Notre lettre 879 publiée le 16 août 2022

MESSE BALNEAIRE SUR UN MATELAS GONFLABLE
A CROTONE ( ITALIE)

ET PENDANT CE TEMPS LA, DESIDERIO DESIDERAVI....

A LA RECHERCHE DE LA LEX CREDENDI...


Le 24 juillet dernier, un prêtre du diocèse de Milan, don Mattia Bernasconi, a célébré la messe dans l'eau, en maillot de bain, avec un matelas gonflable pour autel, à Crotone en Calabre. Le matelas était « face au peuple », un peuple de garçons et filles, en maillots de bain, eux aussi dans l’eau. Le scandale en Italie est immédiat – il choque le sensum fidei, et tout simplement le bon sens des fidèles, puis se propage à l'étranger, à la faveur d'une actualité estivale creuse. Le diocèse réagit moins vite que la justice italienne qui ouvre une enquête, tandis que le dossier prend des dimensions politiques – ce dont les italiens raffolent.

Même France 3, chaîne du service public audiovisuel, ce 28 juillet n’hésite pas à ressortir…le Code de Droit canonique pour rappeler que « le sacrifice eucharistique doit être célébré sur un autel consacré et béni ; en dehors d'un lieu sacré, peut être utilisée une table convenable, en gardant toujours la nappe et le corporal ». Les partisans de la laïcité – qui en ce moment dans le Limousin protestent contre l'installation par une municipalité d'un ermite belge dans une abbaye – semblent tous partis à la plage…

Les explications du prêtre dans sa lettre d'excuse (lire plus bas) interrogent : « Lorsque nous sommes arrivés à la pinède où la célébration était prévue, près de la plage, il ne nous a pas été possible d'entrer en raison d'un événement organisé par une autre association qui avait réservé toute la zone pour ses propres activités. Les organisateurs du camp nous ont ensuite emmenés sur une autre plage, mais il n'y avait pas de zones d'ombre et le sable était déjà chaud. Nous avons cherché d'autres endroits propices à la célébration, mais comme nous n'en avons pas trouvé, il nous a semblé significatif, dans le contexte du camp que nous venions de vivre, de célébrer dans l'eau, immergés dans la "terre" qui nous avait accueillis pour travailler et réfléchir pendant les jours que nous venions de passer là. Lorsqu'une famille qui se trouvait à proximité nous a entendus, elle nous a offert son matelas comme autel et j'ai décidé d'accepter ».


Le lieu : la Calabre


Crotone en Calabre (pied de la botte), face à la mer. C'est une ville de 64.000 habitants, tout au sud de l'Italie, dans un lieu attaché aux traditions – et un des bastions de la Mafia, ce qui a son importance dans le dossier.

Le diocèse qui est un archidiocèse, est situé dans la province de Crotone et dans une partie de la province de Catanzaro, cette dernière province étant partagées par l'archidiocèse de Catanzaro-Squillace et le diocèse de Lamezia Terme. Son territoire a une superficie de 18 885 km2 divisé en 82 paroisses regroupées en 7 archidiaconés. Le siège archiépiscopal est à Crotone où se trouve la cathédrale de l'Assomption. La cathédrale de Santa Severina dédiée à sainte Anastasie d'Illyrie est l'ancien siège de l'archidiocèse de Santa Severina.

Dans l’archidiocèse se trouvent également quatre anciennes cathédrales : l’église Saint Michel Archange à Belcastro, l’église de l'assomption d'Isola di Capo Rizzuto, l’église des Saints Pierre et Paul à Strongoli et l’église Saint Donat à Umbriatico. Il reste quelques ruines de la cathédrale de San Théodore de Cerenzia tandis que rien ne reste de la cathédrale de saint Léon de Scandale.

L'archidiocèse actuel est le résultat de l'union de l'archidiocèse de Santa Severina et du diocèse de Crotone par le décret Instantibus votis de la Congrégation pour les Évêques du 30 septembre 1986.

Ont participé à la liturgie les jeunes de la pastorale qui ont conclu un camp de volontaires ,la légalité de l' association anti-mafia Libera , qui gère des terres confisquées aux clans locaux.

Au cours de l'homélie, le père Mattia a commenté les lectures dominicales du rite ambrosien axées sur les raisons de dire oui à la loi du Seigneur et d'entrer dans la terre promise : « L'eau de la mer qui était auparavant agitée et qui est maintenant si claire - dit-il, - c'est comme notre expérience qui, en travaillant avec Libera et en rencontrant des gens, nous a permis d'y voir plus clair. La réflexion porte sur ce que nous voulons faire maintenant que nous rentrons chez nous : nous engager davantage dans la légalité et le respect ou laisser les choses telles qu'elles sont ? ».


