Notre lettre 1109 publiée le 1 octobre 2024

FACE AU DÉSERT RELIGIEUX LINGON,

MGR DE METZ-NOBLAT

DÉGAINE LES ÉQUIPES D'ANIMATION PASTORALE...

QUI ONT ECHOUÉ PARTOUT AILLEURS

UNE ÉGLISE SANS PRÊTRE
EST UNE ÉGLISE EN VOIE D'EXTINCTION

Mgr de Metz Noblat, évêque de Langres, publie une lettre pastorale pour les dix ans de son épiscopat. Elle ne fait étonnamment que 8 pages, et est à peu près compréhensible au commun des mortels.

La crise des vocations y est abordée : "Nous étions habitués, depuis des siècles, à ce que celle-ci repose principalement sur les prêtres. Jadis, il y avait un curé dans chaque village, qui animait une communauté regroupant la majorité de la population. Or, la crise des vocations a commencé à se faire sentir dès la fin du dix-neuvième siècle. Elle s’est accélérée après la Deuxième guerre mondiale, obligeant au regroupement des paroisses, d’abord par ensemble de deux ou trois, puis d’une dizaine. Il y a vingt-cinq ans, mon antéprédécesseur, Mgr Léon Taverdet, a décrété la transformation de plus de cinq-cent-cinquante paroisses et annexes en trente-et-une, groupées en dix doyennés, mais, aujourd’hui, le petit nombre de prêtres (une trentaine, dont plusieurs d’un âge honorable) ne nous permet plus d’avoir la même présence qu’hier, un curé pouvant avoir trente voire soixante villages sous sa juridiction.

Bien sûr, nous pouvons toujours rêver faire venir des prêtres d’ailleurs, grâce aux communautés réputées florissantes ou aux partenariats avec d’autres diocèses, mais cela demeurera un pis-aller. Nous n’allons pas bénéficier de cinquante prêtres subitement, qui nous permettraient de vivre comme nous l’avons toujours fait. De plus, tous les prêtres n’ont pas nécessairement les capacités et les charismes pour être curés... J’ai bien conscience que cela entraîne un changement profond, tant pour les prêtres que pour les fidèles."

Après avoir écarté, donc, le recours aux prêtres fidei donum, il dégaine LA solution – dont on s'étonne qu'elle n'ait déjà été appliquée sous d'autres formes dans un diocèse qui a largement été évangélisé par la Mission de France... qui a laissé derrière elle un désert de sel.


« Il y a déjà les Equipes de Coordination Paroissiale qui contribuent au bon fonctionnement des paroisses, il y a maintenant des Equipes d’Animation Pastorale qui, selon le Code de Droit Canonique, « participent à l’exercice de la charge pastorale » . La mise en place de ces EAP permettra aux prêtres de concentrer leur activité sur ce qui fait l’essentiel de leur ministère, à savoir la célébration des sacrements et l’annonce de l’Evangile, et à des fidèles d’œuvrer davantage dans l’organisation des activités paroissiales. J’ai bien conscience que la taille des paroisses peut être un obstacle ; c’est pourquoi, pour éviter d’avoir des territoires gigantesques à couvrir et pour faciliter une proximité de rencontres, je recommande que soient vécues des assemblées dominicales autour de la Parole de Dieu".


EAP et ADAP – les fameuses assemblées dominicales en l'absence de prêtre – seraient donc les deux mamelles qui relanceraient le diocèse ?


Plus terre à terre, Riposte Catholique en doute : « le diocèse de Langres devra pourtant faire des choix : il n'y a plus de séminariste diocésain depuis l'ordination, en juin, de Christian Charpentier-Masson, et il s'agit d'un des rares diocèses de France sans messe diocésaine en latin - la FSSPX n'est présente qu'à l'extrême-nord de la Haute-Marne, à Joinville. Il y en a bien eu une - sans doute la première depuis le Concile - des funérailles dans l'église de Saulxures en 2021, mais certains villageois d'un âge canonique ont fait éclater leur intolérance dans les colonnes de la presse locale. Il est vrai que faire l'unité et le recueillement autour d'un mort, surtout s'ils sont deux, c'est peut-être trop demander à ceux qui veulent que le diocèse périsse avec leurs convictions, et tant pis pour l'avenir ».


