Notre lettre 819 publiée le 1 septembre 2021

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ENTRETETIEN AVEC
L'ABBE CLAUDE BARTHE

Paix liturgique – M. l’abbé, vous publiez une lettre sur Internet, qui traite de choses d’Eglise et qui se nomme Res Novæ. Comment se présente-t-elle ?

L’abbé Claude Barthe – C’est une parution de commentaires et d’analyses, qui se présente comme une lettre mensuelle relativement brève, soit en format papier quatre pages, dix pages en continu, composée de deux ou trois articles.


Paix liturgique – Pourquoi ce titre de Res Novæ ?

L’abbé Claude Barthe – En latin classique, l’expression de Res Novæ désigne les choses révolutionnaires, un changement radical dans l’État. Léon XIII avait repris ces termes comme titre de sa célèbre encyclique sur la doctrine sociale de l’Église : Rerum novarum. En fait, on s’imagine souvent qu’il énonçait lui-même des choses nouvelles, révolutionnaires du point de vue social. C’est exactement le contraire. L’encyclique a pour but de condamner cet « intense désir de choses nouvelles », Rerum novarum excitata cupido, qui a pris la forme soit du capitalisme, soit du socialisme, contre lesquels le pape prône une voie découlant du droit naturel et chrétien.

J’ai voulu très modestement faire la même chose par ce titre : évoquer les innovations révolutionnaires qui agitent l’Église depuis Vatican II et désigner les solutions catholiques pour les surmonter. Sachant aussi que les solutions pour sortir de Vatican II, peuvent aussi paraître aujourd’hui, paradoxalement, des solutions révolutionnaires, des res novæ.


Paix liturgique – Vous dites : pour sortir de Vatican II ?

L’abbé Claude Barthe – Oui, pour enfin tourner la page, ce que de plus en plus de catholiques souhaitent aujourd’hui. On peut porter toutes sortes de jugements sur les textes mêmes de ce concile, mais on ne peut nier que sa préparation, sa tenue et ses conséquences ont constitué un évènement révolutionnaire, qui a fait passer l’Église de sa longue tradition consacrée par le Concile de Trente à un état nouveau, lequel voulait être une adaptation, un aggiornamento¸ pour que l’Église ne se heurte plus frontalement à la modernité mais coopère avec elle, de telle sorte qu’elle puisse trouver une place en son sein pour accomplir sa mission.

Mais la modernité n’est pas un état de civilisation neutre dans lequel le catholicisme pourrait s’inculturer, comme il l’a fait dans les civilisations traditionnelles : elle s’est constituée contre l’Église catholique. On sait d’ailleurs ce qui est arrivé après Vatican II et la grande déclaration d’amour de ce concile au monde moderne dans Gaudium et spes : non seulement la sécularisation ne s’est pas arrêtée, mais elle a au contraire passé un nouveau cap. Et aujourd’hui, le catholicisme connaît un tel effacement que certains parlent d’effacement irréversible du catholicisme.


Paix liturgique – Vous pensez spécialement à la sécularisation de la liturgie ?

L’abbé Claude Barthe – Oui, parce que la liturgie est véritablement « sommet et source » de la vie chrétienne, comme le dit excellemment la Constitution Sacrosanctum Concilium. Mais justement, la vénérable liturgie de l’Église romaine a largement cessé de l’être. Elle a été aplatie dans sa transcendance, banalisée dans son style pour être plus « parlante » aux hommes de ce temps, et surtout, pour un ensemble de raisons – se rapprocher des frères séparés, gommer des mystères auxquels on ne croyait plus comme avant –, son message doctrinal est devenu plus flou en ce qui concerne le sacrifice eucharistique, la présence réelle, le sacerdoce hiérarchique.

Votre combat, le combat de Paix liturgique, est celui de la liturgie. Vous savez que l’abandon de la lex orandi traditionnelle a eu des conséquences désastreuses sur le sacerdoce qui a comme perdu la fonction essentielle qui le caractérisait, et surtout sur la foi du peuple chrétien qui s’est amenuisée en même temps que la charpente doctrinale de la liturgie se ramollissait.


Paix liturgique – Mais concrètement ? 