Le célébrant : un aumônier des jeunes, qui sait parler aux jeunes


Contrairement aux explications embarrassées du clergé et d'une partie de la presse, le célébrant était quelqu'un d'assez connu dans son diocèse d'origine, un aumônier des jeunes ordonné en 2014, prêtre charismatique et populaire dans le nord de l'Italie, pas méchant, mais jeuniste. Il Giorno revient sur sa biographie :


« Voici qui est le prêtre qui s'est retrouvé dans la tempête médiatique et qui a fait l'objet d'une enquête du parquet pour avoir célébré une messe au bord de la mer pour ses garçons travaillant dans un camp d'étude à Crotone. Don Mattia Bernasconi a 36 ans et est originaire de Milan , mais depuis 2001 sa famille a déménagé à Cesano Maderno , où est née sa vocation, également en fréquentant l'oratoire (foyer de jeunes catholiques) et la paroisse de Binzago. A Milan, il a fréquenté l'école de la Chapelle Musicale de la Cathédrale de Milan et aussi le lycée. À Binzago, Don Mattia commence à fréquenter l'oratoire et fait partie de l'équipe de football du POB. Il poursuit également son initiative d'aide humanitaire à travers l'opération Mato Grosso impliquant les nouveaux amis de Binzago. A la fin du bac, il part six semaines au Pérou, vivant une forte expérience de mission humanitaire. 

De retour en Italie, il s'inscrit à l'École polytechnique où il obtient un diplôme en génie aérospatial, après d'intenses années d'études et de recherche, ce qui l'a également amené à travailler avec l'une des entreprises italiennes les plus importantes du secteur et à présenter un projet à l'Université d'Aix-la-Chapelle en Allemagne.

Entre-temps, Don Mattia se fait également remarquer par sa grande passion pour la musique (il joue du piano, de l'orgue mais aussi de la guitare électrique dans le groupe Par-rock qu'il a contribué à fonder), ainsi que celle du football, également pratiquée après l' ordination diaconale, qui a eu lieu le 28 septembre 2013, destinée à la paroisse de San Luigi Gonzaga à Milan . En juin 2014, il a été ordonné prêtre. 

C'est donc un jeune prêtre qui parle aux jeunes avec le langage des jeunes. Il tient un blog personnel, un blog jeune, dans lequel il publie ses réflexions, des réflexions jeunes, ainsi que les homélies prononcées à l'église pendant la messe, où il peut également arriver qu'il utilise des exemples de football contemporain citant des équipes, des footballeurs et des entraîneurs. Ses pages sociales sont très populaires et il les utilise comme un outil pour transmettre la foi, pour atteindre même les personnes les plus éloignées. Ici, il raconte les expériences vécues à l'oratoire, dans la paroisse, avec les garçons, là il raconte aussi l'expérience du Campo Lavoro avec les jeunes d'Isola di Capo Rizzuto dans les champs agricoles entretenus par Libera. Ici, il a également diffusé sa lettre d'excuses officielle, publiée sur le site Web de la paroisse de San Luigi Gonzaga à Milan, rassemblant immédiatement beaucoup de solidarité.

"Don Mattia qui vous connaît sait combien d'amour et de respect vous avez pour Jésus et l'Église, merci pour tout ce que vous faites" - écrit Paolo, "Nous étions avec vous avant, nous le sommes encore plus maintenant, continuez à être avec les garçons et aidez-les à découvrir la beauté d'être avec le Seigneur, qui, à mon avis, n'était pas du tout en colère contre votre geste ", ajoute Giorgio. Pour Jacopo : « Le monde d'aujourd'hui vit de superficialité et de forme, en fait il s'effondre ».


Un choc de civilisation italo-italien : la justice et les politiques s'en mêlent


Les ingrédients du scandale politique italien sont réunis : un célébrant du Nord de l'Italie, populaire chez les jeunes locaux et volontiers transgressif, à l’italienne, comme ces prêtres qui célèbrent des messes de mariage à la festivité délirante et rigolarde, vient animer un camp de jeunes qui gèrent des terres et des biens confisqués aux mafieux de Calabre, tout au Sud – presque l'Afrique pour les Italiens du Nord, mafieux qui sont des notables locaux respectés malgré leurs crimes.

