Notre lettre 160 publiée le 12 janvier 2009

UNE TRÈS GRANDE NOUVELLE ! SAMEDI 10 JANVIER, L'ÉLÉVATION DE JEAN-PIERRE BATUT À L'ÉPISCOPAT !

Il y a quelques semaines, nous apprenions la décision du Saint Père d'élever le père Jean-Pierre Batut à l'ordre des évêques et Mgr Batut a été ordonné évêque samedi 10 janvier à Lyon. cette décision exceptionnelle nous entraine à solliciter l'avis de l'abbé Claude Barthe, qui a eu la courtpoisie de nous proposer l'analyse suivante :



Au milieu de quelques nominations épiscopales (Luçon, Laval, Angers, Bayonne, Le Mans), qui déplaisent – excellent critère – à la revue Golias, est intervenue celle de Mgr Jean-Pierre Batut comme évêque auxiliaire de Lyon, qui sera consacré le samedi 10 janvier.

Prêtre de 54 ans, Mgr Batut est issu du clergé parisien, ce qui n’est pas exceptionnel dans l’épiscopat français, et il présente d’ailleurs toutes les caractéristiques des prêtres de la capitale accédant à l’épiscopat : c’est un intellectuel copieusement diplômé (en allemand, en philosophie à Paris, en théologie à l’Université grégorienne, doctorat en histoire des religions de la Sorbonne, doctorat en théologie de l’Institut catholique de Paris) ; il était curé de paroisse (Ste-Jeanne-de-Chantal puis St-Eugène) ; il était aussi professeur ; sa tendance ecclésiale est modérée (sa nomination a été saluée avec un extrême plaisir par la revue internationale Communio, où lui-même et son futur patron, le cardinal-archevêque de Lyon, sont comme chez eux). Par qui a-t-il été « poussé » vers l’épiscopat, comme on dit ? On n’impose pas un auxiliaire au cardinal de Lyon : il n’est donc pas douteux que le cardinal Barbarin est pour beaucoup dans cette nomination. Mais d’autre part, on ne peut non plus devenir aujourd’hui évêque en France, surtout si l’on fait partie du clergé parisien, sans au minimum l’approbation du cardinal Vingt-Trois. Enfin, il est clair que les ecclésiastiques romains qui s’occupent désormais des affaires de France ont dû apprécier le profil de Jean-Pierre Batut. On raconte, dans le clergé parisien, que Jean-Pierre Batut a manqué de peu l’épiscopat en 2005, alors qu’il était curé de Ste-Jeanne-de-Chantal (il aurait été promis au diocèse squelettique et progressiste de St-Claude, dont la croix est finalement tombée sur les épaules de Mgr Legrez).

Au total, cette nomination épiscopale n’a rien de surprenant. Et pourtant…

Et pourtant, Jean-Pierre Batut était curé d’une paroisse parisienne qui, c’est le cas de le dire, sort de l’ordinaire : l'église Saint-Eugène est la première à Paris où a été obtenue (en 1984, en vertu de l’indult Quattuor abhinc annos de la même année) la célébration quotidienne de la messe traditionnelle. Ensuite, sont venues les célébrations dans l’église Sainte-Odile et dans la chapelle Notre-Dame du Lys. Selon la règle fixée par le cardinal Lustiger, la messe tridentine et la messe de Paul VI devaient être conjointement célébrées en ces lieux : à Saint-Eugène-Ste-Cécile, il y eut donc d’abord deux curés in solidum, l’un pour la messe traditionnelle (l’abbé Veuillez), l’autre pour la messe de Paul VI, puis un seul curé pour les deux messes (l’abbé Potez). Puis il y eut l’abbé Batut.

Sous l’abbé Veuillez, le maître-autel collé au retable servait pour la célébration tridentine et une table amovible était disposée pour la célébration nouvelle face au peuple : deux missels, deux autels, deux orientations. L’abbé Potez avait imaginé – soulevant la fronde des fidèles – de désolidariser le maître-autel historique de son retable afin de permettre aussi son utilisation face au peuple et selon le missel de Paul VI : deux missels, un autel, deux orientations. Nommé en automne 2007, Jean-Pierre Batut régla avec élégance ce problème en annonçant que les deux rites seraient dorénavant célébrés « vers le Seigneur », sur le maître-autel : deux missels, un autel, une orientation(1). Il sut également se faire apprécier, non seulement par ses homélies de qualité, mais en rencontrant, écoutant, conseillant les divers groupes de la paroisse, que ce soit la dynamique schola « Diapason d’or », les Amis de Sainte-Cécile, le groupe des grands clercs, les différentes personnes qui se dévouent au service de la paroisse et ce au-delà des différences légitimes. Dans le domaine liturgique, ayant appris à célébrer la messe traditionnelle, l'abbé Batut a toujours tenu à respecter au plus près le missel traditionnel et ses rubriques, en se référant au besoin à Ecclesia Dei, et n'hésitant pas à aller chercher des ornements de grand style dans les paroisses voisines. Il avait aussi instauré des pèlerinages mariaux pour sa paroisse, la conduisant à la chapelle de la Médaille miraculeuse, puis à Notre-Dame des Victoires, enfin à Notre-Dame de Paris, avec célébration de la messe selon la forme extraordinaire.