L’abbé Claude Barthe – L’Évangile nous dit que celui qui veut bâtir une tour doit s’asseoir et réfléchir s’il a les forces et les matériaux nécessaires pour l’élever (Lc 14, 28). A fortiori, lorsqu’on s’est lancé dans une reconstruction totale, comme on l’a fait il y a un demi-siècle, et que l’on se retrouve devant un champ de ruines, on doit s’asseoir pour faire le bilan, réfléchir, prier. Et rectifier le tir. On parle beaucoup aujourd’hui de « laboratoires d’idées » : tous ceux qui croient en la possibilité d’une vraie réforme de l’Église, doivent modestement participer à ces entreprises de réflexion.

Il faut penser à ce que nous devons vouloir pour l’Église ultimement, à savoir surmonter ce schisme latent qui l’afflige : schisme, parce que l’on dit tout et n’importe quoi au sujet du dogme et de la morale ; schisme latent, parce qu’on peut garder cependant, quoi qu’on dise et quoi qu’on fasse, son étiquette de catholique. Il faut aussi parler d’étapes intermédiaires, compte tenu de la blessure profonde du peuple chrétien, réfléchir à des transitions pour y parvenir, notamment à une transition liturgique pour faire revenir le peuple des paroisses, par étapes, à la tradition de l’Église. Vous me direz, sans doute, que seule la hiérarchie de l’Église est habilitée à cela...


Paix liturgique – Bien sûr, mais je suis d’avis que si nos pasteurs ne font pas leur devoir, il faut bien les inciter...

L’abbé Claude Barthe – Et c’est le devoir de tout catholique de demander à tout pasteur de faire le sien. Jean de Gerson disait à l’époque du Grand Schisme que le schisme qui affligeait l’Église faisait souffrir chaque catholique, et que chaque catholique devait agir pour le résorber. La crise actuelle blesse chaque catholique, qui doit faire tout ce qui est en lui pour la surmonter. Res Novæ est l’une des contributions à cet effort. Vous-même, Paix liturgique, vous défendez aussi des projets, vous avancez des idées. Étant par ailleurs convaincus que l’Esprit Saint seul a les solutions que les hommes d’Église cherchent en tâtonnant.


Paix liturgique – Quels sont vos collaborateurs ? 

L’abbé Claude Barthe – Sont intervenus dans Res Novæ, une ou plusieurs fois, Philippe de Labriolle, le P. Serafino Lanzetta, l’abbé Alexis Campo, le regretté Daniel Hamiche, le P. Jean-François Thomas, l’abbé Mateusz Markiewicz, le P. Laurent-Marie Pocquet du Haut-Jussé, Mgr Carlo Maria Viganò, le P. Ralph Weimann. L’abbé Jean-Marie Perrot, théologien et prêtre de terrain, collabore très régulièrement. Et aussi don Pio Pace, mystérieux collaborateur romain…


Paix liturgique – Ne pourriez-vous pas, pour que nos lecteurs se rendent compte de ce qu’est Res Novæ, leur donner à lire quelques extraits d’articles ? 

L’abbé Claude Barthe – Bien volontiers. Je les renvoie aussi tout simplement au site lui-même : https://www.resnovae.fr/blog/actualite/.


Je vous propose donc ici quelques passages :

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N° 1, de septembre 2028 :


Après le pontificat bergoglien, retour en arrière ou fuite en avant ?


Ni l’un, ni l’autre, espérons-le.

Déjà au mois de mai dernier, Golias Hebdo, organe des chrétiens de gauche français, se montrait très pessimiste sur l’évolution du pontificat bergoglien, en laquelle ses auteurs avaient pourtant fondé tant d’espoirs : « Francois est en train d’échouer, écrivait Gino Hoel. […] Au bout d’un quinquennat, le dispositif bergoglien à bout de souffle ne tient plus la route. Les réformes apparaissent comme des rustines, peu ambitieuses au vrai ; quant aux hommes, ils ne semblent pas adéquats, nullement au niveau requis ». […]

En réalité le « progressisme » du pontificat apparaît doublement archaïque, selon qu’on le regarde de deux points de vue opposés. D’un côté, il semble inadéquat. Une part très vivante du catholicisme, qualifiée d’identitaire, ne se reconnaît pas dans la direction de la Rome actuelle, ce qui nourrit une frustration amère du clergé, des fidèles et des blogs dits « ratzinguériens », mais donne aussi lieu à des recompositions et des rapprochements, en particulier avec le monde dit « lefebvriste », habitué depuis le concile Vatican II à vivre dans une distance critique avec le reste des catholiques.