Et pendant ce temps, à Saint-Claude il n'y a plus de curés et même de laïcs


Pendant ce temps, à l'autre bout de l'est de la France, dans le diocèse jurassien de Saint-Claude, dont le chef-lieu, certes situé au bout d'une des plus belles lignes de chemin de fer de France – la ligne des Hirondelles, trois heures de train avec une correspondance à Mouchard, illustre à merveille l'enclavement, la désindustrialisation et la déconfiture du diocèse – il n'y a plus beaucoup de curés, et même les laïcs des EAP peinent à être trouvés.


C'était du moins, en juin 2023, le constat quelque peu las du conseil presbytéral -

• « il n'y a plus assez de curés : "il est urgent de repenser la vision pastorale et la mission du diocèse, ainsi que la vie et le ministère des prêtres dont le nombre de plus en plus réduit, pose un réel problème pour répondre aux demandes diverses et variées du peuple de Dieu".

• si l'installation d'EAP (équipes d'animation pastorale) pourrait être une solution pour remplacer à terme les curés [les fameuses ADAP, assemblées dominicales en l'absence de prêtres], après un demi-siècle de "printemps de l'Eglise", même elles peinent à être renouvelées. Le conseil presbytéral a proposé ainsi de "nommer des "personnes relais" dans les villages, surtout là où il est difficile de renouveler l’EAP".


Conscient du problème, Mgr Garin a expliqué qu'à son arrivée début 2021 dans son diocèse, "concernant mon presbyterium, j'allais rapidement me retrouver avec moins de 10 prêtres incardinés et une quinzaine de prêtres fidei donum, essentiellement venus d’Afrique [et d'Inde], dont il fallait repenser l'accompagnement " Pour les solutions, on allait voir ce qu'on va voir.


Mgr Garin tout feu tout FLAM : et pendant ce temps là, la maison brûle

Erigé en modèle par KTO – comme l'inénarrable Mgr Souchu dans les Landes, Mgr Garin est un bon exemple de la dérive de plus en plus administrative d'une église officielle de plus en plus déconnectée des réalités. N'ayant jamais lu Courteline, sans doute, il s'est dit qu'en changeant l'acronyme d'un organisme en panne, il le ressusciterait.

Et c'est ainsi qu'il va remplacer les EAP par des FLAM : « "Progressivement, des FLAM, des Fraternités Locales d’Animation Missionnaires, remplaceront les EAP. Les 4 mots sont importants : la Fraternité Locale (c’est-à-dire la proximité), Animation, Mission. Elles auront, avec les prêtres et les diacres, la charge d’animer la paroisse dans une perspective missionnaire.

La Fraternité des Missionnaires Diocésains sera chargée de soutenir ces FLAM. Le but étant que chaque membre d’une FLAM ait un référent au niveau de la Fraternité des Missionnaires Diocésains. De même, que chaque membre du CEP ait un référent au niveau de la Curie. Nous essaierons de faire en sorte que chaque paroisse soit animée par une équipe de 2 prêtres minimum (l’idéal serait 3). Il nous faudra bien sûr regrouper les comptabilités et surtout renouveler et préciser la mission des Conseils économiques paroissiaux qui joueront un rôle important."


Inutile de dire que Mgr Garin parti vers des cieux plus cléments, son successeur devra trouver un autre nom. Il sera cependant inutile qu'il parte des réalités de son diocèse, qui a actuellement quatre vocations sacerdotales (une à la FSSP, une à la CSM et deux diocésaines)... toutes issues non des EAP qui peinent à se renouveler, mais d'une unique communauté traditionnelle de cinquante fidèles avec une à deux messes par mois à Dole, tout au nord du diocèse. Surtout, ne le dites pas à Mgr Garin qui n'a pas renouvelé le contrat du desservant diocésain, mis fin à la coopération avec la FSSP pour desservir cette messe et fait à peu près tout pour flinguer ce vivier inespéré de vocations qui contredit la thèse d'une Eglise par et pour des laïcs.


Tulle : Mgr Bestion dresse la liste des manquements des EAP

Autre terroir, mêmes problèmes. Dans sa lettre pastorale de l'Assomption 2023 injustement méconnue, Mgr Bestion, évêque de Tulle, dresse au détour d'une des nombreuses pages une liste de reproches aux EAP – et notamment le fait que dans un si petit diocèse, les fidèles ne savent pas à quoi elles servent (sauf à les faire fuir?)