Dans le même temps, divers auteurs d'Italie du sud, dont Roberto Saviano à Naples, dénoncent dans divers ouvrages une stratégie de lutte anti-mafia pilotée par des juges, des médias et des politiques du Nord qui se réduit à stigmatiser l'Italie du Sud, d'où sont originaires les clans mafieux, et dont on fait passer la population pour complice ou mafieuse elle-même, assoiffée de l'argent arraché aux Italiens du Nord, alors que l'argent de la mafia profite largement aux entreprises, aux partis politiques et aux villes d'Italie du Nord où ils investissent depuis les années 1960, voire à l'étranger depuis les années 1980 (côte d'Azur en France, Suisse, Allemagne, USA, Amérique du Sud etc.)

La presse locale se fait écho de la messe scandaleuse, dans l'eau, avec force photos. Puis le parquet local annonce ouvrir une enquête, ce que la presse locale annonce, seule, à nouveau.

« Le parquet de Crotone annonce avoir saisi un dossier et ouvert des enquêtes pour "offense à une confession religieuse" en relation avec l'épisode d'une prétendue célébration religieuse tenue en mer devant la plage de la ville et dont les images ont été diffusées sur les médias de masse ». C'est ce que l'on lit dans un communiqué envoyé il y a peu par le parquet de Crotone », annonce le média Crotonenews.

L'Italie ayant perdu son gouvernement sur fonds de problèmes politiques internes qui durent depuis longtemps, aggravé par les difficultés économiques liées à la guerre en Ukraine et la ligne atlantiste du gouvernement, le contexte est actuellement électoral, et explosif, avec une extrême-gauche en voie d'implosion et de l'autre côté une Ligue du Nord distancée par le discours à la fois plus radical et plus recentré de Fratelli d'Italia, plus à droite.

Le curé a reçu le soutien d’un député du parti de la Ligue du Nord, Manfredi Potenti, qui sur Twitter a défendu son « courage de porter nos valeurs chrétiennes à la plage ».

il manque la forme, mais pas la substance ! Nous devons défendre le prêtre de Crotone car il a eu le courage de porter nos valeurs chrétiennes aussi à la plage »)


https://twitter.com/ManfrediPotenti/status/1552259533711474693?ref_src=twsrc%5Etfw%7Ctwcamp%5Etweetembed%7Ctwterm%5E1552259533711474693%7Ctwgr%5E%7Ctwcon%5Es1_&ref_url=https%3A%2F%2Fwww.leparisien.fr%2Fsociete%2Fun-pretre-qui-celebre-la-messe-en-mer-sur-un-matelas-gonflable-fait-polemique-en-italie-27-07-2022-CBZT4WMEUJFJ7HCQSV5J62R65U.php


L'archevêché essaie maladroitement de se sortir de la nasse


Néanmoins, au-delà de l'aspect local, politique puis judiciaire italo-italien, c'est la forme de la messe et l'irrespect apparent pour le saint sacrifice qui ont fait scandale hors de Crotone et participé à rendre cette affaire mondiale.


Le Parisien évoque un adage que les derniers textes pontificaux contre le rite tridentin ont remis en mémoire, dès les premiers mots de son article, le 27 juillet dernier  : « La loi de ce qui est prié est la loi de ce qui est cru » ou « Lex orandi, lex credendi » en latin, quel que soit le lieu de la prière dans le rite romain catholique. Un prêtre de Crotone en Italie a pris ce principe à la lettre et fait polémique dans la très catholique botte italienne, pour avoir célébré une messe dimanche en mer à Crotone en Calabre (sud), en maillot de bain et en utilisant un matelas gonflable comme autel.

Dans un communiqué publié sur son site, l’archevêché de Crotone avait critiqué la décision du prêtre, arguant que « la célébration eucharistique possède un langage particulier fait de gestes et de symboles qu’il est juste de respecter et valoriser, sans y renoncer avec trop de superficialité ». « Surtout, il est nécessaire de maintenir ce minimum de décorum et d’attention aux symboles », avait-il insisté. Tout est symbole quand il est question de foi chrétienne en Italie.

Face à la chaleur et au manque d’ombre, don Mattia Bernasconi, un prêtre de Milan, avait choisi de célébrer la messe dans les eaux accueillantes de la Méditerranée, destinée à conclure les activités d’un camp de jeunes volontaires milanais de l’association Libera, qui gère des terrains confisqués à la Mafia. L’événement a été immortalisé par des caméras et rediffusé sur plusieurs médias. Sur les images, on peut voir le prêtre torse nu devant son autel improvisé et face à ses ouailles en maillot de bain ».