De l’autre, le progressisme de François n’est plus vraiment en phase avec l’état du catholicisme en Europe, ou de ce qui en reste, lequel est largement imprégné d’un relativisme libéral dans sa version postmoderne, lourdement individualiste. Ce catholicisme « bourgeois », au sens que les Allemands donnent à ce terme, est en fait une religion où doctrines, pratiques et normes, mais aussi fins dernières, confession sacramentelle, éducation des jeunes à la pureté, refus de la contraception et de tout recours à l’avortement, sont mises paisiblement entre parenthèses. […]

Henri Tincq, ancien journaliste religieux du Monde, dans La grande peur des catholiques de France (Grasset, 2018), craint que la prochaine élection pontificale ne donne lieu à une « réaction » réduisant le pontificat de François à une simple « parenthèse ». Un retour conservateur à la case Benoît XVI. Pour le même effet… A moins que ne soit saisie l’occasion de rompre le cercle, de s’engager vers des res novæ, des choses vraiment nouvelles parce qu’éternelles.


L’abbé Claude Barthe 


N° 25, janvier 2021 :


Liturgie : toujours moins de rite


La liturgie catholique, 50 ans après la réforme, est comme à la libre disposition de tous et chacun des acteurs. Et elle continue de se pulvériser. […]

L’une des caractéristiques majeures de la liturgie de Vatican II avait été, en effet, d’adopter une forme rituelle informe (Claude Barthe, La messe de Vatican II, Via Romana, 2018). L’importance des modifications apportées aux rites antérieurs, dont l’effet novateur était multiplié par une surabondance de choix possibles laissés au célébrant, et par l’absence de régulation précise des gestes, des attitudes, et souvent des paroles, a fait exploser le rite romain.

Aujourd’hui, le culte est souvent devenu d’une telle banalité, qu’il semble décourager de nouvelles « avancées ». Il n’en est rien. Il existe encore des possibilités de déritualisation, dont on pourrait donner d’innombrables exemples. Ce n’est plus l’heure de la réformation brutale, mais du gentil n’importe quoi – concernant tout de même la prière officielle et publique de l’Église. […] En Allemagne (« Réforme liturgique et église locale : entre règles et liberté », Recherches de Science religieuse, janvier-mars 2013), le lavement des pieds prévu le Jeudi Saint, est interprété comme « la tâche de l’ensemble de la communauté de pratiquer le service fraternel les uns vis à vis des autres un signe du service mutuel que doit rendre la communauté : les représentants des divers groupes de la paroisse se lavent les pieds les uns les autres ; ou encore le Mandatum est remplacé par la distribution, durant la cérémonie, des services caritatifs de l’année.

En France, on peut citer « la messe qui prend son temps », dite MT. Il s’agit d’une célébration de l’Eucharistie qui s’étale sur une longue période de temps, voire sur une journée entière, au cours de laquelle sont ménagés des temps de prière personnelle ou collective, des échanges, des débats, et même dans certains cas des interruptions pour prendre des repas et du délassement. […] « La Messe qui prend son temps, c’est comme une soirée chez un pote. Tu arrives comme tu es, tu lâches ton manteau et tu dis bonjour à tes voisins, étudiants ou jeunes pro ». En tout cela, rien de bien méchant, mais une subversion de ce qui reste de rite.


Pio Pace 


N° 19, mai 2020 :


François, Vicaire du Christ ? Sì, ma non troppo


[…] Qu’il y ait, dans la manière selon laquelle le pape entend être qualifié, une dimension personnelle, c’est indéniable. Dès le premier instant de l’actuel pontificat, il y a eu une mise en scène de l’humilité du nouveau pape – ce qui n’exclut pas la sincérité, dont nous ne saurions juger –, passant entre autre par une rupture avec d’anciennes manières de faire. Une « Église pauvre pour les pauvres », annonça-t-il au lendemain de son élection aux cardinaux réunis.

