Notre lettre 671 publiée le 4 décembre 2018

ARDECHE : UN DIOCÈSE QUI CONTRAINT CERTAINS DE SES FIDÈLES A L'EXIL

Le diocèse de Viviers, qui recouvre aujourd’hui le département de l’Ardèche, est l’un des trois derniers diocèses de France où n’existe à ce jour aucune célébration de la messe traditionnelle*. 


Pourtant, le diocèse de Viviers n’est pas un diocèse « ordinaire » mais un diocèse à la longue et riche histoire : en effet le diocèse de Viviers se glorifie d’avoir parmi ses premiers évangélisateurs et fondateurs de sa chrétienté saint Andéol, un sous-diacre originaire d’Asie mineure, condisciple de Saint Irénée et envoyé avec lui dans les Gaules par Saint Polycarpe de Smyrne. Ainsi par Saint Polycarpe le diocèse de Viviers, comme le diocèse de Lyon, a un lien privilégié avec l’Apôtre saint Jean. Après avoir évangélisé pendant une quarantaine d’années, Andéol fut martyrisé le 1er mai 208 à l’occasion du passage de l’empereur Septime Sévère dans la vallée du Rhône. Pendant la fin de l’antiquité et le haut moyen-âge, le siège épiscopal de Viviers (le diocèse qui ne correspondait alors qu’à environ les 2/3 de l’actuel département de l’Ardèche) fut occupé par une pléiade de saints évêques ou de très haute extraction, montrant par-là que le diocèse n’était nullement un « diocèse crotté » : la cathédrale Saint Vincent de Viviers, souvent appelée la plus petite cathédrale de France (sa construction sur un acropole rocheux déterminant ses proportions réduites), fut consacrée par le pape Calixte II lui-même en 1119 (ce sera le 9ème centenaire donc le 27 février prochain). Parmi les grands saints du diocèse de Viviers on accorde une attention particulière à Saint Bénezet (Benoît le jeune) jeune pâtre suscité par Dieu et envoyé en Avignon au début du XIIe siècle pour y construire le fameux pont ; les Bienheureux Jacques Salés et Guillaume Saultemouche (les premiers martyrs de la Compagnie de Jésus en France en 1593) mis à mort en haine du Saint-Sacrifice de la Messe et de la foi catholique par les huguenots à Aubenas et béatifiés par Pie XI ; Saint Jean-François Régis, jésuite lui-aussi, qui ré-évangélisa le diocèse au début du XVIIe siècle après la crise protestante (+ 1640) et dont le tombeau à La Louvesc reste un lieu important de pèlerinage ; le Bienheureux Pierre Vigne, prêtre missionnaire diocésain et fondateur de congrégation, qui enracina le culte du Saint-Sacrement et la dévotion à la Passion (+ 1740), béatifié par Jean-Paul II ; la Bienheureuse Marie Rivier (+ 1838), qui en pleine révolution fonda la congrégation des Sœurs de la Présentation de Marie, aujourd’hui répandue dans le monde entier, dont les religieuses sont essentiellement éducatrices ; Sainte Thérèse Couderc (+ 1885) qui fonda la congrégation des Sœurs du Cénacle, vouée à l’œuvre des retraites spirituelles... Et plusieurs prêtres et religieux héroïques martyrisés pendant la grande révolution dont la cause de béatification mériterait d’être instruite.


1 - Rappel sur l’histoire de la disparition de la messe traditionnelle dans le diocèse de Viviers


S’il n’y a plus aujourd’hui de messe traditionnelle dans le diocèse, ce ne fut pas toujours le cas. La célébration de la messe traditionnelle dans le diocèse a une histoire que nous avons déjà évoquée dans nos lettres 292 d’avril 2011 et 298 d’août 2011.


A/ La situation avant  2010


Revenons néanmoins sur l’abbé Bryan Houghton, anglican converti, devenu prêtre catholique, qui s’était retiré à Viviers au début des années 70 après avoir refusé de mettre en œuvre le nouvel Ordo dans sa paroisse du Suffolk. Il fut tout au long des années 70 et, surtout, 80 - notamment à la suite de la publication de son livre La paix de Monseigneur Forester dans lequel il mettait en scène un évêque organisant la paix liturgique dans son diocèse - le point de ralliement des fidèles ardéchois attachés à la liturgie traditionnelle. Notons que Mgr Hermil (évêque de Viviers de 1965 à 1992) l’avait autorisé à célébrer en semaine sa messe privé au maitre-autel de la cathédrale Saint-Vincent !

