Notre lettre 869 publiée le 24 juin 2022

LES EVEQUES FRANCAIS
SYNODENT SYNODALEMENT


Réunis à Lyon les 14 et 15 juin derniers, les 120 évêques de France ont examiné la synthèse d’une consultation synodale réalisée dans les diocèses auprès de 150.000 laïcs manifestement très engagés pour préparer le Synode romain sur la synodalité. Il faut rappeler que les catholiques « ordinaires » n’ont guère participé à ce qu’ils considèrent comme une mascarade, échaudés qu’ils ont été des précédents synodes diocésains tenus en France où ils ont été tout simplement manipulés ou exclus au profit de ceux qui organisaient la mascarade mais qui n’avaient comme but que de faire dire aux manipulés ce qu'ils voulaient leurs faire dire c’est à dire des réponses sans rapport avec la réalité des fidèles catholiques français.

L’exemple le plus flagrant fut celui du Synode tenu dans le diocèse de Versailles, en 2010-2011, où au dernier moment furent exclus des débats tous les sujets sérieux qui intéressaient les participants comme celui de la Catéchèse, de l’Enseignement catholique ainsi que le domaine de la liturgie, rendant cette réflexion tout bonnement ridicule. Dans ce contexte, la prétention de nos pasteurs à avoir réuni les avis de 150.000 laïcs est même étonnante et sans doute exagérée tant l’évènement est passé totalement inaperçu des catholiques français. Mais le résultat est intéressant : il ne concerne que les sujets qui intéressent les dinosaures du catholicisme français, comme si nous étions dans un monde de bisounours.

Ainsi, les demandes de ces laïcs parlent-elles du mariage des prêtres, de l’ordination des femmes, de la révision de la liturgie, de la transparence dans les décisions paroissiales (= il n’y a pas assez de participation des laïcs engagés alors que pour notre part nous en sommes tout simplement exclus dans la réalité depuis plus de 50 ans ). Les évêques les ont transmises à Rome telles quelles, accompagnées d’une lettre ( Dont le texte est reproduit à la fin de cette lettre ) qui souligne certaines « aspirations », mais aussi certains « manques ». Les évêques estiment qu’il faut entendre « la souffrance et les attentes des femmes dans l'Eglise alors qu'elles sont nombreuses ». Ils remarquent, tout de même,  l'absence de contribution des jeunes catholiques dans ce processus synodal. Notre ami, Philippe de Labriolle, donne son avis en toute franchise synodale sur cette étrange démarche des évêques de France. 


La Synodalité ou le mirage des états généraux de la fraternité


Le 15 juin dernier, la conférence des évêques de France s’engageait à présenter au Saint Siège les « attentes » des fidèles ayant joué le jeu synodal, c’est-à-dire ayant passé la porte étroite du droit à la parole dans les diocèses. Les plus expérimentés dans les combats opposant les croyants aux idéologies séculières, et notamment celles qui infestent désormais l’Eglise, auront reconnu dans cette oligarchie triée sur le volet un avatar de « l’avant-garde » dont Marx, dès « l’idéologie allemande », faisait l’incontournable moteur des changements politiques, face à l’inertie des masses. Le remorqueur qui, de sa discrète mais puissante efficacité, amène au port, ou l’en extrait, l’énorme cargo qui, par son gigantisme, concentre les regards, mais se montre incapable par lui-même d’assurer la bonne fin de sa course.


La CEF et les attentes de « la base »

L’Allemagne catholique est tourmentée par un affrontement simultanément déicide et fratricide. L’effet en est si délétère que le terme de schisme, d’une échéance à la fois redoutée par les uns et perçue comme fatale par les autres, est un défi lancé au Pape François de choisir son camp. En France, la germanisation des diocèses gagne du terrain. Elle était un risque, elle devient un sinistre. En décidant de faire son profit d’une moisson synodale à laquelle, de son propre aveu, dix pour cent seulement des pratiquants diocésains ont participé, la CEF montre que le quorum infime, dirimant dans la vie civile, n’altère pas réellement la représentativité. S’imaginer que cette dernière eût été loyalement recherchée, c’est n’avoir assisté à aucun de ces micro-synodes. C’est ne pas avoir vu à l’œuvre quelque initié du tamisage, sachant gérer les questions d’un vain peuple en éliminant les « sensibilités extrêmes » ; et en favorisant, par discrimination positive, l’esprit consensuel, faire gagner du terrain à la fraternité. L’écoute, autre idée forte et itérative, doit apprendre à être critique, donc sélective. Les initiés l’ont compris, eux. Force est donc de reconnaitre que le désaveu ou l’échec de la consultation sont sans effet d’obstacle quand il s’agit de parler au nom de la base, et que l’oligarchie a pu placer ses comptines.

Or, de quelle base la CEF prétend-t-elle exposer l’attente ? Notons cet autre aveu de taille, les 25-45 ans n’ont pas répondu à l’appel.  Les jeunes adultes ont déserté les laboratoires où demain est conçu, planifié, programmé ! Le constat est rude. Certes, la capacité à « se ressourcer dans la parole de Dieu » suppose une formation catéchétique, pour échapper au risque souligné par Boileau : « Tout protestant fut pape une bible à la main ». A vrai dire, le protégé du Roi-Soleil serait sans doute bien marri, comme tout catholique d’esprit traditionnel, d’être confronté à une protestantisation du pape lui-même. Là où tout mentor s’est vu dénigré par principe, au profit d’une affirmation personnelle, la transmission s’est arrêtée, dans l’Eglise comme à l’école. Ce créneau des jeunes parents est, a contrario, particulièrement présent aux messes traditionnelles, là où l’aujourd’hui qui prie est plus convaincant que les lendemains qui chantent.