Mais, agissant ainsi, Jorge Mario Bergoglio, s’il rompait avec certaines pratiques et enthousiasmait un grand nombre, s’inscrivait en fait dans une personnalisation du souverain pontificat qui le précédait. Depuis Jean-Paul II, l’image du pape mettant en avant des traits personnels a pris une importance inédite par la diffusion et l’amplification qu’en donnèrent les médias : il fut, dans les premières années, l’athlète vigoureux parcourant le monde et invitant à ne pas avoir peur ; il devint le vieillard émouvant dans sa maladie et sa persévérance. Les JMJ, mais pas seulement elles (pensons à son dernier pèlerinage à Lourdes), furent des occasions grandioses et assumées de diffusion de ces images. Le contraste fut saisissant quand Joseph Ratzinger lui succéda : une autre image, celle d’un intellectuel se parant de vêtements oubliés sauf des historiens, doux et réservé mais ferme. De l’habillement aux discours, des déplacements jusqu’aux liturgies, on pouvait distinguer l’un de l’autre. Ce qu’on fait aujourd’hui avec François vis-à-vis de ses prédécesseurs

[…] Depuis Paul VI jusqu’à François, Benoît XVI a, seul, freiné quelque peu le dépouillement continu des signes extérieurs de la papauté : abandon de la tiare par Paul VI, de la cérémonie du couronnement par Jean-Paul Ier, de la sede gestatoria par Jean-Paul II, des camériers refondus en gentilshommes de Sa Sainteté par Paul VI et dont le recrutement est interrompu depuis mai 2013. Si Benoît XVI reprit certains atours traditionnels, ce fut lui tout de même qui supprima la tiare des armoiries pontificales, bien qu’elle ait réapparu discrètement et partiellement en 2010, étant utilisée alternativement avec la mitre à trois bandes horizontales, dont le pape François paraît avoir fait le choix définitif.

À ses signes extérieurs, dont on pourra considérer qu’ils étaient obsolètes, mais dont on se permet de relever la logique de disparition progressive et systématique – seule la soutane blanche y échappant -, il convient d’ajouter les abandons liturgiques, plus fondamentaux. Visible était dans la liturgie ce qui distinguait le pape de tout autre prêtre ou évêque. Plus que certaines particularités et complications, il y avait dans le déroulement de la messe papale la manifestation de la constitution divine et hiérarchique de l’Église, proclamation d’un ordo spécifique, norme qui irriguait toute la liturgie de l’Église : la messe pontificale de l’évêque en sa cathédrale (dérivée de la messe papale) était la référence, et les messes solennelles, chantée et basse en étaient des réductions progressives. Le nouvel ordo missæ, promulgué par Paul VI, prétend toujours manifester la réalité ecclésiologique, toutefois sensiblement différente : la messe paroissiale est aujourd’hui la forme normative, celles de l’évêque ou du pape n’en sont qu’une amplification modérée et n’ont plus de signification ou de symbolisme propre. Ou plutôt, si : la messe d’un évêque sera d’autant plus épiscopale que le nombre de concélébrants du presbyterium sera important et que les fidèles participeront de manière active par des lectures, des processions, des chants, etc. […]


Abbé Jean-Marie Perrot 


N° 9, mai 2019 :


L’« hypothèse » Parolin


Dans leur prospectives – bien imprudentes – certains vaticanistes, et non des moindres, ont imaginé qu’en face d’un cardinal « conservateur » se dresserait un cardinal « progressiste », Luis Antonio Tagle (60 ans), archevêque de Manille. Un troisième homme, un « centriste », pourrait alors émerger, rassurant les uns sans effrayer les autres. Il serait présenté comme ayant toutes les garanties de sérieux dans l’organisation du gouvernement auquel aspire aujourd’hui le Sacré Collège : ce serait le cardinal Pietro Parolin, Secrétaire d’État (66ans). […]