Privé ensuite de cette possibilité dans la cathédrale Saint-Vincent le dimanche, l’abbé Houghton prit l’habitude de célébrer dans des chapelles privées jusqu’à ce qu’il puisse officier de façon régulière de l’autre côté du Rhône, dans la Drôme, à la chapelle Notre-Dame de la Rose, à Montélimar. Après son rappel à Dieu, en 1992, la Providence a voulu que les fidèles attachés au missel de 1962 ne demeurent pas tout à fait sans messe. Arrivé fin 1992 à Viviers pour prendre la succession de Mgr Hermil, Mgr Jean Bonfils avait en effet assez rapidement accordé, à la demande de fidèles, une application partielle du motu proprio de 1988. Ce fut notamment la célébration mensuelle, confiée à un prêtre âgé, l’abbé Chapus, le 1er samedi du mois, dans un endroit fort pittoresque mais coupé du monde – l’ancienne cité ouvrière Lafarge, entre Viviers et Le Teil – et la tenue de plusieurs pieuses manifestations comme la célébration de la Fête-Dieu dans la chapelle du Grand-Séminaire. Mais tout cela a été interrompu à l’arrivée de Mgr Blondel, celui-ci prenant prétexte du grand âge du desservant, l’abbé Chapus, pour suspendre la messe sans rien proposer pour la remplacer.

Un groupe de fidèles d’Aubenas sollicita bien en 2006 la célébration d’une liturgie tridentine mais ils ne reçurent aucune réponse à leur demande.


B/ La demande de 2010 et la non-réponse de Mgr Blondel


Malgré ces péripéties les fidèles du diocèse ne restèrent pas inactifs et après la publication le 7 juillet 2007 du motu proprio Summorum Pontificum, des familles entamèrent des démarches afin de pouvoir vivre leur foi catholique, dans le diocèse de Viviers, au rythme de l’Usus Antiquior. Ces démarches commencées par des rencontres avec le curé de Largentière se concrétisèrent par une demande officielle adressée à Mgr Blondel en octobre 2010.

Nous reproduisons in extenso la réponse que leur fit Mgr Blondel le 19 novembre 2010.


Messieurs, 

Monsieur l’Abbé Henri Meissat, Vicaire Épiscopal, et Monsieur l’Abbé Bernard Nougier, curé de la paroisse St Joseph en Pays de Ligne, m’ont remis de votre part en date du 14 octobre 2010 la demande d’application du Motu Proprio Summorum Ponti?cum.

Ils m’ont apporté témoignage de l’état d’esprit qui était le vôtre au cours de la réunion qu’i1s avaient eue avec vous et de l’assurance que vous leur aviez donnée d’agir au nom d’un groupe stable.

J’ai donc pris en compte votre demande. Voici ce que je compte organiser pour y répondre.

Le célébrant que je désigne est Monsieur l’Abbé Henri Goin, ancien curé de la Cathédrale, ayant actuellement une responsabilité aux archives diocésaines et qui est un très bon latiniste.

Avec l’accord du curé de la paroisse Charles de Foucauld Le Teil/Viviers, l’église sera l’église Saint-Laurent à Viviers.

Le premier samedi de chaque mois y sera célébrée la messe selon le rituel de 1962. Les lectures de la Parole de Dieu seront celles du missel du rite ordinaire car je tiens à ce que vous soyez ainsi en communion avec toutes les communautés du diocèse. Ces lectures de la Parole de Dieu seront faites en français.

Cette messe, célébrée à (17h30 ?) sera considérée comme une messe paroissiale. Les annonces qui seront faites seront celles de la paroisse et du diocèse. La quête sera affectée à la paroisse.

Monsieur l’Abbé Meissat organisera une réunion entre Monsieur l’Abbé Goin et vous-mêmes où il sera alors décidé de la date à laquelle aura lieu la première célébration.

Et nous ferons le point dans six mois.

Ayant ainsi répondu, je pense, à la demande qui était la vôtre, Je vous prie de croire, Messieurs, à l’assurance de mes sentiments les meilleurs et de ma prière.


François BLONDEL

Évêque de Viviers

Viviers, le 19 novembre 2010


Les conditions exigées par Mgr Blondel étaient si éloignées de la demande des fidèles des règles de la célébration de la messe tridentine et de la charité que les choses en restèrent là, c’est-à-dire que les fidèles demandeurs préférèrent ne pas donner suite à ce qu’ils reçurent simplement comme une provocation.


C/ La situation depuis 2010 : l’exil imposé


Les demandeurs ont-ils alors disparu ? Il n’en est rien mais dans une situation où le dialogue et la charité n’existent pas, les fidèles calmes et posés ont préférés laisser, comme on dit, du temps au temps…

La persistance des demandeurs est cependant toujours attestée par les personnes qui, de bonne foi, s’intéressent à cette étrange situation.

Par exemple, l’existence de familles attachées à la forme extraordinaire et qui la souhaitent pour un événement familial, notamment des funérailles, n’est pas inconnue du diocèse, de même que l’existence ici ou là de foyers actifs de fidèles attachés à la messe ancienne.

Mais la démonstration la plus pertinente de la permanence des demandeurs au sein du diocèse s’observe, pour qui veut voir, dans la participation de nombreuses familles du diocèse à des messes traditionnelles célébrées en dehors du diocèse.