« Les E.A.P. existent, mais elles ne sont pas suffisamment connues par les paroissiens. Beaucoup ignorent en quoi consiste leur mission. Comment se passe la collaboration entre prêtre et laïcs, au? sein de l’E.A.P. ? Des formations sont proposées (chaque année, une journée de rencontre des EAP Lot/Corrèze ; l’année dernière une formation d’une journée sur la coresponsabilité proposée aux prêtres, diacres, services diocésains et E.A.P.). Un constat : une trop faible participation à ces formations.

Le processus de nomination des membres, tel qu’il est défini dans les Statuts des E.A.P., est-il connu et suivi (consultation de la Communauté par le curé, délibération en fraternité? de prêtres de l’Espace missionnaire, proposition de noms de personnes – 3 à 5 – par le curé à l’évêque, regard du Conseil épiscopal, reconnaissance par l’évêque, Lettre de nomination et de mission rédigée par le curé, remise lors d’une messe dominicale, avec envoi liturgique en mission) ?

La mission est confiée pour un temps déterminé. Est-ce que? le renouvellement de l’EAP est effectif ? Nécessité de rediffuser les Statuts des E.A.P.? Ne serait-il pas important que dans chaque E.A.P., il y ait? l’un des membres qui soit chargé de veiller à la diffusion de l’information au sein de l’Équipe et dans la Communauté Locale ? »


Traduit de la langue de buis : les fidèles – et à fortiori les habitants de la Corrèze, dont une large majorité ne pratique pas – ignorent à quoi servent les EAP. Les prêtres et les laïcs s'ignorent, les laïcs des EAP estiment les formations – mutualisées avec le Lot voisin – inutiles et ennuyeuses, donc ils n'y vont pas. Le processus de nomination n'est pas respecté – et pour cause, là où ce n'est pas la cooptation pour rester dans la même ligne postconciliaire, on prend ce qui se présente. Les statuts des EAP sont méconnus d'elles, et les équipes censées fonctionner un temps donner et se relayer deviennent en fait des soviets permanents, avec lesquels les prêtres doivent composer.


« Même dans les paroisses urbaines, on manque de bras »

De fait, le renouvellement des EAP pose problème même dans les grandes villes. Dans une métropole du sud de la France, les difficultés réitérées dans certaines paroisses où les curés, les uns après les autres, s'en vont au bout d'un ou deux ans après avoir clashé avec les EAP, sont connues. Mais comme le relève un bénévole d'une église plus centrale, « même dans les paroisses urbaines, on manque de bras. Les familles sont toutes dans les communautés, elles viennent consommer la messe et ne veulent ou ne peuvent rendre service. Alors quand on a des EAP, même âgés, même doctrinaires, même avec des casseroles, on les garde – ce sont finalement les seuls qui se dévouent encore ».

Parfois, la justice immanente s'en mêle. Dans les Charentes, après des décennies avec un curé bien à gauche dans une paroisse auquel les laïcs faisaient faire leurs quatre volontés, un jeune curé plutôt conservateur essaie de remettre de l'ordre dans sa paroisse, et rappelle aux laïcs qu'il n'est pas là juste pour distribuer les sacrements et se taire. Naturellement, il se retrouve en conflit avec le chef du soviet. Une réunion tourne au procès révolutionnaire : le Fouquier-Tinville en charentaises se lève, et le doigt accusateur, tonne « depuis que vous êtes là monsieur le curé, c'est Vous qui êtes à la source de tous nos problèmes ! ». Il s'énerve tellement qu'il en fait une crise d'apoplexie sur place. Privé de son chef, le soviet s'effiloche et la paroisse a été relancée.

Cette histoire – et d'autres, où les curés quittent les paroisses de plus en plus surmenés, où les conflits avec les EAP finissent dans les journaux, parfois pour des histoires de statues dans le chœur ou d'orgue déplacé, ou pour le kyrie en grec ou en français, permet de constater que les EAP sont souvent le problème plutôt que la solution – et Langres ne sera pas une exception. Surtout, depuis la mise en place des EAP dans les paroisses, quid du bilan pastoral ?, quid des conversions ?, quid des vocations ?, quid de leur perception par les fidèles – et la population au sens plus large ? Voilà des questions que ni les diocèses, ni les membres des EAP ne semblent vouloir se poser. 

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