Le cardinal Bertone, Secrétaire d’État de Benoît XVI, expédia Parolin, en 2009, dans la plus difficile des nonciatures, celle du Venezuela (il y fit la connaissance d’Edgar Peña Parra, prélat vénézuélien très discuté, dont il fera malgré tout son premier collaborateur comme Substitut pour les Affaires générales, en 2018). En outre, à Caracas, l’attitude habile de Pietro Parolin face à Hugo Chavez fut très appréciée par le cardinal Bergoglio, archevêque de Buenos Aires, Devenu Pape, il se laissa facilement convaincre par les cardinaux Silvestrini et Tauran d’appeler, en août 2013, ce diplomate chevronné et de sensibilité libérale, pour remplacer… le cardinal Bertone. […]

En fait, la nomination de ce fils spirituel du cardinal Silvestrini renouait avec la ligne d’une diplomatie d’« ouverture » qu’avait représentée jadis le cardinal Casaroli, le principal artisan de l’Ostpolitik, interrompue en 1990 par la nomination d’Angelo Sodano comme Secrétaire d’État, dans un contexte d’effondrement de l’empire soviétique et en conséquence, pour l’Église, de reconquête plus ou moins réussie sur la théologie de la libération en Amérique latine. […]

Le professionnalisme du nouveau Secrétaire d’État, Pietro Parolin, a permis, dès son entrée en fonction, de faire retrouver à la diplomatie vaticane une image bien plus favorable que sous son prédécesseur Bertone. Mais sa constante réussite, depuis le début de sa carrière, dans des négociations délicates et audacieuses, a-t-elle fini par causer chez lui une sorte de griserie ? En tout cas, l’accord provisoire qu’il a passé avec la République populaire de Chine, le 22 septembre 2018, a stupéfié par son irénisme dont les conséquences ne peuvent qu’être désastreuses. […] L’accord Parolin de 2018 dépassait les concessions de l’Ostpolitik en vigueur sous Jean XXIII et Paul VI, puisqu’il concédait aux autorités chinoises, toujours activement persécutrices, ni plus ni moins que la « présentation » des évêques à nommer par Rome. Ce qui provoqua immédiatement des critiques scandalisées, notamment celles du cardinal Zen, accusant Pietro Parolin, « homme de peu de foi », de « vendre l’Église catholique au gouvernement communiste ». Le cardinal Zen stigmatisait aussi la réintégration dans la communion romaine, en vertu de cet accord, des sept derniers évêques « officiels », dont deux mariés. Il fustigeait surtout le sort fait aux évêques clandestins, qui sont écartés du gouvernement des diocèses s’ils ne sont pas approuvés par les autorités communistes (deux évêques clandestins ont déjà dû céder leur place à des « officiels »). […]

Si donc Pietro Parolin a un « programme », on pourrait dire que c’est le programme bergoglien, mais mieux pensé à long terme et sans la rugosité du pape argentin. Par exemple, on le voit reprendre à son compte le thème de la révision de la discipline du célibat sacerdotal. Dans un entretien qu’il a donné au quotidien italien publié aux États-Unis, America Oggi, le 2 octobre 2018, il s’est dit convaincu de la nécessité de « s’interroger » pour vérifier si le célibat des prêtres « est vécu dans toutes ses potentialités et s’il est apprécié et valorisé ». Langage embarrassé que la suite permettait de comprendre : « L’enseignement sur le célibat ecclésiastique remonte à la tradition apostolique, mais n’est pas appliqué dans certaines Église catholiques orientales ». Et de tempérer aussitôt : il ne faut attendre de « changement drastique » sur la question, mais un « approfondissement graduel. » […]

Mais le discours qui nous en apprend le plus sur l’ecclésiologie paroline a été prononcé le 14 novembre 2017, à Washington ( https://www.youtube.com/watch?v=qCi5kEroNnM).