Le diocèse ayant une géographie particulière et les voies de communication étant parfois difficiles, ce n’est en effet pas vers une unique chapelle extérieure au diocèse que les fidèles du Vivarais se retrouvent mais dans une demi-douzaine de celles-ci situées au nord, à l’ouest et à l’est du diocèse, par exemple :


- Notre Dame des Roses de Montélimar desservie par des prêtres la Fraternité Saint-Pierre,

- La chapelle de l’ancien monastère des Clarisses du Puy desservi par l’abbé Gabriele Steylaers,

- Notre Dame de Valence desservie par des prêtres de la Fraternité Saint-Pierre,

- La chapelle Notre dame de Pélusin desservie par des prêtres de la Fraternité Saint-Pierre,

- Lola chapelle saint Bernard de Saint-Etienne desservie également par des prêtres de la Fraternité Saint-Pierre.

- et aussi (pour les ardéchois de l’ouest, entre Lablachère et Langogne) la chapelle Saint-Dominique de Mende ou une fois par mois la messe est célébrée par un prêtre diocésain

- sans parler des chapelles desservies par la Fraternité Saint-Pie-X, dans les départements voisins de l’Ardèche.


Au fond des catholiques attachés à la messe existent, mais rejetés et non respectés ils sont contraints à l’exil.


2 – 2018 : d’une demande implicite à un appel explicite


Chat échaudé craint l’eau tiède dit-on et bien peu de fidèles aujourd’hui envisagent une nouvelle action semblable à celle entreprise avec espérance en 2010.


A/ Qu’attendent donc aujourd’hui les fidèles ?


« Que notre évêque soit bon et généreux avec nous sans que nous ayons à nous faire une nouvelle fois montrer du doigt sans bienveillance.

Notre évêque connait la situation, il sait que nous existons.

Il sait que nous ne sommes pas des fauteurs de trouble.

Nous espérons de sa part un véritable geste de paix qui ne serait pas une nouvelle manipulation.

Nous prions ardemment pour cela et nous croyons que cela est vraiment possible en 2018 car maintenant beaucoup de choses ont changé, notamment les mentalités et les ostracismes », nous déclare Pierre que nous avons rencontré mais qui ne souhaite plus s’associer à une demande qui serait vouée à l’échec.


Néanmoins, lorsque nous l’interrogeons pour savoir ce que pourrait-être la solution, Pierre nous répond clairement :


« Vu la configuration géographique du diocèse où les communications ne sont pas toujours aisées, surtout en hiver, l’idéal serait que notre évêque érige une paroisse personnelle ayant autorité sur l’ensemble du diocèse ce qui permettrait au curé qui en serait chargé de répondre avec intelligence aux différentes situations parfois éloignées les unes des autres de plusieurs heures de route… Mais si cela n’est qu’un rêve il reste qu’une messe dominicale hebdomadaire, à un horaire tardif - 11h - permettant à ceux qui sont éloignés d’être présents dans le bassin d’Aubenas serait un grand et beau geste pour assurer la paix entre nous tous. Faire un appel à la Paix en 2018, n’est-ce pas dans l’esprit du temps ? »


B/ Avec quels prêtres ?


« Notre diocèse est devenu quasiment un diocèse sans prêtre et dans quelques années la situation sera pire encore », nous affirme Marie.


Ce problème, le diocèse en a conscience. Voilà pourquoi, comme presque partout ailleurs en France, le diocèse fait appel à des prêtres venus d’ailleurs, souvent d’Afrique et depuis peu de Pologne.


Mais ce que fait le diocèse en faisant venir des prêtres d’Afrique, ne pourrait-il pas le faire enfin en faisant venir des prêtres de communautés traditionnelles qui déjà sont les quasi curé de beaucoup de fidèles du diocèse de Viviers ?


Cela nous savons que nos évêques ne le souhaitent pas, mais n’est-ce pas le prix à payer pour parvenir enfin à la Paix dans la Charité ?


C/ Pour combien de catholiques ? Vers un sondage


Le clergé, à ce que l’on a dit, qui n’est pas toujours certain de la réalité de la demande. Les fidèles eux-mêmes, parfois, qui dans un terroir plutôt taiseux n’évoquent pas toujours clairement cette question autour d’eux-mêmes dans leur paroisse.


Voilà pourquoi, de concert avec trois familles, nous avons décidé d’entreprendre sur l’Ardèche une enquête d’opinion sur le sujet de l’attachement ou du refus de la célébration de la messe selon sa forme extraordinaire au sein du diocèse. Ce sondage, qui sera réalisé au printemps prochain, pourra fournir à tous les hommes de bonne volonté une mesure juste et objective de ce que pensent les catholiques du Vivarais sur ce sujet.


Nous ne manquerons pas de vous tenir informés des résultats de cette future enquête. Nous disons donc : à suivre !


* Les deux autres diocèses français ou n’est pas encore célébrée la messe traditionnelle sont les diocèses de Cambrai qui recouvre une partie du département du Nord et celui  de Chalons-en Champagne qui s'étend sur le département de la Marne moins l’arrondissement de Reims


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