Tout cela révèle un tact pastoral certain. Mais aussi quelque chose de plus. Non pas certes, une « conversion » à la forme extraordinaire, mais une découverte en profondeur de cette forme : le Père Batut ne cachait pas le fait qu’elle le nourrissait spirituellement et qu'il avait pu constater sa valeur missionnaire. Il disait même qu’elle lui avait révélé la bonne manière de célébrer (en latin, face au Seigneur) la messe de Paul VI.

Lui succède à Saint-Eugène le P. Patrick Faure, vicaire à Saint-Augustin, qui va apprendre à célébrer la forme extraordinaire. On se dit que l’archevêque aurait pu nommer un de ces prêtres traditionalisants qui ne manquent pas dans le clergé diocésain de Paris. Mais le monde traditionaliste de la capitale reste sous haute surveillance et les méfiances – de part et d’autre – sont encore trop fortes pour qu’une autre politique pastorale, basée sur une confiance réciproque, ne s’instaure. Actuellement, à Paris, les autorités diocésaines veulent bien faire une place menue à la messe traditionnelle, mais pas au « personnel » traditionaliste. Malheureusement, ou heureusement selon le point de vue où l’on se place (où l’on se place aujourd’hui, au sein de ce climat de méfiance), la messe traditionnelle engendre en abondance un « personnel » traditionnel, autrement dit elle pourvoit en vocations traditionnelles les séminaires extraordinaires. Saint-Eugène est, comme Saint-Nicolas du Chardonnet ou comme Notre-Dame du Lys, une pépinière de vocations sacerdotales et religieuses traditionnelles. C’est l’un des fruits, fruit négatif ou positif selon le point de vue où l’on se place (aujourd’hui) de la charge à la fois doctrinale et spirituelle de la messe traditionnelle.

On se moque des ecclésiastiques qui « sentent le vent ». Mais il en existe aussi qui sentent l’Esprit. L’élévation à l’épiscopat de ce prêtre parisien, Jean-Pierre Batut, est donc fort intéressante, car on peut dire qu’à Saint-Eugène, il a « joué la confiance », et qu’il fait partie de ceux qui ont préparé cette mutation des esprits – de tous les esprits – qu’il faut ardemment appeler de nos vœux.
 


REFLEXIONS DE PAIX LITURGIQUE

 
1 - Le père Batut fait véritablement figure d'exception dans le paysage ecclésiastique français actuel. Nommé curé d'une paroisse parisienne où la messe traditionnelle est célébrée depuis de nombreuses années, il a su trouver sa place dans un contexte souvent difficile et parfois polémique. Plutôt que de se sentir investi de la mission de "normaliser" sa paroisse et de faire revenir au rite de Paul VI ses "brebis égarées" attachées à la forme extraordinaire du rite romain, le Père Batut a accepté de jouer loyalement et avec enthousiasme la carte de la réconciliation réelle et profonde.
Ainsi avec le Père Batut, pas de mépris pour ses fidèles, pas d'innovations ou spécificités liturgiques étrangères au missel de Jean XIII, pas de sermons provocateurs.

Au contraire, le Père Batut a pu manifester à de nombreuses reprises qu'il aimait cette liturgie et qu'elle avait toute sa place dans l'Eglise.
Le cas est trop rare pour ne pas être cité en exemple. Voilà un beau cas qui nous montre que la paix liturgique est possible partout où elle est véritablement désirée. La simplicité de ce succès pastoral est la meilleure réponse aux fausses difficultés et obstacles en tout genre que ne cessent d'invoquer (après avoir été à l'origine de leur survenance) les ennemis de la paix et autre fossoyeurs du Motu Proprio pour ne pas répondre à l'appel du Saint Père.

 
2 - A Paris, le Père Batut n'a pas eu peur de se mouiller pour (et avec) ses ouailles attachées à la forme extraordinaire du rite romain. Processions, pèlerinages dans des lieux saints chargés d'histoire de la capitale. Dans une ville qui compte de si nombreux prêtres, force est de constater que le Père Batut est le seul curé de Paris à s'être autant exposé pour les fidèles attachés à la liturgie traditionnelle de l'Eglise.
Ce zèle apostolique s'est fait dans l'honnêteté et la transparence. Aussi, lorsque le Père Batut fit des remontrances publiquement aux fidèles à l'occasion de la messe à Notre-Dame de Paris le 17 juin dernier, il le fit toujours avec charité et en face, à la loyale, pour que se rétablisse la paix.
 

3 - C'est cet homme que notre Saint Père Benoît XVI a choisi pour être évêque. C'est pour tous les fidèles attachés au Saint Père et à son désir d'unité de l'Eglise catholique, une très grande joie que de voir le Père Batut devenir évêque catholique en France.
Peut être pouvons-nous y voir un indicateur de la véritable intention du Saint-Père : pas de révolution dans l'Eglise, pas de grands coups d'éclat mais l'expression d'un réel devoir, d'une réelle responsabilité des pasteurs d'œuvrer à la réconciliation de ceux qui sans conteste sont catholiques… tout autant que les autres, malgré leurs choix liturgiques...
 
 

(1) Est-il besoin de préciser, cum grano salis, qu’une ultime combinaison serait possible ?




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