Pour Pietro Parolin, le Concile Vatican II est fons et origo de l’Église d’aujourd’hui et de celle du futur. Les Pères y ont adopté un paradigme nouveau, celui d’une Église, qui a certes toujours été catholique, mais qui est alors devenue mondiale, dégagée de sa coïncidence avec l’Europe. D’où résultent diverses conséquences, comme l’introduction des langues locales dans la liturgie et la légitimation de théologies locales. L’adjectif « mondiale » accolé à l’Église, étant utilisé avec une ambiguïté semblable à celle de l’adjectif « œcuménique » pour qualifier le Concile (concile général ou bien concile qui a fait triompher le rapprochement avec les séparés ?) Et Parolin d’expliquer que, de même que l’Église serait passée, selon lui, à l’origine, du judéo-christianisme au pagano-christianisme, elle a fait une mue, lors de Vatican II, tout aussi radicale.

Pietro Parolin cite Mgr Doré, pour lequel, après Vatican II, rien ne sera plus jamais comme avant. Processus « irréversible », martèle le cardinal. Et il souligne que parmi les nouveautés profondes de Vatican II, mises en lumière par le Pape François, est l’introduction « irréversible », pour tous et à tous les niveaux, de la synodalité.

Son discours laissait même entendre que les conférences épiscopales font partie de la constitution divine de l’Église du fait de l’ordination épiscopale des évêques : la sacramentalité de l’épiscopat, d’où résulte le munus de chaque évêque, est mise en œuvre par les conférences. Ainsi, le caractère sacramentel conféré à l’évêque serait en somme de nature synodale et la collégialité d’origine sacramentelle.

Au total, ce discours de Parolin le mettait dans la position de celui qui, partageant l’esprit de François (la pleine réalisation du Concile), en « corrige les égarements sans trahir son esprit » (Julia Meloni, « Cardinal Parolin : The Next Pope ? », Cardinal Parolin : le prochain pape ? Onepeterfive, 20 mars 2019). Pietro Parolin serait ainsi destiné à être celui qui réussirait le projet lancé par l’élection de François : conduire Vatican II à son terme.


Daniel Hamiche


N° 30, juin 2021 :


Entretien avec Mgr Carlo Maria Viganò sur la liturgie


Parmi les critiques que l’on fait souvent au nouvel Ordo Missæ, laquelle vous apparaît comme étant la plus importante ?


Mgr Carlo Maria Viganò – La critique la plus fondée réside dans le fait d’avoir voulu inventer une liturgie à son gré, en abandonnant le rite bimillénaire né avec les apôtres et s’étant développé harmonieusement au cours des siècles. La liturgie réformée, comme le sait parfaitement tout spécialiste compétent, est le fruit d’un compromis idéologique entre la lex orandi catholique et les instances hérétiques des protestants et des luthériens. Étant donné que la foi de l’Église s’exprime dans le culte public, il était indispensable que la liturgie s’adapte à la nouvelle manière de croire en affaiblissant ou en niant les vérités considérées comme « gênantes » pour la poursuite du dialogue œcuménique.

Une réforme qui aurait voulu simplement éliminer certains rites qui n’étaient plus compréhensibles pour la sensibilité moderne aurait pu parfaitement éviter de répéter servilement ce qu’ont fait Luther au temps de la pseudo-Réforme et Cranmer après le schisme anglican : le seul fait d’avoir fait siennes les innovations par lesquelles les hérétiques rejetaient certains points du dogme catholique est une démonstration accablante de la subordination des pasteurs au consensus de ceux qui se trouvent en dehors de l’Église, au détriment des ouailles que le Seigneur leur a confiées. Imaginez ce qu’aurait pensé l’un des martyrs du calvinisme ou de la furie du roi Jacques en voyant des papes, des cardinaux et des évêques utiliser une table à la place de l’autel qui leur a coûté la vie ; et quel respect peut nourrir un hérétique à l’égard de la Babylone romaine détestée, occupée à singer maladroitement ce que les réformés avaient fait quatre siècles plus tôt, peut-être d’une manière plus convenable ? N’oublions pas que les hérésies liturgiques de Luther étaient diffusées par les chœurs de Bach, alors que les célébrations de l’Église conciliaire sont accompagnées de compositions d’une laideur inouïe. L’effondrement de la liturgie a révélé un effondrement doctrinal, humiliant la Sainte Église pour la seule envie de flatter la mentalité du monde.


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