En effet, le lendemain de la messe pour le moins délictueuse, le 25 juillet à midi – après le début d'une enquête à Crotone – l'archevêché de Crotone (diocesikr.it) a publié un communiqué sur son site, sous le titre Redécouvrir la beauté des symboles liturgiques, traduit sur le Forum Catholique :

« La messe célébrée dans la mer, sur un matelas gonflable et en maillot de bain, par un groupe paroissial de Milan, a fait grand bruit dans les médias. A travers le reportage proposé par la presse, on peut saisir toute la beauté et la gravité de l'expérience vécue par ces jeunes, qui ont choisi notre territoire pour s'engager dans un camp de volontaires et s'interroger sur le thème de la légalité. Un choix à apprécier et dont il faut être reconnaissant. Ces jeunes ont enrichi notre terre de leur présence et ont vécu un moment de croissance qui aura également un impact sur les lieux de leur vie quotidienne.

En s'inspirant de cet épisode, il est toutefois nécessaire de rappeler que la célébration de l'Eucharistie et, en général, la célébration des sacrements possède un langage particulier, fait de gestes et de symboles que, de la part des chrétiens et surtout des ministres ordonnés, il est juste de respecter et de valoriser, sans y renoncer trop superficiellement.

Dans certains cas particuliers, lors de retraites, de camps scolaires, sur des lieux de vacances, il est également possible de célébrer la messe en dehors de l'église. Il est cependant toujours nécessaire de prendre contact avec les responsables ecclésiastiques du lieu où l'on se trouve, afin de se conseiller mutuellement sur la manière la plus appropriée de réaliser une célébration eucharistique de ce type. Il est surtout nécessaire de maintenir le minimum de décorum et d'attention aux symboles requis par la nature même des célébrations liturgiques.

" Là où deux ou trois sont réunis en mon nom, je suis au milieu d'eux " : c'est ce qu'a promis Jésus (Évangile selon Matthieu, ch. 18). Bien sûr, tout lieu et toute circonstance sont propices pour parler de lui, pour témoigner de la joie d'être ses disciples et la partager avec ceux que nous rencontrons. Or, nous, les humains, sommes des "êtres de symboles" : le corps, l'habillement, les objets que nous utilisons sont des véhicules de communication. La liturgie est le moment où les symboles simples mais éloquents développés au cours de nombreux siècles de vie des communautés chrétiennes sont utilisés pour rendre accessible une expérience : la rencontre avec Jésus ressuscité et le "nous" ecclésial.

C'est pourquoi un certain formalisme est également requis pour la célébration. Il est clair que le seul soin de la forme ne garantit pas l'authenticité d'un geste liturgique. Toutefois, il ne s'agit pas d'une dimension à négliger ».


Piégé entre le jeunisme forcément sympathique du célébrant, et aussi l’air liturgique du temps (cf. la participation inopinée et « sauvage » du pape lors d’une messe dans l’église des jésuites de Rome, sans ornements sacerdotaux), et la nécessité de ne pas approuver une célébration qui a fait dégainer plus vite que leur ombre les carabiniers locaux et qui choque le bon sens des Italiens, qu'ils pratiquent ou non – et surtout s'ils ne pratiquent plus, le diocèse de Crotone avance timidement qu'il « faut maintenir un minimum de  décorum ». Pour rendre grâce à Dieu ? Plutôt pour éviter le scandale.



Des excuses du prêtre, dépassé par son génie prophétique


Sur son blog, le prêtre mis en cause a publié sa lettre d'excuses, on imagine demandée et négociée avec l’archevêché pour n’avoir pas à sévir, traduite sur le Forum Catholique. Certes, il présente clairement ses excuses pour le scandale donné, mais tout en expliquant qu’il lui a semblé « significatif » (la liturgie « fait signe », et comme on sait les vieux symboles du rituel ne parlent plus à personne), dans le contexte du camp, l’occasion faisant le larron si l’on ose dire, de célébrer dans l'eau. Mais le symbole était trop fort, trop génial : « les symboles sont forts, c'est vrai, et ils parlent, parfois d'une manière différente de celle que nous souhaiterions. » Du coup, on est fortement interrogé sur la formation des prêtres en Italie – il n'a été ordonné qu'en 2014, c'est très récent, et même sur cette messe, qui est présentée comme un acte fortuit, mais en quelque sorte providentiel, même si les « faibles » ont été scandalisés.


« Très cher archevêque Mario

chers Vicaires épiscopaux

chers frères,

chers frères et sœurs dans la Foi

Je vous écris ces quelques lignes, mais sincères, pour m'excuser de la célébration du dimanche 24 matin dans les eaux de la mer à Capo Colonna.

