans, affirmait à la presse locale tout ignorer des faits reprochés à Laurent de Villeroché, alors qu'il l'avait lui-même muté de Paris à Versailles suite à un précédent en 2012, alors qu'il était provincial des Eudistes. Eudiste depuis le 29 novembre 1997, il a été ordonné prêtre le 1er juin 1998 et a été provincial de France pour les eudistes de 2010 à 2016 – il ferme alors en 2012 trois des dix communautés eudistes en France.
Luc Crepy a dirigé ce même séminaire interdiocésain d'Orléans de 1995 à 2001 et de 2007 à 2012.
Dans les intervalles, on retrouve un troisième homme – proche d'entre les proches de Luc Crepy : Pierre-Yves Pecqueux – qui était supérieur du séminaire d'Orléans en 2005, et à nouveau en 2013 – à ce titre, il fait partie d'une délégation de la CEF partie du 3 au 14 juillet en Afrique centrale, listée dans la Croix.
Il est actuellement supérieur de la province de France des Eudistes, depuis 2020. Depuis 2019, il est secrétaire général adjoint de la Conférence des religieux et religieuses de France (CORREF), dont une des missions est...de lutter contre les abus sexuels du clergé – les indemnisations des victimes sont instruites et décidées par la CRR, cependant.
Né à Boulogne sur Mer le 21 avril 1948 et ordonné prêtre de la Congrégation des Eudistes le 15 mai 1977, licencié en théologie, il fut Directeur du Service National pour la Mission Universelle de l’Église et Directeur national des Œuvres Pontificales Missionnaires de 2007 à 2012 – après avoir été pressenti en 2007 comme évêque auxiliaire à Poitiers, a été précédemment Supérieur du Séminaire d’Orléans et de Bangui et Directeur de la Délégation Catholique pour la Coopération et de l’Aumônerie générale des Français de l’étranger. En 2013 il est nommé pour trois ans secrétaire adjoint de la CEF.
Il est aussi très engagé chez les Scouts de France puis les Scouts et guides de France depuis 30 ans (Aumônier national, administrateur...). Le Père Pierre-Yves Pecqueux a été directeur du bureau de coordination du Scoutisme catholique de France pour l'Afrique et le Madagascar de 1971 à 1973 (Buliam) en Abidjan. Sa maîtrise de théologie, à l'ICP en 1994, a pour sujet « scoutisme et développement ». En 2004, il est aumônier national compagnon chez les Scouts et guides de France. En novembre 2013, le conseil d'administration des Scouts et guides de France a nommé un certain nombre d'acteurs engagés dans le mouvement, dont Pierre-Yves Pecqueux, comme membres d'honneur des Scouts et guides de France.
En 2005, alors que Pierre-Yves Pecqueux est le supérieur du séminaire d'Orléans, une instruction de Rome tombe pour exclure de l'ordination les candidats à la prêtrise qui présentent des tendances homosexuelles. Le texte indique que ne peuvent être ordonnés prêtres ceux qui « ceux qui pratiquent l'homosexualité, présentent des tendances homosexuelles profondément enracinées et soutiennent la prétendue culture gay ».
La Vie rédige alors un article très critique en faisant semblant de ne pas comprendre la décision romaine : « Il était donc possible, jusqu'ici, pour un homme d'orientation homosexuelle, de devenir prêtre puisqu'il s'engageait à une stricte chasteté. En l'occurrence, sa situation n'était pas différente de celle d'un prêtre hétérosexuel, qui doit également rester chaste. Désormais, un séminariste ressentant des tendances homosexuelles, même s'il estime pouvoir les maîtriser, ne pourra pas être ordonné ».
D'autant que La Vie donne le contexte : « Pourquoi le Vatican frappe-t-il si fort? Ces dernières années, une série de scandales ont secoué l'institution. En Pologne et outre-Atlantique, des évêques ont dû démissionner après divulgation de leurs liaisons avec des hommes. Aux États-Unis, une inspection des séminaires a été déclenchée suite à des plaintes d'évêques dénonçant la prise de pouvoir d'une sous-culture gay dans de nombreux centres de formation, ce qui découragerait des hétérosexuels d'entrer dans les ordres. En Autriche, en 2004, le séminaire de Sankt Pölten [...] a été fermé, après des révélations sur des relations entre le supérieur et ses séminaristes »
A l'époque supérieur du séminaire d'Orléans, Pierre-Yves Pecqueux se montre lui aussi très critique envers l'initiative romaine : « Une position partagée par le père Pierre-Yves Pecqueux, supérieur du séminaire interdiocésain d'Orléans : « Exclure un candidat d'office parce qu'on apprend qu'il est homosexuel relèverait de la sanction. Je n'ai jamais eu à dire à un candidat qu'il devait renoncer en raison de son homosexualité. En revanche, j'ai le souvenir d'un garçon qui, suite à une invitation d'être au clair à ce sujet, a préféré arrêter.» Ce praticien est assez bouleversé : « Ce texte jette le soupçon sur nos institutions. Or, en France, il n'y a pas de sous-culture gay dans les séminaires. Ces mesures nouvelles ne vont pas contribuer à les remplir. Les séminaristes qui sont concernés par l'homosexualité se retrouvent d'un coup montrés du doigt ».
Lors de l'enquête écrite en préparation de la nomination de Mgr Luc Crepy à l'évêché du Puy-en-Velay, le nonce apostolique d'alors, Luigi Ventura, aurait, selon nos informations, interrogé un de ses contacts : « est-il vrai, que le RP. Luc Crepy, eudiste, a favorisé l'ordination sacerdotale de séminaristes homosexuels lorsqu'il était recteur du séminaire interdiocésain d'Orléans ? »
Un cas interroge tout particulièrement. Celui de Matthieu Jasseron, né à Clamart en 1984, ex-clerc de notaire ordonné en 2019 pour le diocèse de Sens-Auxerre, la première ordination en huit ans dans ce diocèse en grand déclin, qui affirme alors « avoir voulu donner du sens à sa vie ». Formé au séminaire d'Orléans, il y entre en 2013, et célèbre son admission en 4ème année, en 2017 sur le blog du séminaire. Nommé curé de Joigny-Migennes, il est connu par son activisme sur le réseau social TikTok, fréquenté principalement par des adolescents.
En juillet 2021 il y affirme carrément « il n'est marqué nulle part, ni dans la Bible, ni dans le catéchisme de l'Église catholique, c'est à dire l'ensemble de la tradition, que d'être homosexuel ou de pratiquer l'homosexualité c'est un péché ». La vidéo fait scandale, à tel point qu'il est repris – très mollement – par son diocèse et la CEF.
Depuis, il a affirmé que le Diable n'existait pas (juillet 2022), soutenu les bénédictions de couples homosexuels en Belgique, mis en scène dans une de ses vidéos une religieuse peu convenable (juillet 2022 encore), et bien d'autres provocations – son compte dépasse le million d'abonnés en mai 2022. Combien de conversions ? Au point qu'un site de réponses catholiques a été créé par des fidèles excédés pour rappeler la position de l'Église sur les sujets qu'il (s)aborde – perematthieu.com
Le diocèse de Sens a renoncé à le sanctionner. Le diocèse de Sens-Auxerre, qui manque tant de prêtres que son évêque s'est vu forcé de reprendre une paroisse dans l'Auxerrois, après le départ à la retraite à 80 ans de son titulaire, qui s'est beaucoup activé pour torpiller l'implantation de la FSSP à Pontigny.