Il faut noter encore un point important. L’avant-garde marxiste n’a que dédain pour le prolétaire qui, exploité à son travail, n’a pas conscience de son exploitation. Partant, il ne comprend pas l’urgence du combat pour s’en libérer, de dénoncer la superstructure idéologique qui l’entretient, et rejoint le quart-monde des complices objectifs des ennemis du peuple.  La CEF estimant qu’il y a « urgence » à libérer la femme de la dhimmitude qu’elle subit dans l’Eglise, les femmes qui ne perçoivent ni la dhimmitude ni l’urgence de s’en extraire n’intéressent pas la CEF. Soit. Mais l’absence de la jeunesse dans les synodes épars, ça fait mal ! L’incorporer au quart-monde qui vit d’exploitation, lui aussi, c’est un peu dur à faire avaler. Comment penser cette désaffection sans autocritique ?  Eh bien, il suffit de rester opiniâtre. On ne change pas une équipe qui perd, on ne remet pas en question une stratégie qui échoue, pour autant qu’à l’instar du Pape, on garde son poste et son micro, quoi qu’il arrive.


C’est maintenant le temps favorable… pour les schismatiques de schismer, pour les catholiques de les pousser dehors

Nous sommes entrés depuis quelques semaines dans une atmosphère de pré-conclave, ce qui veut dire très précisément qu’aucun groupe de pression, toutes tendances confondues, ne reconnait plus au pape régnant la capacité, ni la volonté, de conduire l’Eglise selon des vues cohérentes. Celui qui a tenu à se démarquer de toutes les expressions de l’habitus catholique, mortifiant la piété historique des fidèles, n’a pas manqué de décevoir aussi ses soutiens réformistes voire saboteurs, effondrés de constater que la réforme envisagée restait cantonnée au monde des idées, ou qu’au hasard d’un changement réel, le pape reprenait d’une main ce qu’il donnait de l’autre, en bien ou en mal.

Ne rien attendre d’un puissant frappé d’impuissance n’empêche pas de tenter d’exploiter la vacuité de la gouvernance, en espérant manipuler un bras qui, hier gauchisant, aujourd’hui incontrôlable, tend à devenir inerte. Tel est, à notre avis, le kairos, le temps opportun, du défi que l’avant-garde française pourrait vouloir relever en prêtant main forte aux Eglises européennes, dont la décomposition n’est pas un secret. Transformer une défaite cruelle en une victoire ultime, soit, mais n’est pas de Gaulle qui veut. Qui plus est, espérer la victoire en professant une doxa reprise aux ennemis historiques du Magistère, fut-il moribond, c’est adorer bien brutalement ce que l’on brûlait hier, et faire un virage si brutal que les troupes ultimes des paroisses, déjà clairsemées par l’abandon du culte public  en pleine « pandémie », pourrait bien ne pas prendre avec la CEF.

Le chroniqueur religieux du Figaro, Jean Marie Guénois, ne cache pas sa stupeur : « Les évêques de France prêts à un Big Bang dans l’Eglise ». L’image est forte, mais fait trop d’honneur à ces tenants d’un va-tout qui mène les diocèses vers l’implosion de ce qui, somme toute, ne tenait plus que par la peinture. Rappelons-nous que le Big Bang  est une hypothèse scientifique très argumentée, mais suppose une extraordinaire concentration d’énergie dont nos Ordinaires sont totalement dépourvus. Depuis Aristote, en passant par Spinoza, on sait que le pouvoir n’est pas la puissance. La métaphore est donc impropre, le journaliste fut-il fort estimable. Ce qui apparait à l’observateur du présent, c’est l’occupation persistance des lieux de représentation par l’avant-garde, qui parle au nom des pauvres en esprit, et qui pour accéder à l’ascenseur religieux, exploitent les Ordinaires qui ne sont pas riches en la matière. Tous les baptisés sont égaux, parait-il, mais certains sont plus égaux que les autres, aurait pu dire Orwell. Et dans la ferme de ces animaux-là, la fraternité universelle a du plomb dans l’aile. A vrai dire, plus le sacerdoce commun des fidèles est porté aux nues, afin de savonner la planche du clergé, plus le fossé se creuse avec les non-baptisés. La parité générale n’est donc pas pour demain.

D’aucuns s’effondrent de cette nouvelle effervescence décoiffante, qui fait offense à Dieu. Quousque tandem ?  Risquons une approche plus positive, en séparant l’or de l’information, du vil plomb d’un buzz médiatique.  Grâce au confinement, nous avons pu constater l’incrédulité épiscopale. Grâce à Traditionis custodes, l’incapacité à être fidèle pacifiquement dans une Eglise conciliaire devenue « la Cité de la Peur » pour les nuls. Enfin par ce nouveau psychodrame, l’inconsistance pathétique de leur pensée authentique. Tout ce qui permet d’identifier les ennemis internes de l’Eglise est un kairos. Saint Ambroise ayant été élu évêque de Milan par acclamation, pourquoi ne pas suggérer le déboulonnage par le même procédé. C’est le moment à saisir d’exploiter, pour la gloire de Dieu, un vent favorable. Encore faut-il, avec Sénèque, se rappeler où est son port. Quand le virtuel devient actuel, le savoir progresse. Merci qui ?


Philippe de Labriolle

Psychiatre honoraire des Hôpitaux


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