J'étais là avec un groupe de garçons de l'oratoire avec lesquels nous avons partagé une merveilleuse expérience en travaillant dans la propriété confisquée à la Mafia et gérée par Libera. Le dimanche, dernier jour du camp, nous avions prévu de célébrer la messe puis de passer une journée à la mer avant de rentrer à Milan.

Lorsque nous sommes arrivés à la pinède où la célébration était prévue, près de la plage, il ne nous a pas été possible d'entrer en raison d'un événement organisé par une autre association qui avait réservé toute la zone pour ses propres activités. Les organisateurs du camp nous ont ensuite emmenés sur une autre plage, mais il n'y avait pas de zones d'ombre et le sable était déjà chaud.


Nous avons cherché d'autres endroits propices à la célébration, mais comme nous n'en avons pas trouvé, il nous a semblé significatif, dans le contexte du camp que nous venions de vivre, de célébrer dans l'eau, immergés dans la "terre" qui nous avait accueillis pour travailler et réfléchir pendant les jours que nous venions de passer là. Lorsqu'une famille qui se trouvait à proximité nous a entendus, elle nous a offert son matelas comme autel et j'ai décidé d'accepter.

Il n'était nullement dans mon intention de banaliser l'Eucharistie ou de l'utiliser pour d'autres messages de quelque nature que ce soit, il s'agissait simplement de la messe qui clôturait une semaine de travail avec les jeunes qui avaient participé au camp, et le contexte du groupe (des jeunes qui avaient célébré et travaillé avec moi pendant une semaine) me semblait suffisamment préparé pour préserver le caractère sacré du Sacrement même dans la simplicité et la pauvreté des moyens.

Mais les symboles sont forts, c'est vrai, et ils parlent, parfois d'une manière différente de celle que nous souhaiterions. C'était naïf de ma part de ne pas leur donner le poids nécessaire.

Je vous assure qu'il n'y a pas eu de manque d'attention ni de soin pour la Parole et l'Eucharistie, mais hors contexte, la forme est plus éloquente que le fond, et un moment de prière vécu avec intensité et sens par les jeunes présents a offensé la Foi de beaucoup : j'en suis profondément attristé.

En lisant le beau communiqué du diocèse de Crotone et Santa Severina, également relayé par le nôtre (Redécouvrir la beauté des symboles liturgiques), je reconnais que je n'ai pas accordé l'attention nécessaire à l'appréciation d'un Mystère si grand et si indignement confié à nos humbles mains. J'ai toujours vécu la célébration de l'Eucharistie avec une conscience profonde de l'immense Mystère d'amour qu'elle recèle et véhicule, et en huit ans d'ordination, c'était la première fois que je ne portais pas au moins une aube et une étole. Mais je me rends compte que même une seule fois, c'est trop.

Je demande pardon humblement du fond du cœur également pour la confusion causée par la médiatisation des nouvelles et des images : il n'était absolument pas dans mon intention qu'elle ait une telle importance, à tel point que pour la célébration nous avions choisi un lieu initialement isolé et loin des parasols (même si quelques personnes, nous ayant vus de loin, se sont jointes à la célébration).

Dans la messe que j'ai célébrée lundi après-midi dans l'église paroissiale de St Louis, j'ai demandé pardon au Seigneur pour ma superficialité qui a fait souffrir tant de personnes.

J'espère que vous pourrez comprendre mes bonnes intentions, entachées de trop de naïveté, et accepter ma sincère demande de pardon.

Avec une prière pour notre Église et pour nous tous,

don Mattia »



Et voilà. De la dérision avec laquelle est traité le sacrifice de la messe, il n’est pas question, ni chez l’évêque, ni chez le prêtre. Pas de sanction pour ce gentil prêtre (comme on parle des gentils organisateurs du Club Med), si plein de gentilles intentions pour ses gentils paroissiens. Les jésuites qui tournent autour de Santa Marta, et qui promeuvent pour le prochain conclave la candidature du cardinal Tagle, le cardinal-qui-sait-parler-aux-jeunes, ont dû jubiler : c’est une sorte d’acte prophétique, inspiré, qu’a posé Mattia Bernasconi !

Et, pendant ce temps, Desiderio desideravi réitère les foudres de Traditions custodes et des Responsa : il faut en finir, toutes affaires cessantes, avec le vieux rituel tridentin suranné et son ecclésiologie dépassée ! Au fond, c’est vrai, cette messe flottante, sur une sorte de radeau, vraie caricature de fait blasphématoire, est la parfaite illustration d’une ecclésiologie de naufrage.

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